Cela faisait un moment que je voulais jouer à ce jeu. Il était ‘en attente’ dans mon panier PS Store depuis des mois, mis là en espérant la sortie d’une éventuelle version physique à venir. Cette dernière fut annoncée avant d’être repoussée le plus loin possible, suite à des déboires sur lesquels je ne reviendrais pas. Je me suis donc décidé à me payer le titre en dématérialisé malgré mes réticences persistantes envers ce mode de distribution, par peur de le voir disparaître du jour au lendemain sans préavis. Et me voici donc devant un ‘jeu indépendant’ qui a beaucoup fait parler de lui par bien des aspects, mais que vaut-il vraiment manette en main ? Allons découvrir cela ensemble…
RETURN TO POSSUM SPRINGS
Margaret Borowski, jeune femme de 20 ans, revient dans sa ville natale suite à l’abandon de ses études universitaires. De retour chez ses parents, elle espère se ressourcer auprès de ses proches et ses amis alors que son moral est au plus bas. Mais le monde qu’elle retrouve à bien changée depuis son départ. Ses anciens camarades on continué leur vies et on désormais des projets familiaux ou professionnels à concrétiser. Dans ce contexte ‘Mae’ (comme tout le monde la surnomme) à du mal à renouer les liens avec son passé. Heureusement son ancien groupe de musique subsiste encore, et c’est là qu’elle retrouve ses anciens amis que sont Greggory ‘Gregg’ Lee et Beatrice ‘Bea’ Santello et fait la connaissance d’Angus Delaney, avec qui Gregg partage désormais sa vie.
La bourgade possède un certain charme
On suit donc le quotidien de cette jeune personne, jour d’ennui après jour d’ennui, traînant dans les rues de sa petite bourgade perdue au milieu des États-Unis et redécouvrant ses habitants et leurs petites habitudes. Derrière le désarroi de la jeune fille on perçoit aussi le désaroi de cette petite ville de nulle part qui se meurt petit à petit. Tout cela laisse entrevoir une bien tristounette ambiance générale. Personne n’est vraiment malheureux, mais personne n’est vraiment heureux non plus. La morosité comme seule promesse d’avenir. Alors au milieu de tout çà Mae s’occupe comme elle peut en passant du temps avec ses amis. Ainsi elle glande avec soit Gregg soit Bea pour des activités diverses (balade au centre commercial du coin, soirée entre jeunes dans les bois, saccage de néons à coup de batte de baseball, combat de couteau ‘en toute amitié’, se raconter allongé entre deux lignes de chemin de fer…ce genre de trucs de bon aloi…) et tente de discuter avec ses parents quand elle se sent d’humeur.
Le style visuel entre 'collage', vieilles affiches de pubs rétro et palette pastel fonctionne bien
Les journées se suivent donc et se ressemblent, au point qu’on peu aisément en faire la description. Mae se lève, checke ses messages sur son ordinateur voir fait une partie de jeu vidéo puis sort de sa chambre pour aller discuter avec sa mère à la cuisine avant de sortir de la maisonnée. Une fois dehors elle vadrouille une bonne partie de la matinée à farfouiller les toits et les immeubles du centre-ville. C’est dans ces phases-là que se déroule une bonne part du ‘jeu’ en tant que tel. A vous de trouver les activités à effectuer, à rencontrer les habitants plus ou moins cachés et à explorer les zones de fond en comble. Puis, en fonction des mails consultés le matin, elle rejoindra l’un de ses amis pour un passe-temps du soir. Celui-ci terminé, retour à la maison où cette fois-ci elle a une discussion avec son père devant la TV. Enfin retour dans sa piaule, de nouveau un regard sur les mails pour conclure cette journée puis dodo pour la phase du Rêve. Et lendemain rebelote.
Plusieurs choses sur lesquelles revenir dans ce descriptif. Tout d’abord les ‘passe-temps’. Déjà il fait bon de préciser que le jeu est linéaire, pas de retour en arrière via les sauvegardes…et que l’aventure dure 12 jours. Et que chaque jour vos différents amis vous proposent de passer du temps ensemble pour diverses activités. Pour être plus clair si vous passez le troisième jour avec Bea pour glandouiller au centre commercial vous n’aurez pas la possibilité de faire l’activité prévue ce jour là avec Gregg. Et vice-versa. Pareil pour les ‘scènes cachées’, dont je sais en avoir loupé la majorité : plus vous passerez du temps avec telle ou telle personne plus vous débloquerez des dialogues et surtout donc ces fameuses séquences en plus. Tout ça pour dire qu’il est nécéssaire de faire plusieurs partie pour voir l’ensemble du jeu.
