~ Cet article est une republication d'un post initial daté du 23 octobre 2019 ~

Par où commencer ? Outer Wilds est ce qu’on appelle un jeu à réputation. Sorti il y a plusieurs mois sur XBOX ONE et PC, il a conquis bien des joueurs qui le portèrent aux nues, faisant baver ceux qui comme moi n’y avaient pas accès. Les previews, les tests, les retours des gamers… tout allait dans le même sens : un chef-d’œuvre. Voir même pour certains le Game Of The Year, sans hésitation ! C’est ce qu’on appelle faire monter la ‘Hype’, et ma curiosité, attirée de base par ce genre de titre orienté exploration, fut activée. Alors quand le titre d’Annapurna et Mobius se pointa sur le store PS4 je ne me fis pas prier pour me lancer à mon tour dans la conquête spatiale de cette galaxie atypique.  Qu’est ce que je retiens au terme de ce voyage spatio-temporel ? C’est-ce que nous allons voir dans l’article qui suit.

 Le principe même du jeu étant basé sur la découverte, les photos illustrant cet article resteront volontairement peu démonstratives. Il serait en effet bien dommage de gacher l'émerveillement des futurs joueurs face aux environnements à parcourir.


SPACEMAN I ALWAYS WANTED YOU TO GO

Par où commencer ? Vous voilà dans la peau d’un Âtrien, de la planète Âtrebois et vous vous apprêtez à effectuer votre premier voyage d’exploration spatial dans votre système stellaire. Vous êtes un brin nerveux, un brin anxieux et un brin excité. Comme quatre de vos camarades avant vous, vous allez parcourir les planètes voisines afin de découvrir et peut-être percer le mystère de l’antique civilisation disparue qui occupa jadis ces astres. Vous terminez vos dernières préparations avant le grand départ quand un étrange événement survient avec la statue Nomaï du musée de l’observatoire. En effet le buste représentant l’ancienne peuplade a subitement ouvert les yeux à votre passage, tout en téléchargeant visiblement vos souvenirs…Quelle étrange sensation ! Mais cela ne stoppe en rien votre départ imminent. Vous voilà donc doté d’un équipement et d’un vaisseau flambant neuf…mais fait de bric et de broc, rafistolé ici et là par du ruban adhésif et des planchettes de bois. Votre matériel lui se compose d’un ondulloscope permettant de capter les signaux radio à plus ou moins longue distance, d’un lance-guetteur, engin permettant de prendre des photos de reconnaissance, d’un tout nouveau prototype de traducteur de langue Nomaï qui vous confère un net avantage sur vos prédécesseurs et d’une combinaison spatiale munie d’un propulseur. Vous êtes fin prêt pour votre décollage…et vous voilà parti dans l’espace ! 

Description de notre tenue et équipement. En haut à gauche nos réserves d'air et de carburant pour la motricité du pack dorsal. Dessous un scan de la planète pour localiser les pôles et l'équateur, plus l'indication de la pesanteur actuelle exercée et un système d'assiette (j'ignore le vrai nom de ces trucs). À droite nos outils, le lance-guetteur, l'ondulloscope et la lampe torche. L'emplacement de notre fusée est également toujours indiqué. Vous n'aurez aucun équipement de plus de tout le jeu.

Autour de votre étoile, nommé simplement ‘Soleil’ se tiennent en orbite cinq planètes, qu’il convient de présenter succinctement. D’abord Sablière, en fait deux planètes jumelles qui attirent tour-à-tour le sable présent sur leur sol. Puis Âtrebois, votre fief et seule planète non hostile du système. Vient ensuite Cravité, la planète creuse qui semble abriter l’ancienne cité des Nomaï. On poursuit avec Léviathe, la planète océan sans cesse tourmentée par des puissants ouragans. Et pour finir ce tour d’horizon Sombronces, planète visiblement en bien mauvais point dû à une attaque de plante galactique pas très amicale…et aux propriétés physiques étonnantes. A tout cela ajoutez quelques corps célestes supplémentaires, comme des lunes ou autres comètes de bon aloi. Quand on dresse le bilan, il y a de quoi explorer dans des environnements divers et jouer aux apprentis archéologues avec plaisir et entrain. Précisons toutefois que le système planétaire n’est pas très vaste, quelques Km³ tout au plus. Mais c’est bien suffisant !

