Il y a peu s’est terminé la série d’animation She-Ra et les Princesses au Pouvoir dans une indifférence surprenante tant cette série mérite qu’on parle d’elle en bien. Abordant des thèmes dépassant de loin le strict cadre enfantin auquel elle est destinée (ce qui peut aussi être considéré comme son plus gros défaut) elle fait parti de cette vague héritière de la trop sous-estimée série culte « Avatar le Dernier Maître de L’Air » qui révolutionna l’animation américaine à destination du jeune public. Allons donc voir ensemble de quoi il retourne exactement dans cette relecture de la Princesse à l’Épée Magique.

UN UNIVERS FÉÉRIQUE

Déjà, première précision - d’importance - je n’ai jamais vu un seul épisode de la série originale, petite sœur de Musclor (dont j’ai du voir quelques bribes qui ne me restent absolument pas en mémoire). Je découvre donc avec ce remake cet univers et ne peut en rien comparer avec ce qui avait été fait dans les années 80. En ce qui concerne le Lore global des ‘Maîtres de L’Univers’, c’est pareil, je suis incapable de vous dire si cette série y fait de subtiles références ou non. En tout cas, nulle allusion de He-man ou de Skeletor, çà c’est certain. Il est en revanche fait mention d’anciennes incarnations de la Princesse Magique, et principalement d’une certaine Mara.

Adora essaie de comprendre son rôle en tant que She-Ra

Revenons à notre sujet, à savoir la série d’animation produite par Netflix et Dreamworks, en 5 saisons pour un total de 52 épisodes d’environ 20 minutes chacun (le nombre d’épisode par saison est assez disparate, allant de 6 à 13). On y suit les aventures d’Adora, qui au départ est un soldat de la Horde, en charge d’apporter la paix et la sécurité sur l’ensemble d’Etheria, et de combattre la rébellion qui s’oppose à ce formidable projet. Au cours de l’une de ses missions, la jeune femme tombe sur une épée plantée dans le sol au cœur d’une sombre forêt, qui semble l’attirait à elle. Schéma classique : elle retire l’épée et se découvre une Destinée en tant que la grande guerrière She-Ra, protectrice d’Etheria. Adossant ce rôle à bras le corps, cela signifie surtout trahir ses amis et changer de camp, pour devenir le fer de lance de la rebelle alliance qu’elle pourchassait férocement jusque là.

La team Horde au grand complet ou presque. A gauche dans le sens des aiguilles d'une montre en partant de midi: Catra la fameuse, Rogelio le lézard, Kyle le freluquet, Lonnie la tête de mule, Scorpia la princesse déchue et Doublia la métamorphe. A droite Entrapta ma favorite, Hordak le félon, Emilie le robot maboul et le petit démon sans nom mais rigolo.

Elle est entouré de deux fidèles compagnons, qui l’accompagneront jusqu’à la fin, à savoir Scintilla et Flechdor. La première et l’une des fameuses princesses du titre (chaque région de la planète possède à sa tête l’une d’entre elle, chacune possédant un pouvoir spécifique, en ce qui concerne Scintilla c’est la téléportation) et le second l’ami et confident de la précédente, archer émérite. En face, on fait la connaissance de Catra et Scorpia, donc deux anciennes camarades d’Adora, désormais chargées de la traquer et de la ramener au Rocher de la Peur, leur foyer. À ce petit comité viendra s’ajouter au fur et à mesure des épisodes tout autant d’alliés que d’adversaires, jusqu’à la menace ultime du Grand Maître lors la dernière saison, menaçant rien de moins Etheria de la destruction totale.

Les princesses fêtent une victoire: Siréna, Jasmine, Glacia, She-Ra (qui techniquement n'est pas une princesse) et Scintilla. Pour les connaisseurs de l'ancienne série, le relooking doit destabiliser...surtout Glacia.