Ensuite les phases de rêves qui concluent chaque journée. Ces séquences oniriques ayant leurs propres codes et palette de couleur constituent les passages les plus étranges du jeu, et je dois bien avouer ne pas véritablement en avoir compris le sens…comme d’une bonne partie du titre en fait. Car oui Night in the Woods avait tout pour faire un très bon petit jeu indépendant, mais malheureusement il rend une copie qui s’enfonce de plus en plus dans le ‘hors-sujet’…
PETITE HISTOIRE DE CAMPAGNE
Night In The Woods pris vit suite à une campagne sur Kickstarter en octobre 2013, dont la cagnotte atteignit bien vite le budget escompté. L’équipe derrière ce projet possédait sa petite réputation et bien vite les attentes se firent nombreuses sur ce jeu. Au cours du développement furent mis en chantier deux petits projets annexes, baptisés ‘The Longest Night’ et ‘The Lost Constellation’, afin de faire montre de ce que à quoi ressemblerait le jeu final. Ces deux ‘mini-jeux’ complètent en fait un peu le background de l’univers mais sont loin d’être indispensable (ils sont présent dans les bonus). Puis le jeu sorti et eu plutôt bonne presse.
Le temps passa, la réputation du jeu ne faisant qu’accroître, revenant régulièrement sur le devant de la scène pour diverses raisons plus ou moins heureuses. Jusqu’à ce qu’enfin je pose mes petites mains dessus.
Premier constat, l’animation est vachement bien fichue, on entre de suite dans cet univers anthropomorphique en deux dimensions. Deuxième constat, les graphismes sont minimalistes mais clairs et compréhensible de suite, et loin d’être moche. Cela évoque les dessins promotionnels des années 50 avec ses lignes ciselés et ses couleurs chaudes. Troisième constat, le jeu est uniquement en anglais, avec de nombreuses et longues phases de dialogues. Premier couac car mes connaissances personnelles de la langue de Justin Bieber sont assez limitées, mais bon quand même j’ai capté on va dire entre 70 et 80% de ce qui se raconte là-dedans. J’ai compris ‘en gros’ après ce sont les subtilités qui m’ont échappé. Il faut cependant avoir une petite connaissance de l’argot et des abréviations courante dans le langage anglo-saxon, je tiens à le préciser (le « Geez » pour « Jesus ! » afin d'exprimer la surprise, le « Dunno » contraction de ‘I don’t Know’ ; ce genre de trucs…).
La petite bande au complet (manque Germ le petit Piaf, qui est un peu à part...)
Dès les premières minutes on comprends que le jeu ne sait pas trop ou donner de la patte, oscillant entre petites énigmes, phases de plates-formes, phases de discussions avec ‘choix multiples’…Par contre on capte aussi dès les premiers instants la nature dépressive et lancinante qui nous accompagnera tout au long de ce récit.
Et j’insiste sur le terme de récit, car c’est bien la fonction première de ce titre : nous raconter une histoire avec nombreux dialogues à l’appui, dans lequel des petites phases de gameplay minimalistes s’incrustent. Le reste du temps on se balade sans trop savoir quoi faire, tombant au hasard sur quelques individus avec qui taper la discute ou effectuer une action. Ce qui fait que oui, la plupart du temps, comme la protagoniste, on « s’ennuie ». On cherche à s’occuper d’une manière ou d’une autre. On vadrouille en quête de n’importe quoi pour briser le monotone automne.
Tout est fait pour faire ressentir la mélancolie de Margaret
Et c’est alors qu’au septième jour advint la fête d’Halloween. Et c’est au cours de cette soirée que commence à poindre une intrigue qui va vaguement nous sortir de la torpeur. Car Mae est témoin de rien de moins qu’un enlèvement en cette nuit des morts. Mais ce qui pourrait se révéler comme un début d’aventure à la « Club des 5 » va en fait se révéler comme la plus incroyable pantalonnade à la Scoubidou…
L’ART DE SAVOIR RACONTER UNE HISTOIRE (OU PAS)
Autant NITW est doué pour poser une ambiance et un certain regard sur l’Amérique des petites gens loin des grandes villes côtières autant en ce qui concerne le scénario on est dans l’amateurisme le plus absolu. Car donc du septième au douzième jour, le jeu oblique sur une enquête d’enlèvement quasi sorti de nulle part. Le principe du jeu reste le même, c’est uniquement l’histoire qui se concentre sur cette investigation. A savoir beaucoup de parlotte et quelques séquences de gameplay par-ci par-là.
Les différentes phases d’exploration (bien grand mot) apportent un semblant de nouveauté tout de même, permettant de faire avancer l’intrigue à coup de raisonnement foireux et raccourcis indignes. On apprend rien du tout mais on avance quand même, jusqu’à l’incroyable séquence devant la mine où là on passe dans un niveau de ‘WTF’ absolu. Extrêmement mal amenée, mal écrite, mal mise en scène...on se demande ce qui c’est passé dans la tête des scénaristes pour nous pondre un passage pareil…
L'enquête des jeunes les conduira dans des endroits bien étranges...