La carte du système stellaire, accrochée dans votre navette

À partir de là, libre à vous d’arpenter l’espace de jeu (Ha ! Ha !) comme bon vous semble. Il est vivement conseillé toutefois de se rendre de prime abord sur Rocaille, la lune en orbite toute proche, histoire de se familiariser avec les commandes (j’y reviens plus tard !) et de rencontrer Esker, sorte de veilleur des différents astronautes en vadrouille. Mais à part ça, le système solaire est à vous !
Mais c’est alors que vous élaborez un premier plan de vol afin de vous rendre sur chacune des planètes qu’a lieu un bien fâcheux aléa de voyage. En effet sous vos quatre yeux ébahis votre étoile se transforme en une supernova ! Et implose, emportant avec elle mondes, lunes, bases spatiales, comètes et jeune explorateur de l’espace !

La lumière bleue annonce la fin des haricots

ALLÔ ÂTREBOIS ? ON A UN PROBLEME…

Par où commencer ? Vous vous réveillez comme la première fois et constatez que vous revivez les derniers moments survenus. Comme une sensation de déjà-vu immense…à la différence près que cette fois-ci nul besoin de redemander les codes de lancement de la navette…vous les connaissez déjà. Tout est reparti de zéro à l’exception de votre savoir. Très étrange…vous rejoignez votre vaisseau pour votre second premier décollage et repartez en goguette autour de l’étoile locale. Vous remarquez alors que l’astre de feu voit son aspect se modifier au fur et à mesure que le temps passe…de jaune vif il passe à l’orange puis au rouge écarlate…avant de repartir en implosion ! Vous fuyez comme vous pouvez mais cette fois encore vous êtes happé par la catastrophe cosmique. Et rebelote, vous vous réveillez de nouveau au pied de la tour de lancement de votre engin.

Oui, il est possible de déguster des marhmallows autour d'un feu de camp

Vous n’êtes pas idiot et comprenez que vous êtes bloqué dans une boucle temporelle. Et que surtout vous semblez être le seul à en être conscient ! Vous voilà bien parti pour un premier vol ! Vous vous décidez alors à enquêter - pas vraiment le choix - sur la raison de cette anomalie et surtout pour sauver votre système planétaire de la destruction imminente ! Comment est-ce possible qu’une étoile se transforme en supernova en si peu de temps ? Et Pourquoi ?! Et si cela avait un rapport avec cette étrange lueur bleue propulsée de cette base lointaine que vous apercevez à chaque fois que vous ressuscitez ?

Exemple d'une construction Nomaï à découvrir

Et c’est ainsi, de fil en aiguille, d’exploration de ruines célestes en traduction de langages antiques que vous progressez dans votre compréhension de l’univers. Je tairai volontairement la nature, les lieux et les péripéties de ces aventures qui connaissent des difficultés variées. Mais quoi qu’il en soit vous l’aurez compris, chacune de ces phases d’explorations et de recherches connaîtra une fin explosive, si vous parvenez à rester en vie jusqu’à la fin de la boucle, ce qui n’est pas forcément évident. Car oui l’espace n’est pas vraiment lieu de villégiature. Noyé, asphyxié, atomisé, empoisonné, carbonisé, explosé, dévoré…vous en connaitrez des morts et des accidents au cours de vos pérégrinations ! Jusqu’à une certaine forme d’agacement. Jusqu’à une certaine forme de libération. Car quoi qu’il arrive la boucle repartira certes, mais vous aurez acquis de l’expérience, aurait pris connaissance de certains raccourcis, aurait résolu une petite part du mystère global. Fort heureusement, tout cela est consigné dans votre journal de bord – seul autre élément qui ne repart pas de zéro – et qui vous permettra de savoir à tout moment quelles pistes suivre et approfondir.

L'ordinateur de bord, votre plus précieux allié!

