Arrivée tardive de ce neuvième chapitre qui me donne pas mal de fil à retordre. Le résultat publié ne me convient pas totalement mais il faut bien finir par avancer...

 

"             !"

Une nouvelle du Disque-monde

Théo s’apprête à partir à la suite de Jadelia quand Monsieur Long l’intercepte et tout en enfilant une cagoule lui indique qu’il est temps de passer à la phase deux du plan. En effet les musiciens reprennent petit à petit le contrôle de leurs instruments et on entend déjà les premiers accords s’envoler dans la salle de spectacle. Ni une ni deux, les cinq membres de la Ligue du Silence fondent sur la fosse et telles des furies déchainées, se saisissent des instruments pour mieux les briser sous les yeux éberlués de toute la salle !

Violons, flûtes, trombones et hautbois sont détruits avec une telle violence que les artistes ainsi que les agents du guet présent ne réagissent pas immédiatement, totalement abasourdis par cet incongru spectacle qui se déroule sous leur nez. Mais cet état de sidération ne dure qu’un bref instant, très vite tous retrouvent leurs esprits et réagissent en conséquence. C’est Maître Majeur qui sentira arriver la première d’entre elles, par le biais d’un puissant direct du gauche de la part d’un contrebassiste. La destruction en règle se transformant rapidement en pugilat - ce qui ne semble pas déplaire à Maître Majeur et La Barbe - Monsieur Long ordonne par un mouvement vif des bras qu’il est temps de filer en vitesse.  La Ligue ne se fait pas prier et décampe à toute berzingue en coulisses, non sans que Maître Majeur finisse par un dernier coup de pied dans les parties fragiles de son agresseur en signant son geste de son doigt nominal.

***

Les agents du guet sur les talons, la Ligue traverse à fond de train les innombrables couloirs de l’immense labyrinthe faisant office d’Opéra. Bousculant quiconque se trouve sur son passage, sa progression dans ces espaces étroits ne se fait pas sans heurt. Tous ceux qui peuvent se mettre à l’abri derrière une porte ne s’en font d’ailleurs pas prier. Pourtant une femme en robe bleue reste impassible au beau milieu du passage, sanglotante et semblant ne pas se soucier de ce qui se passe alentour. Frère Sourire se saisira d’elle prestement avant que ses compagnons ne puissent la bousculer et la fera s’asseoir avec la rudesse qu’exige la situation sur un tas de vieux costumes traînant dans un coin. Malgré la cagoule, Jadelia reconnaît tout de suite Théodule, notamment grâce à la vieille veste de Mr Cèperousse qu’elle identifie instantanément. Elle n’a que le temps de bredouiller son étonnement que déjà il est loin tandis que des agents cavalcadent par-devant elle à vive allure sans lui prêter la moindre attention.

Les mimes finissent par se séparer au détour d’un croisement, Frère Sourire se retrouvant seul avec le Roi Chaussette. Durant un couloir de répit, ils ralentissent sous l’impulsion du Roi, qui dans un même geste rapide retire leur cagoule puis pousse Théo pour qu’il se retrouve à terre. Les agents apparaissent alors au moment même où le Roi Chaussette touche lui-même violemment le sol avec son postérieur. Théo est pétrifié par la peur mais son comparse fait mine d’indiquer aux agents le bout du couloir, et les représentants de la loi se précipitent sans poser de questions. Une fois les poursuivants disparus dans une autre coursive, le Roi se relève bien vite et aide Théodule à faire de même. Il ne faut pas traîner dans le coin, les gars du Guet des Orfèvres vont vite comprendre la supercherie.

***

Rejoignant sans plus croiser quiconque la porte de service, Frère Sourire et le Roi Chaussette regagnent l’extérieur non sans jeter des regards inquiets sur la place Pseudopolis qui s’étend partout autour d’eux. C’est alors qu’ils distinguent quelqu’un leur faisant signe depuis la pénombre d’une diligence en attente de ses riches propriétaires. Il s’agit de La Barbe qui de suite les emmènera un peu plus loin dans un coin d’ombre pour y retrouver Monsieur Long. Ils découvrent un leader de la Ligue au visage lourd et impénétrable, le regard perdu dans le lointain et qui ne remarque qu’à peine l’arrivée de ses ouailles.
À l’instant où le Roi Chaussette tient à s’enquérir de Maître Majeur, toujours absent, un boucan d’enfer se met à claironner du côté de la porte qu’ils viennent d’emprunter. Leur dernier compagnon en sort à vive allure mais avec deux agents sur les talons ! Il ne parcourt qu’une dizaine de mètres avant que l’un d’eux ne le saisissent au col et qu’ils tombent tous deux lourdement sur le sol pavé de la place. Le second agent empoigne alors rudement Maître Majeur qui fait alors une chose qui sort illico Monsieur Long de sa transe:

« Par pitié, Messieurs les agents, ne me faites pas de mal ! …Je n’y suis pour rien je vous le jure ! Je ne suis pas comme eux ! Ils m’ont forcé à faire tout ça !! …Pitié !!… Je ne voulais pas ça… Ne laisser pas votre troll me faire du mal… Par pitié !...

_ Mais tu vas te taire oui !!? On t’embarque aux Orfèvres, ne t’inquiète pas tu auras tout le loisir de parler là-bas! »

Frère Sourire s’élance sans réfléchir pour aller aider son infortuné compagnon avant que celui-ci ne disparaisse pour de bon dans le Guet des Orfèvres tout proche mais une fois de plus la main ferme de Monsieur Long le retiendra. Interrogeant son chef du regard, ce dernier ne lui répondra que par un simple geste: l’index sur les lèvres. Cela ne peut signifier qu’une seule chose, Maître Majeur a brisé la plus sacro-sainte des règles de la Ligue: Il a parlé. Par ce simple fait il est désormais radié à jamais de la communauté secrète des mimes d’Ankh-morpork. Frère Sourire cherche alors un peu de soutien chez ses autres confrères mais il comprend qu’il ne tenteront rien non plus pour aider l’ancien Maître Majeur. Désormais il ne fait plus partie du groupe. Désormais il n’existe plus en tant que résistant silencieux face au Tyran. Désormais il est seul et doit se débrouiller avec les forces de l’ordre.
Abandonnant leur ancien compagnon à son sort, ils quitteront discrètement leur cachette pour rejoindre leur habituel lieu de réunion. Sans un regard en arrière pour leur camarade tombé. Seul Frère Sourire osera un dernier coup d’oeil en direction de Maître Majeur, fleuriste de son état, juste avant que le pauvre bougre ne pénètre bien entouré le sinistre bâtiment du Guet.

----------------------------------------------------------------

À lundi prochain si tout va bien...