N'importe quel féru de sciences fiction s'est un jour plongé dans une oeuvre de Philip K. Dick. Cet écrivain prolifique, et visionnaire diront certains, à inscrit dans le marbre certaines règles d'or d'un genre littéraire alors en pleine ébullition. Embrassant un spectre assez large de thèmes chers à la société de son temps, il a, dans un style caractéristique et il faut le dire, avec beaucoup de talent, tenté de définir à quoi pourrait ressembler la société de demain. Voire même plus, en grand maître de la fiction dystopique qu'il était, en imaginant ce qu'aurait pu être une version alternative de notre présent et notre futur, si les évènements majeurs du passé étaient sortis des rails de l'Histoire que nous leur connaissons. Ce Californien d'adoption imagine ainsi dans son premier roman à succès, Le Maître du Haut Château, un monde où l'Ouest Américain, suite à sa malencontreuse défaite lors de la seconde guerre mondiale, se retrouve à devoir composer avec une influence Japonaise et Allemande, qui se posent comme les nouvelles forces dominantes du monde. Plus fort encore, il imagine un personnage qui ose proposer une réécriture de l'Histoire ou l'Amérique aurait bel et bien gagné la guerre. Un exercice assez fascinant pour un auteur qui conservra dans ses oeuvres suivantes, cette capacité à toujours nous surprendre.
Âme tourmentée dans la vie, ses personnages aux motivations et actes souvent troubles en font de parfaits héros de roman, que l'Amérique à rapidement cherché à intégrer dans sa culture populaire. A titre posthume, Philip K. Dick jouit d'une reconnaissance presque sans égal dès lors que l'on parle de sciences fiction, et l'adaptation de ses plus belles nouvelles où de ses meilleurs romans au cinéma forgent définitivement sa légende auprès d'un public élargi. Si vous êtes passés à côté de ce roman de 1966 au titre évocateur : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques, vous n'êtes certainement pas près d'oublier le jour où vous avez visionné le film de Ridley Scott, qui reprends la trame du roman de Philp K. Dick : Blade Runner. Ce chef d'oeuvre absolu du film de sciences fiction rentranscrit avec beaucoup de justesse les propos et les intentions de l'auteur. Il en ressort un film marqué d'une esthétique unique au monde, à l'atmosphère pesante, et au scénario sciselé avec des répliques qui touchent en plein coeur et une intrigue dont on ne cesse de débattre encore de nos jours. Après avoir influencé et largement conquis le cinéma, ses contemporains allaient-ils faire de Philip K. Dick un auteur capable de se voir adapter à l'univers du jeu vidéo ? C'est ce que nous allons voir tout de suite. Je me permets de préciser que nou allons aborder ici le cas d'oeuvre insipirées par les écrits de l'auteur, et non pas d'adaptation de ses romans où des films qui en découlent en jeu vidéo. Pour cela, il suffirait de prendre n'importe lequel de ces films à succès, qui ont tous connu une adaptation en jeu vidéo, malheureusement toutes ratées, à une exception près, le Blade Runner de Westwood Studios. Maintenant que les règles sont claires, voici sans plus tarder la liste des 5 très bon jeux jeux vidéo qui sont inspirés de ses plus grand romans !
Numéro 5 : Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty et Minority Report
Difficile de ranger dans une catégorie bien particulière un jeu autant en avance sur son temps que Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty. Ce titre, voire même cette série dans son ensemble embrasse assez largement les thèmes favoris de notre auteur de référence, mais elle le fait de manière diffuse, moins évidente que les exemples qui suivront. Plus subtil diront certains. Mais avant de parler du lien qui unit Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty et Minority Report, il faut comprendre que la série assimile avant tout, beaucoup des écrits de Philip K. Dick qui ont ensuite trouvé refuge au cinéma, et surtout dans le monde de l'Animation. Les classiques que sont Akira où encore Ghost in the Shell sont autant de points de repère évidents pour un Hidéo Kojima qui tente au tournant du millénaire d'inscrire le jeu vidéo dans un monde nouveau. Au-delà de sa réalisation irréprochable, qui installe une mise en scène digne des plus grands romans ou films d'espionnage, de la capacité évidente du développeur à briser au meilleur moment le quatrième mur, et ainsi littéralement happer le joueur au coeur de son oeuvre, le génial producteur a longtemps, dans sa série phare, multiplié les clins d'oeil à ses idoles nationales. Et par ce biais, a trouvé une résonnance avec les propos de Philip K. Dick, plus particulièrement dès que celui-ci a touché dans son oeuvre, au principe du libre arbitre. Ce thème central qui résonne jusque dans le titre de Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty, et qui vaut au jeu sa place dans le classement aujourd'hui n'est jamais aussi bien mise en lumière que dans Minority Report, où un père se confronte à une police capable de préscience, et qui anticipe par tout les moyens la future vengeance d'un être démuni par l'assassinat de son fils. L'épilogue du roman qui voit le père, renoncer à la vengeance, renvoie à ce qu'Hideo Kojima essaye d'installer pour le joueur dans Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty, plus précisement dès lors qu'il développe les personnages de Liquid et Solid Snake. Ces êtres fabriqués à partir d'ADN modifié sont-ils conçus pour exécuter des ordres, où sont ils capable de libre arbitre ? Vont-ils forcément se muer en assassins, motivés par les liens qui les unissent à leurs concepteurs ? Voilà qui est fait, vous avez effleuré du doigt un concept cher à Hideo Kojima et Philip K. dick avant lui, il ne vous reste plus qu'à partir à la découverte de tous les autres thèmes abordés par l'auteur dans cette saga incroyable qu'est Metal Gear Solid...
