Ha Turok ! Mon premier jeu en 3D à l’époque de la N64. J’ai un certain attachement à ce jeu, à l’ambiance un peu dingue et aux niveaux interminables. Une madeleine de Proust comme on dit. Des années plus tard sortait ‘Evolution’ qui avait pour mission de ramener la franchise à l’ère moderne - en 2002 - avec  des graphismes rehaussés et un scénario plus poussé. Je n’y avais pas joué à l’époque mais juste vu le jeu tourné ici et là. Ce que j’en voyais ne m’attirais pas, n’y retrouvant pas ce qui faisait pour moi ‘le Turok que j’aime’. Le temps passa et il y a peu, à l’occasion d’une balade dans une échoppe je suis tombé sur ce titre depuis longtemps oublié et malgré les retours désastreux de toutes parts, je me suis dis « Pourquoi pas ? ». J’aurai mieux fait d’écouter les insistants avertissements…


C’EST L’HISTOIRE D’UN INDIEN, D’UN REPTILIEN ET D’UN BRACHIOSAURE QUI SE CROISENT AU PIED D’UNE CASCADE…

Tal’Set est un indien en lutte contre l’envahisseur colonisateur qui un beau jour se retrouve aspiré dans le ‘Monde-Poubelle’ ; une planète où se côtoient toutes les époques de toutes les planètes. Dans ces terres inconnues et dangereuses il devra trouver sa place et mettre à contribution ses talents exceptionnels de chasseur afin d’aider les humains opprimés par le peuple des Slegs, des reptiliens pas très finauds qui on à leur tête Lord Tyrannus, un être qui à soif de conquête. Il pourra compter sur l’aide de ses alliés dont l’étrange Tarkeene et la téméraire Mayana (visible tout en bas de cet article) mais aura aussi fort à faire avec sa némésis, le capitaine Bruckner, un militaire qui a la dent dure contre les peaux-rouges.

Tal'Set suit les ordres de Tarkeene sans se poser de question...tel un pantin

Ha, et il ne faut pas oublier un léger détail: en ce monde bigarré où l’on croise faune et flore de tout temps, le règne animal est dominé par rien de moins que les dinosaures. Les gros gentils qui broutent de l’herbe et leurs comparses bien plus dangereux prêt à vous croquer tout cru. Vous voilà prévenu.

L'immanquable Tyrannosaurus Rex

Beau concept qu’une aventure ‘sérieuse’ et premier degré pour le héros indien, dans des décors à la hauteur de cet univers à la croisée des chemins. C’était bien là la promesse de cette ‘Évolution’, un FPS contre des dinos et des robots remis au goût du jour. Le moins que l’on puisse dire qu’est que le coche est loupé. Cependant sur le papier il partait gagnant. Le scénario est plutôt bon (pour le genre), les péripéties nombreuses, le rythme entre les niveaux urbains et ceux plus boisés est agréable… Les environnements sont bien fichus, les décors parfois grandioses, les dinosaures sont bien modélisés, la lumière est propre.
L’ambiance est là et bien là, entre la jungle où le danger est permanent et les places-fortes surarmées, entre les clairières mystiques et les buildings d’une ville flottante. Il y a aussi plein de vies dans les lieux traversés, entre le gibier qui gambade, les oiseaux qui piaillent, les singes qui nous narguent et les lézards géants qui ruminent.
En clair, tout le travail de pré-production à été fait avec brio. Le contexte, les personnages, le design général, l’atmosphère, les dessins préparatoires… tout était là pour que le résultat soit à la hauteur des attentes.

Les concepts de base sont bons...

La durée de vie est satisfaisante également, 15 niveaux qui s’enchaînent à peu près correctement et qui feront parfois appel à votre plus grande patience et votre plus grande dextérité pour en voir le bout. Comme déjà spécifié, ceux-ci seront très divers, allant de ruines anciennes à une ville high-tech en passant par la jongle primaire. Ces 15 chapitres sont redécoupés entre 4 et 6 sous-chapitres chacun, de taille diverses (certains sont extrêmement court et d’autres gigantesques). Chaque fin de ces sous-parties constitue un checkpoint et il s’agit là de la seule possibilité de sauvegarde du jeu. Si vous échouer à 1m de la sortie du sous-chapitre, vous êtes bon pour le recommencer entièrement (j’ai personnellement beaucoup de mal avec ce genre de pratique mais à chacun d’apprécier selon son tempérament).


