Ha, ces sales matous ! Non content d’avoir envahi la toile à défaut d’avoir réussi à envahir le monde, voilà qu’ils commencent à poser leurs sales pattes sur l’univers vidéoludique ! Et voilà que maintenant un jeu met en scène l’un de ces spécimens en tant que protagoniste principal ! On croit rêver ! STRAY, car tel est son titre, nous place donc dans la peau d’un chat, roux de surcroît, dans un futur indéfini mais post-apocalyptique pour sûr. Et comme d’habitude dès qu’un de ces fichus félins pointe le bout de sa truffe dans un projet, celui-ci connaît un buzz inconcevable et explose les records. Mais que vaut véritablement cette aventure traversée sur des coussinets ? Début de réponse dans les lignes qui suivent…

  • Éditeur : Annapurna Interactive
  • Développeur :  BlueTwelve Studio
  • Distributeur : Annapurna Studio
  • Joué sur PS4 (via PS+ Premium)
  • Article composé de 1418 mots

 

SOMMES NOUS FÉLIN POUR L'AUTRE ?

« Miaou ? » Tels seront les seuls mots prononcés par notre petit minou tout au long de son épopée. Celle-ci commence alors qu’il est en vadrouille avec son ‘Crew’ dans ce qui semble être l’intérieur d’un immense barrage tombant en ruine. Assez rapidement notre petit bonhomme à quatre pattes sera séparé de ses camarades en chutant dans les profondeurs de l’édifice. À partir de là il devra se débrouiller tout seul pour se sortir de ces lieux inhospitaliers. Enfin, pas tout à fait seul car il croisera sur sa route B-12, un petit droïde qui lui apportera une aide fort précieuse pour traverser tout un tas d’épreuves au sein d’environnements pleins de mystère.


Le petit robot vous servira d'interface avec le monde à bien des égards

Je n’en dirai pas plus pour préserver le sentiment de découverte nécessaire dans ce genre de récit, juste je préciserai que vous serez amené à faire quelques rencontres assez surprenantes, parfois amicales, parfois hostiles. Le tout au milieu d’un parcours entre plate-forme et exploration qui ne posera aucune difficulté. Globalement le jeu est simple, voir très simple, ce qui me convient parfaitement mais à l’heure des «Soul’s» et autre «The Binding of Isaac» cela pourra déstabiliser certains joueurs en attente de challenges plus corsés.


Un robot sur un chat sur une grue. Notez l'espèce de moisissure rougeâtre qui recouvre les bâtiments...

Un mot sur l’aspect visuel, qui laisse pantois d’admiration pour un jeu de cette envergure (c'est-à-dire un moyen budget, ou AA pour ceux qui affectionnent cette catégorisation). C’est tout simplement splendide avec des jeux de couleurs et d’éclairages aux petits oignons. Et cet effort sur la colorimétrie apporte une ambiance pesante de fin du monde, de décors laissés à la dérive, de lieux sinistrés par on ne sait quel maléfice. Car le scénario ne laisse qu’entrevoir vaguement une explication à la situation. On en comprend les grandes lignes mais nous n’en connaîtront pas les détails, et même si cela m’a frustré quand se dévoila le générique de fin, avec le recul je me dis que finalement il n’était nul besoin de tout expliquer par le menu. J’aurai bien aimé en savoir plus c’est certain mais sans nul doute aussi cela aurait été superflu. Nous savons ce qu’il y a à savoir au vu du contexte actuel et des problématiques présentes pour nos deux petits compagnons bigarrés.


L'environnement du jeu est de toute évidence inspiré de la Chine citadine (Hong-Kong notamment et la vieille citadelle de Kowloon en particulier)

UN JEU AU POIL

Notre chat errant se dirige avec aisance et ne pose jamais le moindre souci de maniabilité, du moment qu’on reste dans les rails de ce que le jeu propose (explication plus bas). Il peut sauter, courir, se faufiler dans les conduits… rien que de très banal en somme. À l’instar de l’Oie de ‘Untitled Goose Game’, une touche est dévolue à l’expression vocale de l’animal, mais reconnaissons-le, les miaulements discrets d’un félin de salon sont plus appréciables à entendre que le cacardement strident d’une oie chapardeuse.


WOUHOU !! Il n'a pas froid aux yeux ce chaton égaré !

Quand je parle d’exploration, il serait de bon ton de préciser que l’aventure se veut d’une linéarité absolue, avec au sein de ses différents niveaux des zones plus ou moins cachées à débusquer grâce à votre sagacité. De plus il sera possible d’effectuer quelques quêtes annexes dont je tairai la teneur et qui apporteront une plus-value certes non utile à l’avancée générale mais qui feront plaisir à accomplir. Des collectibles sont également à réunir, sous forme de ‘souvenirs’ pour B-12, bien souvent il s’agit d’images sur les murs, mais pas uniquement (ceux qui auront vu Dark City verront les énormes clins d'œil à ce super film d'Alex Proyas) .