Numéro 4 : Wolfenstein 2 : The New Colossus et Le Maître du haut Château
Les nazis ont gagné la seconde guerre mondiale avec l'aide des forces impériales japonaises, et sont désormais à la tête d'une puissante armada militaro-futuriste à faire pâlir d'envie le reste de la planète. Vous avez déjà joué, vu, où bien lu cette histoire quelque part ? Vous la devez à Philip K. Dick. Ce grand maître de l'uchronie, qui en 1962 publie son premier roman à succès, Le Maître du Haut Château, qui prends place comme je l'indiquais en introduction dans un futur où l'Histoire aurait déraillé au profit des forces de l'axe. L'intrigue installée dans l'Ouest des Etats-Unis trouve quelques rapprochement avec celle proposée dans Wolfenstein 2 : The New Colossus, quand l'épisode précédent, Wolfenstein : The New Order s'attardait sur le cas d'une Europe sous la botte nazie. En jeu, notre héros se verra balotté aux quatre coins de ce pays continent, sur les traces de ses ennemis et de ses origines pour mieux faire émerger un mouvement de résistance qui nous rapellera celui imaginé par certains personnages du roman de Philip K. Dick, et plus précisemment par l'auteur de l'uchronie dans l'uchronie : Hawthorne Abendsen, ce fameux Maître du Haut Château. Plus que les liens entre les deux récits, c'est le contexte historique alternatif qui est mis en scène sur chacune des deux oeuvres qui les rapproche ici fondamentalement. Et si le Maître du Haut Château est un incontournable de la littérature du XXème sièce, Wolfenstein 2 : The New Colossus se contentera lui d'être un First person shooter très efficace, très bien mis en scène et possédant une atmosphère forcément à part, vu l'univers dans lequel il évolue. Vous l'avez compris, si vous avez aimé Wolfenstein 2 : The New Colossus, vous serez scotché par le Maitre du Haut Château, une lecture bien plus utile que le visionage de ces navets cinématographiques que sont Iron Sky 1 & 2. A moins qu'il n'existe un point de divergeance dans l'Histoire, et une version alternative de notre monde où ces films sont considérés comme de véritables chef d'oeuvre. Allez savoir, nous vivons dans un monde complexe après tout...
Numéro 3 : Flashback et Souvenirs à vendre (Total Recall)
Que nous donne un jeu vidéo réalisé par un français, développeur de grand talent, qui décide de s'inspirer des thèmes de prédilection de Philip K. Dick ? Un jeu inoubliable qui réponds au doux nom de Flashback, et qui à sa sortie en 1992, réalise un carton mondial pour en faire le titre français le plus vendu sur consoles dans le monde. Rien de moins. Paul Cuisset le développeur en question, à soigné son jeu, sous tous les aspects pour atteindre un tel résultat, et si la réalisation est époustouflante, avec notamment une animation rotoscopique de son héros qui fera date et une mise en scène exemplaire, on retiendra aussi et surtout Flashback pour un fait d'arme : celui de proposer une véritable plongée dans un univers futuriste immersif et addictif comme nous l'avions alors rarement connu. Incarnant un homme en quête de son identité perdue suite à un lavage de cerveau, nous allons nous retrouver propulsé en plein milieu d'un complot formenté par une race extra-terrestre désirant s'emparer de notre belle planète. Mais, afin de contrer cette menace, notre homme devra soigneusement préparer son retour sur terre, tout en reconstituant les pièces perdues de sa mémoire. Et il le fera pas le biais d'hologrammes qui auront été préparés par ses propres soins, avant qu'il ne se fasse effacer la mémoire. Comment ne pas penser ici au personnage de Douglas Quail dans la courte nouvelle de Philip K. Dick Souvenirs à vendre ? Ce personnage, rendu célèbre par le film de 1990 de Paul Verhoeven, Total Recall, et son interprête tout en muscle, Arnold Schwarzenegger, qui connaîtra un destin bien similaire à celui de Conrad le héros de Flashback. Il perdra lui aussi la mémoire, avant de réaliser que quelque chose ne cloche dans sa vie et finira par mettre la main sur un précieux hologramme qui lui confirmera que son destin, subtile différence avec le jeu, n'est pas de rentrer sur terre, mais au contraire de partir sur Mars pour réaliser son destin, et au passage changer le destin de la planète tout entière. Voilà en tous cas une bien belle utilisation de l'oeuvre de Philip K. Dick transposée en jeu vidéo. Paul Cuisset est un fan de l'auteur. Serait-il également féru de l'acteur et ancien gouverneur de Californie ? Le passage dans la Death Tower, sorte de jeu télévisé ultra violent auquel Conrad se voit contraint de participer possède tout de même de troublantes ressemblances avec The Running Man, un autre film ou le Governator apparaît en haut de l'affiche...