C’EST PAS UNE FLÈCHE

Malheureusement la réalisation de tout cela est absolument catastrophique. Rien ne fonctionne techniquement dans ce jeu. Cela en devient même surprenant. Que ce soit la jouabilité, l’intelligence artificielle des ennemis, la sensation de puissance des armes…rien de rien ne va. Croyez le ou non mais rien que pour le menu start et les options, il y a un décalage de deux secondes entre le moment où vous appuyez sur la touche et la réaction à l’écran. Fort heureusement ce décalage n’a pas lieu en partie, sinon je ne vous raconte pas la galère !

Ni Turok ni les Slegs ne font dans la dentelle

Turok est d’une lourdeur qui fait croire qu’on joue en fait un diplodocus. Ses mouvements sont patauds, lents, peu précis… Il glisse en permanence, le saut ne fonctionne pas une fois sur deux, l’utilisation des échelles et autres lierres pour grimper énerve tellement il a du mal à s’y agripper, à monter puis à s’en détacher (Mais il s’en sert sans les mains! Vu qu’il tient ses armes…). Le changement d’armes est fastidieux, sans aucun raccourci pour accéder rapidement à la plus efficace sur le moment (il faut faire tourner son barda jusqu’à tomber sur la bonne). Il faut maintenir le bouton pour qu’il reste accroupi, ce qui est injouable dans les faits et point le plus agaçant, le titre ne sauvegarde pas les préférences du joueur en termes de gameplay. À chaque Poukram d’excrément d’oie sauvage de nouvelle session de jeu, il m’a fallut entrer dans les options et tout (re)paramétrer pour obtenir une maniabilité qui me corresponde (les axes de caméra notamment). À. Chaque. Fois.

En dépit de ses nombreuses tares, notre indien nage plutôt bien

Du coté de son arsenal, ce dernier s’avère lui aussi assez pauvre, surtout quand on le compare avec celui complètement ravagé du premier épisode de la franchise. Pas de mitraillette déjà pour commencer, en dehors de la gatling (on pourrait peut-être en avoir une plus conventionnelle pour les situations anodines). Puis aucune n’est véritablement marquante et surtout efficace, en dehors de l’espèce de fusil laser…et encore. Par exemple je n’ai rien compris à l’arme anti-gravité, j’ai bien tenté de m’en servir mais je ne suis arrivé à rien de concluant, je m’en suis donc complètement passé. Toutes possèdent deux fonctions (trois pour l’arc, ce qui correspond en fait aux types de flèches employées), au joueur de voir comment s’en servir de manière idoine au cours de l’aventure. Je sors du lot peu enthousiaste de la besace de l’amérindien le cube de matière noire, qui créé une sorte de mini-trou noir aspirant tous ceux alentour et le lance-roquette qui préfigure le ‘lance-bombe nucléaire’ d’antan, seule arme que l’on retrouve du jeu original (en dehors de l’arc bien entendu). La fonction atomique est disponible ici également, si l’on met la main sur la bonne amélioration.

Le cube noir est une arme puissante...à condition de bien s'en servir!

Passons maintenant aux vilains pas beaux. Les Slegs. Quand je disais plus haut que le design était réussi, il y a une exception à cela. Les Slegs. Mais qu’est ce qu’ils sont moches - vous me direz c’est leur fonction qui veut ça - mais non vraiment ils sont hideux à tout les niveaux. Quelle horreur. Et puis ils sont bêtes, ce qui n’arrange rien à leur triste sort. Par contre ils sont toute une armada, des centaines qui vont venir mourir de manière crétine sous vos assauts insistants. C’est bien là la plus grande menace qu’ils représentent : leur nombre. Ils vous submergeront la plupart du temps, ce qui vous mènera plus d’une fois à trépas. Une chose qui me chagrine mais qui n’est pas inhérent à ce Turok, le fait que vous ne puissiez pas ramasser les armes des adversaires tombés. C’est frustrant de voir au sol un fusil que vous ne pouvez pas attraper, surtout quand vos munitions commencent à faire défaut…Pour conclure ce paragraphe sur les antagonistes, il convient de préciser que les impacts ciblés sont eux particulièrement réussi, et l’effet est toujours aussi jouissif. Voir les malandrins se tenir ce qui leur reste de bras et tenter malgré tout de vous affronter leur rends honneur. Mais ils finiront quand même dans une gerbe de sang…

Les Slegs ne sont pas réputés pour être de grands cerveaux...