Au final, il n’y aura pas loin d’une bonne vingtaine de personnages à suivre, pour la plupart bien croqué, avec bien sur une prédominance de princesses colorées et téméraires. Qu’il s’agisse de Siréna (pouvoir de l’eau), Jasmine (contrôle des plantes), Glacia (heu…bah elle contrôle la glace) ou bien ma favorite Entrapta (aux cheveux magiques…oui c’est bizarre. Mais elle est surtout fondu de technologie) entre autre, il y a un sacré panel présenté ici. Mais là ou la série tire à mon sens son épingle du jeu (et qui fait lien avec la série Avatar) c’est sur le non-manichéisme de ses protagonistes. Personne n’est tout noir ou tout blanc, les méchants ne sont pas ‘uniquement’ méchant et les gentils ne sont pas des benêts ‘au pouvoir de l’amour et l’amitié’. Enfin si un peu quand même mais cette notion est justement mise à mal au vu des épreuves que traverseront notre trio de héros. Chacun à sa part d’ombre, ses forces et ses faiblesses, ses motivations qui pourront entrer en contradictions avec ses compagnons. En clair c’est bien écrit, même si le coté gnan-gnan de certains héros pourra agacer (mais c’est un vieux de 40 piges regardant une série pour pré-ado qui le dit, alors c’est sans doute à relativiser).

Les décors sont de toute beauté

Du point de vue visuel, on est dans le bon ton en termes de style et de couleurs. Plutôt pastel et traits fins, ce qui colle avec l’univers dépeint. J’ai pu entendre des critiques sur le fait que c’était ‘moche’ et avec une animation très pauvre. Pour le premier point, chacun jugera en fonction de ces propres gouts, en ce qui me concerne je préfère de loin ce style à – par exemple- ce qui se fait sur du Rick & Morty ou cette veine de série satirique ‘à la Simpsons’, sans parler des véritables horreurs qu’on nous pond ces dernières années sur les networks jeunesse. Pour l’animation, elle est plus que correcte, il ne faut pas exagérer. On est loin de la saccade permanente de la première saison du ‘Prince des Dragons’ !
Le casting vocal est lui aussi agréable et de bonne facture, même si on reconnait la voix de certains doubleurs/doubleuses dans plusieurs personnages…mais pas toujours ! La fiche Wikipédia m’apprend par exemple que c’est la même actrice vocale pour Entrapta et Siréna (Edwige Lemoine), ce qui me laisse bouche bée (c’est le cas de le dire). J’ai vu l’intégralité de la série en version française, je ne sais pas ce que vaut la version originale mais il n’y a pas de raison que cela soit raté. Alors oui, il y a bien UN point noir en ce qui concerne la VF, que l’on va expliquer dans le prochain chapitre qui va concerner les défauts de cette relecture moderne de She-Ra, et qui va faire grincer quelques dents.

DISSONANCES

Voici venir le temps de la polémique qui me vaudra de me faire traiter de ‘Toutcequevousvoulez-ophobe’ par les sempiternels bienpensants du web qui n’auront bien entendu jamais jeté un regard sur la série dont il est question ici. Mais un peu de patience pour reparler vite fait du GROS problème de la version française: le générique absolument insupportable ! 34 secondes qui cassent littéralement les oreilles et durant lesquelles on remercie de tout cœur Netflix et son option du ‘passer le générique’. Une épreuve, vraiment. Je mets au défi quiconque de regarder l’entièreté de cette chanson d’introduction (vidéo ci-dessous). Bon courage !

Donc. Ze Polémique. Et qui en fait critique plus la politique générale de Netflix que l’animé She-Ra lui-même. Enfin quoique… La charte d’inclusivité des productions maisons de la plus grande plate-forme mondiale de streaming légale de vidéos aboutit parfois à des excès de zèle dans lesquels la série qui nous concerne présentement tombe de toute sa longueur. Et si dans les grandes lignes elle parvient à faire entrer dans son casting ‘toute sorte de gens’ avec subtilité, sur l’un des points elle exagère beaucoup trop. Comme je ne sais pas trop comment aborder le sujet de manière délicate et que de toute façons on va me tomber sur la bigne pour cela, autant y aller tout de go : l’homosexualité est beaucoup trop représenté dans cette série. Je parle en proportionnalité générale…ce n’est pas tant le fait que des protagonistes attiré par le même sexe soient présent qui dérange que leur surreprésentation. C’est bien simple, 70% des personnages de ce dessin animé le sont. Hors il ne me semble pas que cela soit très représentatif de notre société… Bon alors, cela ne veut pas dire que les dits personnages sont mauvais, cela ne veut pas dire qu’il ne fallait pas les mettre et cela ne veut pas dire non plus que cette série devient une horreur irregardable par ce simple fait, comme on peut l’entendre dire ici et là. Loin de là. Mais on ne peut s’empêcher d’y voir un forçage idéologique qui - de surcroit- dans une série adressée à un jeune public, peut faire tiquer.
Tant qu’on est sur ce sujet, passons en mode spoiler pour parler d’un des aspects importants du show, à savoir la relation Adora-Catra. Là ou la première est dans le déni et mettra l’entièreté de la série pour s’avouer ses sentiments, la seconde elle n’attend que la première pour revendiquer leur amour. Mais Adora, comme le lui reproche souvent la femme-féline, ne sait que fuir et retarder l’inévitable. Ce qui est de fait le plus gros point de désaccord entre les deux persos, bien au-delà de leurs allégeances respectives. Ce jeu du chat et de la souris qui parsème le récit est l’un de ses points forts, qui se termine par une résolution qui rappellera pour beaucoup le final du ‘5ème Élément’ de Besson.