Les graphismes sont subjuguants de beauté et de détails

Sans préciser de quoi il retourne sur ces fameuses rencontres évoquées plus haut, le titre instaure une certaine amertume dans ces dernières, avec à chaque fois une forme de renoncement, d’abandon, de parcours inachevé. Le chat se retrouve systématiquement seul dans son parcours, les autres devant rebrousser chemin pour diverses raisons. Alors on continue en laissant les autres derrière soi, leur destin en suspens. C’est assez particulier, je n’ai pas le souvenir d’avoir connu d’autres jeux instaurant de telles interactivités avec les seconds rôles.


Même dans son humour le soft possède une forte mélancolie...

Stray se termine en cinq ou six heures (5h47 précisément en ce qui me concerne, me manque quelques souvenirs et quêtes annexes non faites). Cela pourrait paraître peu mais en fait cela convient parfaitement à ce genre de jeu. Plus long cela aurait été trop redondant, là la durée de vie est idéale, nul besoin d’en faire plus. Même si une suite serait appréciable, avec de nouvelles mécaniques et peut-être une plus grande liberté d’exploration…

COUP DE GRIFFE

D’un point de vue général, cette aventure poilante est on peut plus réussie, à quelques boules de poils près. Déjà le jeu limite les sauts de notre héros à quatre pattes aux seuls lieux où un symbole de ‘réception’ apparait. Concrètement cela signifie que vous ne pourrez pas sauter n’importe où dans les décors, juste là où le jeu a prévu que vous pourriez aller. Cela limite quand même vachement les possibilités d’amusement et d’exploration ‘à l’envie’…


Contrairement à ce que cette image laisse croire, vous ne pourrez pas aller gambader où bon vous semble

Autre point qui met à mal la cohérence de l’ensemble, la compréhension du matou du monde qui l’entoure. Et pour cause, vu qu’en fait il s’agit de celle du joueur. Un exemple assez marquant pour souligner cela : à un moment donné notre bestiole se retrouve en face d’une porte fermée qu’il se doit d’ouvrir. On lui indique alors la position de la clé dans une salle voisine. Ni une ni deux on va chercher l’indispensable ustensile. Sauf que c’est bien nous en tant qu’humain qui connaissons la fonction de l’objet ‘clé’, le chat lui n’est pas ne serait-ce que capable de comprendre à quoi sert cette tige de métal étrange. Autre exemple avec les caméras de sécurité, on capte tout de suite qu’on est filmé mais le chat lui n’est même pas censé en avoir quoi que ce soit à faire de ces trucs pendus au plafond…
Alors oui on va dire que je chipote et qu’il faut bien qu’en tant que joueur on se saisisse de l’environnement et du récit pour avancer dans l’histoire mais je trouve que cela casse un peu le délire. Toutefois la séquence finale rattrape un peu le tout en montrant volontairement que notre rouquin félidé n’a en fait que peu d’intérêt pour tout ce qu’il accomplit, il recherche juste un peu de compagnie.


Notre vaillant héros se remémore ses aventures passées il n'y a pas si longtemps dans ses ruelles...

Je trouve dommage également que les notions de faim et de soif n’aient pas été implémentées (en sachant quand même qu’il est possible de faire boire l’animal dans les flaques d’eau mais ceci sans incidence sur le gameplay). Cette notion de ‘faim’ aurait justement été une bonne motivation pour le minet d’aider ses compagnons de route. Car là en l’état le lointain cousin du tigre agit en pure bonté d’âme, sans rien attendre en retour, ce que tout propriétaire de chat trouve absurde à minima. En clair, on ne sait pas pourquoi le chat fait ce qu’il fait dans le jeu, vu qu’il ne mange pas et n’a pas de besoin autre que d’éviter d’être seul. Et que la notion de ‘sortir dehors pour voir le ciel’ lui est normalement parfaitement ‘étrangère’…


Ron ZZZzzzz...RONron ZZZZzzzzz... Ron Zzzzzz....

Bon. Okay. Je veux bien. Malgré le fait que le jeu mette en avant cette engeance du Malin que sont les chats, il faut bien concéder que STRAY est une aventure post-apo captivante, avec une ambiance à nulle autre pareille. Déambuler dans la peau d’un matou malin comme un singe au sein de décors abandonnés aux éclairages blafards confère une sensation de bien-être assez fascinante qu’il est conseillé de découvrir par soi-même. Le périple ne sera pas pour autant de tout repos, et les rencontres émailleront le chemin de bonnes comme de mauvaises choses, toutes marquantes. La petite demi-douzaine d’heures qu’il faut pour voir le bout de cette odyssée peuvent sembler maigres mais se révèlent de fait bien suffisante, même si une suite des aventures de ce vagabond bien particulier serait plus que bienvenue.