Et il est donc venu maintenant le moment de parler du point le plus admirable d’Outer Wilds, à savoir le fait que tout est basé sur la connaissance et l’étude de son environnement. À force d’exploration et de savoir acquis, vous commencez à connaître votre système comme votre poche. Et pourtant votre personnage n’a évolué en rien depuis le premier réveil. Mêmes capacités, même équipement, même vaisseau. Seul votre apprentissage vous fait progresser. Ainsi vos traductions et votre travail de recherches archéologiques vous permettent de mieux appréhender les obstacles, de mieux les franchir ou de les contourner. Pourtant tout était là depuis le début. Les planètes sont rigoureusement les mêmes, la galaxie tourne en boucle. Les plus observateurs d’entre vous pourront même résoudre certaines énigmes par la seule force de leur esprit et de leur sens de la curiosité. Mais pour la plupart c’est bien ces actes de découverte et de lecture qui nous font avancer. Comme pour le coup des tornades. Comme pour le coup des Cœlacanthes. Comme pour le coup de la Lune Quantique (le passage le plus tordu, le plus barré, le plus étonnant…et le plus grisant !). TOUT est faisable depuis la première boucle, y compris finir le jeu ! Mais vous n’avez pas les connaissances nécessaires pour y parvenir. Il est là le véritable coup de génie d’Outer Wilds. (On me souffle à l'oreillette que The Witness et Heaven's Vault  se font fort également de ce principe, je répète bêtement, n'ayant pas fait ces titres)

Votre village est à la fois basé sur des constructions de bois et de la haute technologie...

L’autre aspect fabuleux du titre, c’est cette notion permanente de mouvement, d’interactions physiques spatiales, du temps qui s’écoule sur les différents corps célestes qui nous entourent. Alors qu’Âtrebois reste globalement stable durant la boucle, c’est loin d’être le cas pour d’autres planètes. Sablière voit par exemple la sœur rouge se remplir constamment du sable qui se déverse de sa sœur noire, ce qui concrètement limite le temps d’exploration de l’une (qui se voit envahir par la silice petit à petit, bloquant les grottes et autres cavités souterraines) tandis que l’autre se dévoile de plus en plus, laissant apparaitre bâtiment et autres structures. Il faut donc jongler avec ses contraintes pour examiner à fond chacune des jumelles. Pour Cravité, ce sont des pans entier de la planète qui s’effondre, laissant par là-même des trous béants sur la surface, rendant difficiles certaines phases d’explorations, surtout quand on sait que la principale cité est à parcourir sous la croute terrestre. Léviathe et Sombronces ne bougent pas trop non plus mais leurs caractéristiques propres leur confèrent également bien des péripéties à parcourir pour pleinement les découvrir. Sombronces notamment dont je ne divulguerai pas la particularité mais qui laisse assez pantois quand on la parcourt pour la première fois.


Une compatriote qui joue du Banjo, avec à droite les producteurs du jeu, Avimaan Syam et Masi Oka, qui interprétait Hiro Nakamura dans la série Heroes, personnage qui était capable de manipuler le temps...

LA FACE OBSCURE DU SOLEIL

Par où commencer ? Au milieu de cet émerveillement se terre une bien pernicieuse épine dans le pied. Dès le premier décollage on perçoit ce qui sera de très loin le plus gros défaut du jeu: sa maniabilité. Et notamment à bord du vaisseau. Prenant en compte l’inertie et le différentiel de vitesse entre vous et les corps stellaires je vous avoue que j’ai très vite abandonné le principe de l’atterrissage en douceur. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis crashé lamentablement à la surface de la planète où je souhaitai atterrir. À un point tel que j’ai fini par m’en amuser et même à maitriser le principe de « l’accident réussi ». Cependant il faut savoir qu’il existe des aides au pilotage, à commencer par le bien nommé ‘pilote automatique’…qui m’envoya l’une des premières fois que j’en usai au cœur du soleil ! J’ai donc drastiquement limité son utilisation par la suite, même si dans certains cas il peut sortir de quelques tristes postures (principalement quand on dérive en dehors du système solaire…). Couplé à ce système se trouve un ‘régulateur de vitesse’, qui en fait va caler votre rotation orbitale sur un astre ciblé et vous permettre de vous approcher sans trop d’encombre. Il faut du temps pour parvenir à maîtriser le vol spatial dans Outer Wilds, et en ce qui me concerne j’ai fini le titre sans pleinement avoir saisi le principe. Y compris sur la fin je m’écrasai encore comme un sac de patates ou étais réduit en cendres dans l’étoile centrale pour une trajectoire mal calculée…

La conduite du vaisseau vous fera passer de bien terrible moment...