Numéro 2 : Snatcher et Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Blade Runner)
Il fallait bien choisir un jeu qui s'inspire du roman Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Car l'influence de cette oeuvre dans le monde du jeu vidéo est pour le moins...majeure. Quoi de plus naturel alors que de retrouver Hideo Kojima en seconde place de ce classement. Le producteur qui vole à présent de ses propres ailes a fait sienne les idées de Philip K. Dick, et ce depuis très longtemps. Lorgnant déjà du côté du cyberpunk avec Metal Gear dans les années 80, ce lien va se renforcer à la sortie de Snatcher. Un superbe jeu d'enquête qui prends la forme d'une aventure graphique, et qui connait une sortie sur plusieurs supports au Japon, avant, ô joie d'être traduit sur Mega CD à la fin de l'année 1994. Vous avez tous vu Blade Runner, je ne vous ferais donc pas l'affront de vous résumer l'histoire de ce porte étendard du film de science fiction, ni même du coup de ce roman de Philip K. Dick, Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Si ce n'est pas déjà fait, je ne sais pas ce que vous faites encore à me lire, au lieu d'être devant ce livre ou votre écran. Snatcher se veut à la hauteur de l'évènement que constitue Blade Runner, et son histoire d'androïdes en perdition, qui essayent malgré tout de se défaire de leurs créateurs est aussi nuancées, superbe et imaginative que ce que propose le matériau d'origine. Perdu dans un Kobe futuriste qui prends des airs de mégalopole qui grouille en surface comme dans les profondeurs, vous et votre avatar, Gillian Seed allez explorer les méandres de la cité pour vous défaire de ces androïdes, qui prennent ici le doux nom de Snatchers. Haletant de bout en bout, Snatcher est tellement imprégné de l'univers de Balde Runner, qu'il pourrait faire office de suite directe des aventures de Rick Deckard, et personne n'y trouverait rien à redire. Et si notre homme, où plutôt notre réplicant est bien placé pour savoir si les Androïdes rêvent de moutons mécaniques, pour ma part, je rêve de retrouver un titre du calibre de Snatcher. Trois monolithes se contemplent ici sur trois générations, et vous avez bien face à vous, tout un pan de l'histoire du cyberpunk qui se dévoile sous vos yeux.