Mais pour finir par le meilleur, pour ne pas dire le pire: les niveaux à dos de ptéranodon. Un seul mot me vient à l’esprit pour essayer de décrire au mieux ces stages-> AAAAAaaaaarrrggghhhhhh!! Je ne peux pas croire une seule seconde que ces différents niveaux on pu être validés par des bêta-testeurs, ce n’est pas possible ! Alors concrètement au bout d’un moment on parvient à ne plus se crasher contre les parois, à virer de bord à peu près correctement et à éviter au mieux les obstacles. On arrive même parfois à faire en sorte de ne pas se faire déglinguer par les tourelles adverses, mais cela est plus dû à la chance qu’au talent, faut être honnête. J’ai été proprement éberlué par ces levels - il y en a peut-être 4 ou 5 sur l’ensemble de l’aventure - qui sont juste atroces. Pour dire je n’ai pas eu le courage de faire le dernier (chapitre 14), les précédents ayant eu raison de ma (maigre) patience. Le plus horrible dans ces phases-là étant les moments où l’on perd complètement le contrôle de sa bestiole (pour je ne sais quelle raison) et qu’on la voit impuissant foncer tout droit sur un rocher. Et puis Boum, elle finit en charpie et nous avec. Et on est bon pour recommencer le stage. Rageant.

Au-dessus et en-dessous, deux exemples de niveau à vol d'oiseau. Visuellement ils on de l'allure mais manette en main...quelle galère!

 
I AM TUROK

L’un dans l’autre, entre les bonnes intentions de départ et la foirade complète de la mise en œuvre, on se retrouve devant un jeu lourdingue comme pas possible mais avec une trame de fond qui fait son office. Évidemment cette dernière ne rattrape pas les insupportables errances du gameplay, couplées à une difficulté assez retorse qui ne peut que décourager le gamer lambda (dont je suis). Honnêtement le même jeu avec une réalisation et une technique à la hauteur aurait été bon. Mais là en l’état c’est une plaie.

L'image de la saga Turok est habituellement associée à la jungle et à la chasse aux dinos, mais on y parcourt aussi parfois d'immenses villes contemporaines, voir futuristes. L'avantage d'un monde où rien n'est impossible.

Je trouve également qu’il y manque ce petit grain de folie qui faisait le charme du titre de mon enfance. Ce ‘Evolution’ se prends trop au sérieux, trop au premier degré. Je veux dire à l’époque de la 64, au bout d’un moment on tombait sur des raptors avec des guns lasers greffés aux bras, on se faisait attaquer par deux jeeps puis un T-Rex robotique, des robots au look trop cool nous bombardaient de missiles à têtes chercheuses…entre autres choses tout aussi farfelues. Et puis il y avait cette musique entraînante qui résonne encore à mes oreilles. De ce Turok ‘moderne’ je n’en retiendrai que quelques plans assez stylés (les diplodocus au point d’eau, la ville flottante), deux ou trois niveaux qui sortent du lot (quand il faut traverser la rivière infestée de plésiosaures, la bibliothèque, la jungle surpeuplée de vélociraptors…), les horribles stages volants, l’ambiance bien posée et le coté très ‘Dino-Riders’ (références pour les plus de 40 ans). Et surtout cette faiblesse technique et la maniabilité au rabais.


La prise du camp Sleg fut un passage assez compliqué, car demandant d'être 'discret'. On abandonne très vite ce concept.

On retrouve ici et là des références à la saga Nintendo 64, et même parfois des 'morceaux de niveaux'!

Alors que je parcourrai péniblement les Terres Perdues de ce monde désolé, voilà t-y pas que l’on me fit remonter l’information qu’il existait un ‘autre’ jeu Turok, sorti sur PS360, dont je n’avais jamais entendu parler. Je pensai qu’Evolution était le dernier titre sorti de la licence (sur consoles/PC). Et on me précisa de plus que cet ‘épisode surprise’ était apparemment encore pire que celui dont il est question ici ! Du coup ma curiosité malsaine s’est enclenchée et je verrai si le courage d’arpenter cet opus inattendu me saisit. Cela reste peu vraisemblable cependant…par contre relancer mon Turok 64, ça il y a des chances !

Quand à retourner sur ce 'Evolution'...jamais de la vie!

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Je n’avais entendu que du mal de ce Turok Evolution, et à raison. Jouabilité crispante (rien ne fonctionne correctement), se prends trop au sérieux pour correspondre à l’air du temps (la prise de la cité qui renvoie à Halo) et IA au ras des pâquerettes. Tout un ensemble de choses qui rendent l’expérience déplaisante au possible. Immense gâchis quand on se penche sur tout le travail fait en amont, en terme d’écriture, de construction narrative, de recherches de design, de personnages, d’idées de gameplay et d’environnements… Le même jeu réalisé par un studio au summum de ses capacités techniques et budgétaires aurait été non pas un ‘Must-Have’ mais tout au moins une belle réussite. On ne peut alors que regretter cette foirade totale de production, qui ne rend pas honneur à ses ancêtres de l’ère 64.