Presqu'un an après la sortie de GT6, et après avoir longtemps envisagé d'écrire un article, je me suis dit que le moment était venu de faire le bilan.

 

GT6 c'est d'abord un sacré enjeu pour Polyphony: redorer un blason sévèrement terni par un GT5 aussi attendu que décevant, ayant massivement divisé les joueurs, et en ayant dégoûté pas mal de la licence. A tort ou à raison ; toujours est-il que dans le monde merveilleux de la simu auto, un épisode chasse l'autre et que sur les épaules de cet opus reposaient d'énormes attentes, autant que la difficulté de prolonger la vie d'une console déjà plus toute jeune.

 

Pour ce sixième opus, Yamauchi semblait plus humble que jamais. Peu de com', peu ou pas de superlatifs -enfin si quand même, mais on a connu pire- ; on pouvait sentir que la leçon GT5 avait été retenue. Du moins dans une certaine mesure. Personnellement, cette approche m'a plu, au point de me mettre à attendre ce nouveau GT et d'en être le premier surpris. 

Et pour enfoncer le clou, dès que le studio déclara avoir revu le moteur physique en prenant en compte les déformations des pneus -comme un certain Forza Motorsport il y a déjà bien longtemps-, je commençai à sérieusement considérer cet opus. A l'été 2013, une preview détaillée dans la presse papier acheva de me convaincre. J'ai donc acheté le jeu Day one, chose que je n'avais pas faite depuis les deux premiers sur PSone!

 

Pourtant, c'était un acte de foi, un vrai risque, étant donné que nombre de points restaient en suspens. Quid des défauts de GT5? Quid de l'évolution de la concurrence?

 

Hélas, et pour commencer par ce qui fâche, GT6 est bel et bien un jeu criblé de défauts. Pas tous rédhibitoires, pas tous de la même ampleur, mais la plupart historiques, encore et toujours présents. 

D'abord, il y a les bruitages. Quand on sort de Forza 4 comme c'était mon cas, on commence par saigner des oreilles. Bruits de moteurs plats, étouffés, aseptisés voire totalement faux... a l'exception de certains modèles, difficile de ressentir la puissance et le caractère de son bolide.  Les crissements de pneus ont légèrement gagné en qualité, cependant ils demeurent trop basiques, et beaucoup trop présents. Pour le reste, cela manque cruellement d'ambiance sonore, de bruitages annexes. Dommage, surtout au vu de la concurrence y compris arcade, qui fait mieux depuis au moins 12 ans. 

Mais ce n'est pas que la qualité des bruitages, c'est également le mixage, atroce. Même si la dernière maj permet de mettre le micro où l'on veut dans son auto, cela ne résout pas vraiment le problème. En gros, chaque crissement de pneus baisse le son du moteur, rendant les courses éprouvantes à la longue, avec ces aigus stridents en forte prépondérance. Les chocs également, font inexplicablement baisser le volume général du jeu pendant quelques secondes, comme un jeu PC qui reconnaîtrait mal votre carte son. Et si le bruit en vue cockpit est désormais plus plausible, il etouffe encore plus celui du moteur et fait crépiter le son. Bref, amis de l'immersion, il vous faudra encore pas mal de courage. Espérons que le patch promis arrive!

 

A l'image de ces bugs sonores, le jeu entier manque de finition dans presque tous les compartiments . Prenons les modèles standards, grosse pomme de discorde de GT5. Malgré l'amélioration de quelques voitures, ils sont bel et bien toujours là. Et pas qu'un peu: 800 caisses sur les 1200 du roster, c'est beaucoup trop. 

Cependant, leur intégration graphique est bien plus réussie que dans le 5. Outre le fait qu'une cinquantaine de caisses bénéficie d'une modélisation extérieure largement affinée, le nouveau moteur d'éclairage fait des merveilles et harmonise le rendu. Reste qu'à moins de ne pas jouer en vue cockpit, l'immersion en prend encore une fois un gros coup. A noter que malgré tout, certaines standards (toutes les voitures ouvertes en gros) ont un cockpit modélisé. Cela va d'une simple texture immonde à un intérieur digne d'une premium. C'est le coup de poker. Je concède néanmoins que les vues intérieures des standards, en à-plat noir, sont certes moches mais tout de même plus sympa... Que rien du tout.