Numéro 1 : Deus Ex et... Ubik, mais surtout un peu tout à la fois
Encore plus fort qu'Hideo Kojima et Snatcher, il est temps à présent d'aborder le cas Deus Ex. Installé dans un univers cyberpunk bourré de nanotechnologies, digne de Blade Runner, notre héros, un flic doté de super pouvoirs, à l'instar de ceux de Minority Report se voit projeté sur une planète terre futuriste à l'histoire alternative, dans une dystopie digne du Maître du Haut Château. Deus Ex prends place dans un monde en pleine décrépitude, où le repli des différentes factions sur elles mêmes sont autant de signes d'un instinct de survie qui prends le dessus dès lors que l'humanité se sent menacée. Vous l'avez compris, dans un monde alternatif, l'histoire de Deux Ex aurait pu être écrite par Philip K. Dick, et nous trouverions cela tout à fait logique. Tout cela est très bien, mais nous n'avons pas encore mentionné Ubik dans ce billet, et il était grand temps d'illustrer l'utilisation faite dans un jeu vidéo, du plus grand roman de notre auteur. Et vous vous en doutez, Deus Ex, dans le déroulé de son scénario, fait la part belle au chef d'oeuvre de la littérature qu'est Ubik. Un ouvrage que je vous encourage à découvrir avant de lire ce qui va suivre. Le choix ultime qui vous sera proposé dans Deus Ex, sera de faire de votre personnage principal JC Denton, rien de moins qu'une forme de Dieu, qui décidera du sort de la planète. Et qu'est-ce qu'Ubik, si ce n'est un Dieu dans le roman du même nom de Philip K. Dick ? Le virus qui sévit dans le monde de Deus Ex n'est il pas un signe de décrépitude qui frappe les personnages du roman, placés en semi-mort et qui semblent se décomposer à vue d'oeil sans l'intervention de ce remède miracle qu'est l'Ubik ? Les actions des Illuminati dans le jeu ne ressemblement-elles pas au chemin pris par Jory Miller, le principal antagoniste dans l'ouvrage de Philip K. Dick ? Glen Rucinter agit-il comme une sorte d'intelligence artificielle envers le héros du roman, Joe Chip ? Vous l'avez compris, l'IA Hélios de Deus Ex, assure ce rôle de conseiller dans le jeu. Et en définitive, il est assez aisé de croiser les thématiques entre Ubik et Deus Ex, le jeu constituant à ce jour la plus belle lettre d'amour faite en jeu vidéo à cet auteur et cet ouvrage hors du commun.
Difficile de résumer en quelques phrases la compléxité des oeuvres et des thématiques chères à l'auteur d'exception qu'était Philip K. Dick. Ce que l'on peut constater néanmoins, c'est que ses idées sont aujourd'hui toujours sur le devant de la scène, et continuent à forger sa légende. La récente sortie en grande pompe de Cyberpunk 2077 est une preuve supplémentaire de l'attirance du jeu vidéo pour l'univers du cyberpunk, et de fait pour les écrits de Philip K. Dick, l'initiateur de ce mouvement. Au-delà de la sortie de ce blockbuster du jeu vidéo, on pourra se tourner vers d'autres productions plus anciennes et plus confidentielles, qui tentent encore et toujours de nous retranscrire manette en main, les plus belles histoires de notre auteur. Penchons nous tout d'abord sur le cas d'Einhänder. Ce Shoot them up fort réussi de Squaresoft, qui nous embarque tête la première au coeur d'une guerre sans merci sur une Terre délabrée, afin de profiter toujours et encore de cette atmosphère si particulière, à la frontière entre conquête spaciale et cyberpunk. Vous avez dit ambiance à la Blade Runner ? Gagné ! Ensuite, impossible de passer sous silence le cas de Fallout, et donc immanquablement du roman post-apocalyptique Deus Irae, écrit à quatre mains avec Roger Zelazny. D'autres inspirations se retrouvent dans des jeux de la saga des Shadowrun, ôde au cyberpunk, mais aussi sur des titres tels que Soma, Detroit Become Human, ou encore Policenauts, qui s'inscrit comme une suite spirituelle de Snatcher.
Preuve ultime de l'amour porté à Philip K. Dick, et qui prends la forme d'un jeu vidéo, Californium est lui un véritable ovni, qui vous place dans la peau d'un écrivain pris d'hallucinations et qui se voit doté de la capacité de manipuler la réalité dans un monde aux contours surréalistes. Une manière de se rapprocher de la philosophie de vie de notre auteur sans doutes. Mais, s'il me reste à conclure en vous parlant de l'homme, Philip K. Dick, pour ce faire il me faudra une dernière fois m'en remettre à un roman, car je n'aurais la prétention d'avoir le talent de décrire un être aussi complexe. Une fois de plus, je m'en réfère donc à un texte, celui d'Emmanuel Carrère en l'occurence, qui avec son roman autobiographique : Je suis vivant et vous êtes mort, propose une excellente introduction au personnage. On y découvre un écrivain contrasté, tout aussi génial qu'adepte de drogues, violent et marié à cinq reprises, qui frise la paranoïa plusieurs fois dans sa vie, et qui pourtant, parvient à écrire roman sur roman avec un talent intact et inégalé. Qui sait si dans un monde alternatif, Philip K. Dick n'aurait pas été un créateur de jeu vidéo génial...
N'hésitez pas à venir altérer ici la réalité et nous prouver que dans ce monde, où dans un autre, il existe d'autres grand jeux vidéo qui traitent avec talent des thématiques chères à Philip K. Dick. Citez un jeu qui mérite de ne pas tomber dans l'oubli, et sur lequel un petit coup de spray Ubik fera le plus grand bien.
Et à très vite pour un nouveau Top 5, où l'on parlera un peu d'un sport encore plus populaire que la plume de Philip K. Dick.