A partir de là jusqu’à la fin on bascule dans un ‘Absurdous Delirium’ permanent. Fini la subtilité, place à l’enfonçage de porte et au n’importe nawak ! La dernière séquence dans la mine m’a achevé, on croit vraiment qu’une autre personne à débarqué de la lune pour écrire le dernier tiers du scénario tant celui-ci s‘éloigne du reste. Révélation sur la fin de l'histoire: On y parle secte sacrifiant des habitants à la gloire du grand Mouton Noir de l’espace en les balançant dans un trou sans fond d’où sort une musique qui donne mal à la tête à notre héroïne. Elle serait plus ou moins reliée aux êtres cosmiques, ceux qu’elle découvre à la fin de chacun de ses rêves. Les membres encapuchonnés de la secte font face à la bande de gamins et dans un non-sens total cela se termine par un accord du genre « Vous ne dites rien car vous ne savez pas qui nous sommes, on pourrait être vos voisins, des amis de vos parents ou d’autres encore…parlez et vous pourriez être nos prochaines victimes !» et donc les mioches de s’en repartir calmement, alors qu’ils viennent d’apprendre qu’un de leur amis à été balancé dans une crevasse insondable avec d’autres disparus. Puis surviennent les séquences de l’ascenseur et du puits qui closent pour ainsi dire et l’intrigue et la mine, piégeant – mais ce n’est pas certain – les malfaisants dans les grottes. Puis on passe au lendemain, comme si de rien n’était…Mae se lève, checke ses mails, discute avec sa mère…sort voir ses copains. Le dialogue final a lieu soit avec Gregg soit avec Bea, en fonction de celui ou celle avec qui vous aurez passé le plus de temps au cours de ces douze jours. Puis le groupe se décide à jouer de la musique et le jeu se termine sur « On joue quel morceau ? ». Fin.
"C'est moi où notre histoire devient n'importe quoi?"
Tout ce final m’a laissé pantois. On est passé d’un jeu sur l’errance d’une certaine jeunesse à un épisode ignoble d'Archie Mystère sur un coup de folie. Comme si au cours du développement ils s’étaient rendus compte qu’il fallait quand même à un moment ‘raconté quelque chose’ et nous avait pondu cette intrigue atroce, ni faite ni à faire. Surgissant comme un cheveu sur la soupe, avec une tonalité aux antipodes du reste, ce dernier tiers est une catastrophe d’écriture. Il y avait tellement mieux à faire que cette fanfaronnade vulgaire et cette histoire d’enlèvement qui n’a rien à faire là. Mae, enfermée dans sa dépression aurait très bien pu ‘imaginer’ tout un complot et descendre dans la grotte pour finalement se rendre compte de son erreur, tombé sur ce lac souterrain et faire face à son reflet dans une séquence onirique pour ressortir par le puits de lumière ressourcée et confiante à nouveau en elle-même et dans la vie…Bref un truc classique mais néanmoins efficace au lieu de ce Schmilblick sectaire absurde.
CONCLUSION :
Mitigé. Plus que mitigé je suis. Car Night in the Woods parvient durant une bonne partie du jeu à nous faire ressentir le quotidien de cette jeune fille perdue. Au travers de ses journées où elle cherche par tout les moyens à tromper l’ennui, on découvre son petit patelin et ses richesses cachées (parfois très bien), et le plaisir qu’elle a à faire connaissance avec des habitants qu’elle côtoie depuis toujours mais auxquels elle s’intéresse désormais plus en profondeur. Alors oui c’est lent, c’est bavard et parfois un peu bizarre (accentué par le fait que le tout est en anglais) mais la sensation d’un retour aux sources est bien là, mélancolie et remise en question inclus dans le package.
Mais quand arrive Halloween on bascule dans autre chose, à la limite du nanar n’en ayant plus rien à faire de la cohérence et de ses personnages. C’est vraiment surprenant à voir. Plus on s’approche de la fin plus on nage en plein délire d’écriture qui nous sort instantanément du titre et de l’ambiance savamment mise en place depuis le début. Je serai curieux de savoir comment on a pu en arriver là dans l’équipe de développement…
Au final est-ce un jeu que je conseille ? Oui et non. Oui pour les curieux de ce que peut donner le jeu indépendant narratif américain lisant l’anglais et pas réfractaire à la 2D. Non pour ceux en recherche d’aventure et d’action trépidante. N’en reste pas moins une expérience intéressante à laquelle il faudra que je m’adonne de nouveau pour en explorer les nombreuses scènes cachées qui m’ont échappée. Un jour d’ennui surement…