Adora et Catra jouent à 'Je t'aime, Moi non plus'

Pour en finir dans les aspects négatifs, il semblerait que certains modèles de personnage n’est pas était clairement défini ou tout au moins finalisé comme il se doit. Les animateurs devant jongler chacun de leur coté avec ce qu’ils avaient. Cela est surtout notable sur le Grand Maître, qui d’une scène à l’autre va voir son visage légèrement se modifier (le menton, l’emplacement des yeux, le nez…). Cela est du pur chipotage mais on ne peut s’empêcher de le remarquer…le genre de petit détail qui saute aux yeux en permanence.

Catra face au puissant Grand Maître (l'un des fameux de L'Univers?)

Dernier point, purement personnel sur ce coup-là, j’ai détesté Fougor, le pégase-licorne couleur arc-en-ciel qui parle. Qu’est ce qu’il est lourd ce canasson ! Et il ne sert pas à grand-chose en plus…(pour ne pas dire à rien).

VERS LES ÉTOILES

Au vu de ces quelques défauts sans grandes réelles importances, on se retrouve clairement devant une première série qui appelle au développement d’un univers plus large qu’on a hâte de découvrir. Car oui, même si She-Ra se termine au terme de ces 5 saisons, de toute évidence le projet global va bien au-delà. De nombreuses questions restent sans réponses, en ce qui concernent les Fondateurs, les clones, le conflit spatial qui fait rage et dont Etheria fut préservé durant fort longtemps, caché du reste de l’univers par cette fameuse Mara.

Catra observe Etheria en mauvaise posture depuis le vaisseau spatial du Grand Maître

De plus, on s’attache à cette galerie de portrait plutôt bien troussée, et on souhaite connaître la suite de leurs aventures parmi les étoiles, dans un environnement bien différent du leur. Et surtout cela nous amènera t-il à retrouver Musclor et Skeletor dans une version modernisé tout aussi finement écrite ? Pour ma part, je sens bien que le sieur aux pectoraux saillants ne sera nul autre que le fils d’Adora, dans une série séquelle qui se déroulera une vingtaine d’année plus tard (mais cette hypothèse amène tout un tas de questions…). Là encore si cette suite voit le jour (avec Adora, Musclor ou quiconque) le rapprochement avec Avatar et sa suite Korra se fera d’autant plus.
A voir ce dont quoi l’avenir sera fait…


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En attendant je ne peux que vous conseillez de voir, ou tout au moins faire voir à un jeune public, car je conçois que passer un certain âge on se fiche de ce genre de série, She-Ra et les Princesses au Pouvoir. Aventure, action, humour, personnages attachants, ambiguité dans l'écriture et les situations, visuel chatoyant...cette série d'animation à véritablement beaucoup d'atouts pour plaire! Par le Pouvoir du Crâne Ancestral, découvrez les aventures d'Adora contre les forces du Mal!

J'en profite pour conseiller - FORTEMENT !- les séries Avatar et Korra, deux chef-d'oeuvres d'animation (elles se déroulent dans le même univers, la seconde près de 40 ans après la première). D'ailleurs aux dernières nouvelles une troisième série - en Live! - était en pré-production. Je ne sais pas du tout si c'est toujours en cours ou pas. Plus dispensable mais pour les curieux, voyez  'Le Prince des Dragons' de la même équipe.