Dans la continuité du principe précédent, l’utilisation du jetpack qui parfois m’a rendu dingue. Il m’est fréquemment arrivé de me retrouver bloqué au milieu du vide, ne pouvant bouger dans aucun sens durant des dizaines de secondes, forçant sur la manette jusqu’à ce que mon étreinte invisible se relâche et que je puisse continuer ma déambulation. Je ne sais toujours pas si cela est dû à moi qui n’ai pas compris un principe du jeu ou si c’est lui qui débloque parfois…

Votre barda quand vous sortez dans l'espace...on peut comprendre que le pauvre bougre est un peu de mal à se déplacer...

J’évoquerai aussi le paradoxe de cette contrainte temporelle permanente. Je suis de ceux qui détestent absolument le principe du chronomètre dans le jeu vidéo. Je suis un joueur lent, contemplatif. M’imposer un timing me rend fou et par conséquent j’en perds mes moyens (déjà limités) et fais du n’importe quoi. Hors tout le principe de cette aventure tient sur cette contrainte. Et il m’est arrivé parfois de ne pas avoir eu le temps d’effectuer l’action que je souhaitai accomplir dans le temps imparti…ce qui eut ‘légèrement’ tendance à m’agacer. Le contrepoint à cela c’est que cette exigence de temps fini par ne plus en devenir une, l’échec ayant de toute façon généré une nouvelle accumulation d’expérience, la boucle suivante vous ne réitérez pas les mêmes erreurs, vous tentez autre chose. Alors oui j’ai piqué une ou deux crises de nerfs sur ce principe mais finalement il y a largement le temps, au cours de ses fameuses boucles, de faire ce qu’on y a prévu, du moment que l’on a bien appréhendé son parcours et qu’on ne se laisse pas disperser dans tous les recoins du système stellaire.

Vous l'emprunterez très souvent la passerelle de la plateforme de décollage...jusqu'à plus-soif!

Enfin, et sans rien divulguer du grand final, je dois bien avouer que ce dernier m’a laissé de marbre. Je n’aime pas du tout ces fins ‘ésotériques’ à la ‘2001, l’Odyssée de L’Espace’. On fait un peu du n’importe quoi de manière stylisée et visuellement chatoyant mais au fond on ne raconte rien de concret. Certains appellent cela de la poésie, moi j’appelle cela de la fainéantise d’écriture. Quand on regarde la fin du jeu on se dit juste « Ouais, OK. Et alors ? ». Ce n’est pas satisfaisant pour mon esprit cartésien. Mais d’autres seront enchantés par cette conclusion très ‘spirituelle’.
Quand on observe la balance, on constate que ces défauts, loin d’amoindrir la qualité intrinsèque du jeu, lui nuisent tout de même de manière sous-jacente tout du long. Une meilleure jouabilité  - surtout pour le vaisseau ! - et un épilogue plus terre à terre aurait fait de lui un de mes jeux du Top 10, assurément.

En plus de votre équipement décrit plus haut, vous êtes également muni d'un traducteur dernier cri, qui vous apportera la clé de la compréhension de tout ce bazar cosmique.

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Par où finir ? Oui Outer Wilds est une expérience unique, puissante, jouissive. De ces idées toutes bêtes qui misent en œuvre révèlent tant de possibilités et de rêveries. Un pur jeu d’exploration et d’analyse, qui demande parfois un peu de jugeote et de malice pour se dépêtrer de certaines situations, d’en résoudre d’autres. On reste coi devant certaines découvertes, devant certains environnements, devant certaines interactions physiques, logiques ou quantiques. Quelle satisfaction quand on comprend et réussit ce qu’il faut faire pour progresser, quand on obtient la réponse à une énigme d’une autre planète, quand on découvre tout un nouveau pan de décor à visiter. Face à cette sensation inouïe d’être un archéologue de l’extrême, les soucis de maniabilité récurrent font bien pâle figure mais gâchent quand même le tableau général. Il faut le savoir quand on se lance dans cette odyssée spatiale, et je ne peux que trop vous conseiller de vous y lancer à votre tour, tant le voyage, bien que parfois chaotique, vaut le détour.
Mais n’est ce point-là le cas de tous les périples ?