Chapitre 5 de ma Nouvelle du Discworld. Bonne Lecture et n'hésitez pas à me faire un retour ^^
" !"
Une nouvelle du Disque-monde
Le soleil était encore bas quand Théo avait eu pour consigne d’aller effectuer quelques commissions chez les Frères Lardon, patrons d’une herboristerie à bonne réputation située non loin de la Porte Étroite. La préparation des remèdes nécessitait en effet pas mal de plantes de variétés bigarrées, parfois issues de contrées lointaines voire carrément hostiles; et les jumeaux ayant pas mal bourlingué de par le monde au cours de leur trépidante jeunesse avaient engrangé nombre de contacts qui leur garantissaient un arrivage régulier de plants aussi rarissimes que l’orchidée sauteuse ou bien de lotus carnassier, pour ne citer que ces cas particuliers. Leur notoriété n’était plus à faire et bien qu’ils ne possédaient pas la plus grande boutique de ce côté-ci de l’Ankh, une clientèle fidèle se ruait chaque jour dans leur entrepôt aux senteurs exotiques.
Et en ce début de matinée c’est Théodule Soufflet qui se présentait avec une liste longue comme le bras de végétaux a acheter argent comptant. Il était déjà souvent venu en ce lieu qu’il affectionnait particulièrement et commençait même à entrer dans le club très fermé des habitués. Saluant d’un signe de tête Viktor, chef du dépôt et aîné de quelques minutes de son frangin Hektor qui lui se dressait fièrement au comptoir en compagnie d’autres clients, il lui passa dans le même mouvement le listing établi par son maître une heure auparavant. Coutumier du mutisme de l’apprenti apothicaire, le gaillard saisit la commande de sa main puissante et y jeta un oeil. En découvrant le contenu de la demande, Viktor Lardon ne put retenir un sifflement de stupéfaction, avant de s’exclamer :
« Par les sourcils soyeux du tout-puissant Io l’Aveugle ! Mon p’tit Théo, les affaires ont l’air de pas mal marcher pour toi et le vieux Cèperousse ces derniers temps ! Il y a de belles choses dans ce que tu me demandes là ! Du girofle porte-vent, des épines de Rose du désert et même de l’extrait de sève de Poirier Savant… De quoi faire de sacrés cocktails ! Mais je dois avoir de quoi faire en stock. T’éloignes pas p’tit gars je te ramène tout çà! » lui lança-t-il avec entrain en s’engageant dans ses étals.
Théodule se mit alors à flâner rêveusement parmi les fleurs aux vives couleurs qui embaumaient l’atmosphère de leurs fragrances enivrantes. Le contraste avec l’odeur pestilentielle noyant quotidiennement la ville était saisissant. Et rafraîchissant. Il se laissa porter par ses sens quelques instants, suffisamment pour tomber nez à nez avec deux employés de l’herboristerie au détour d’une allée. Se figeant à leur vue il ne remarqua qu’à peine la femme, son regard restant rivé sur celui de l’homme. Qui n’était nul autre que Maître Majeur ! Les quelques secondes de silence gêné qui suivirent parurent durer une éternité. Éternité brisée par la voix forte de Viktor, qui le héla depuis l’autre bout de la coursive:
« Théo, ta commande est prête ! Le vieux Cèperousse n’y va vraiment pas de main morte en ce moment ! Il est vraiment temps pour lui de passer la main ! HA HA n’est- ce pas gamin ?! »
Les deux membres de la Ligue se séparèrent alors sans un mot et tandis que Théodule rejoignait l’aîné des Lardon, Maître Majeur retourna à ses occupations. Non sans jeter toutefois jusqu’à son départ de longs regards curieux sur le jeune homme.
***
C’était le même genre de regard qu’il lançait sur Frère Sourire lors de la réunion qui suivit quelques jours plus tard. Le dernier membre admis de la Ligue du Silence tentait de soutenir avec fougue ces yeux scrutateurs mais sans succès.
Ladite fougue en revanche semblait posséder Monsieur Long qui gesticulait en tout sens pour expliquer son fameux plan d’action. Le genre d’événement grandiloquent qui allait faire parler d’eux et resterait dans les annales du Disque-monde ! Toute l’assemblée était suspendue aux mains expertes du chef de séance, qui dansaient une chorégraphie subjuguante dans l’air embué de la bougie moribonde.
Pour ce qu’en comprenait Frère Sourire, il était question d’un gala organisé prochainement au Grand Opéra auquel était conviée une bonne partie de la haute société. Il ne parvint pas cependant à saisir la raison de ces festivités. Avaient-ils réellement besoin d’une raison d’ailleurs ? Quand on en a les moyens autant s’en servir à festoyer, non? Dans tous les cas, Monsieur Long insistait sur la présence d’un orchestre qui jouerait plusieurs morceaux pour animer la soirée. Et son objectif était clair: faire taire les musiciens ! Quel coup d’éclat se serait! La Ligue du Silence sortirait de l’anonymat en faisant grand bruit par cette action! Le mime en chef était enthousiaste à cette idée et communiqua bien vite son engouement à sa petite équipe. Galvanisé par cet acte concret qui s’était fait trop attendre la troupe se mit à discuter en jouant des coudes des détails de l’opération. Chaque instrument serait réduit au silence par divers moyens - bouchons, sabotage et autres joyeusetés - mais restait le plus gros problème: comment s’introduire dans une fête pompeuse organisée pour le gratin sans y avoir été invité ? Surtout que le Patricien en personne serait des convives. Le guet sera donc au taquet pour protéger toutes ces têtes argentées. Confronté à ce léger contretemps, l’euphorie retomba bien vite dans la petite cave humide.
C’est alors que le regard de Frère Sourire, qui cherchait toujours à fuir celui de son insistant camarade, s’attarda sur un programme de la soirée que La Barbe avait pu obtenir par on ne sait quel moyen. Parmi les divertissements prévus une ligne retint son attention. Un chant de bienvenue donné en ouverture des mondanités par une artiste de la chorale officielle de la ville s’étant distinguée il y a peu lors du spectacle de la Journée des Petits-Dieux. Une choriste dont la voix résonnait encore à ses oreilles.
Tous restèrent incrédules quand il leva timidement la main pour prendre la parole.
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La suite lundi prochain (si tout va bien)