 

1200 voitures, vous dirait Kévin, c'est inégalé et c'est tellement plus que Forza. Oui, sauf que non car PD a (encore) dedoublé des tonnes de modèles, non seulement par le jeu des millésimes et des séries spéciales (MX-5, Skyline, Civic...) mais a poussé le vice jusqu'à proposer parfois le même modèle à la fois en standard et en premium! Bordel, mais pourquoi!? Alpine A110, M5, NSX, les exemples foisonnent et sont un vrai bras d'honneur adressé aux passionnés. Autant dire que sans doublons, vous retirez facilement 150 voire 200 modèles... Plutôt dur à justifier.

 

Niveau contenu, il reste encore des griefs, et oui! 

D'abord, la carrière. Excessivement facile au départ, elle ne devient intéressante en termes de difficulté que pour les deux dernières classes du jeu. Et alors, on regrette amèrement les deux premiers GT où il était possible de faire des qualifs! Car commencer systématiquement 14ème sur 16, ça devient lassant.

Hélas, ceci est dû à l'IA nullissime, de type "NFS", qui vous attend quand vous avez une auto lente et ne vous lâche pas quand vous arrivez dans les 5 premiers. Autant dire que les concurrents sont des chicanes roulantes, point barre. D'ailleurs presque toutes les courses mettent en scène un déséquilibre énorme de perfs entre les autos. Quel intérêt? Aucun, hormis peut-être celui de varier les véhicules. 

Je vais encore comparer à Forza (mais c'est inévitable), qui propose depuis le 2 un système de points de performances corroboré à des classes, beaucoup plus précis et pertinent que celui de GT. En l'occurrence, quand on vous dit que votre auto doit être de classe E par exemple, vous savez que vous avez la lattitude de choisir entre 201 et 275 points. Libre à vous de modifier votre auto au taquet, ou de jouer la difficulté maximale suivant que vous attrivuez plus ou moins de PP à votre auto.

Or dans GT6, comme dans GT5, le début de carrière est tellement facile que les PP ne sont qu'indicatifs. Parfois, vous n'êtes même pas bridé et les PP ne définissent que le niveau des voitures adverses. Mais surtout, vous pouvez gagner avec 100, voire 150 PP de moins que ce qui est indiqué, à l'aise. Tandis qu'en fin de carrière, et sans véritable transition, il vous faut au contraire approcher au maximum la limite, sachant que le système n'est guère cohérent: beaucoup de modèles sont très disparates malgré les valeurs indiquées.

 

A ce stade, vous vous dites que le jeu est un massacre, une purge, limite amateurisme ou version bêta. Il serait compréhensible de rester sur cette impression, d'autant que les défauts précités sont assez rédhibitoires, et qu'on peut reprocher encore plein de choses au titre. Non? Si!

Beaucoup d'autos sont en inadéquation avec leur modèle réel en termes de performances, la gestion de la pluie est plutôt basique et incohérente (les pneus dédiés offrent un feeling trop proche des slicks de base), les courses d'endurance sont tellement courtes qu'il y a peu ou pas de stratégie, les dégâts n'ont aucune influence sur la conduite, les boîtes de vitesses sont toutes ultra-rapides quel que soit le modèle, il n'y a toujours pas les qualifications qui existaient pourtant dans le premier opus...

 

 

Et pourtant! GT6 est capable d'être puissamment addictif.

La première raison, primordiale, en est l'excellence de son moteur physique. Depuis Forza 2, je trouvais que la licence de T10 avait largement pris l'ascendant. GT demeurait excellent dans les transferts de masses, mais à la rue concernant le feedback, la gestion de l'adhérence, les suspensions, la motricité... Or avec le sixième épisode, miracle mes frères! Les développeurs ont enfin pris en compte la déformation des pneus, et ça se sent dès les premiers tours de roues. Couplée à un feeling particulièrement réussi, cette physique toute neuve transfigure la licence et la hisse plus haut que Forza 4 (mais pas que le 5, faut pas déconner). Un vrai régal, même si les quelques modèles ratés font un peu tâche.

 

Ensuite, il y a les circuits, domaine où PD a souvent excellé. Et c'est l'orgie dans GT6, avec une gestion climatique/ jour-nuit sur presque tous les tracés, et quels tracés! Personnellement, je suis comblé tant que j'ai les Nürburgring, Bathurst, Spa et Le Mans. Autant dire qu'avec l'A1 (Red Bull Ring) et le tout récent rallye de la Sierra, je ne me lasse jamais. Un sacré tour de force, à prendre en exemple. Et mine de rien, l'addiction commence ainsi...

 

Gran Turismo, c'est aussi un amour inconditionnel de tout ce qui fait l'Automobile, dans sa diversité la plus absolue. On se régale toujours, voire plus, en karting ; on roule sur la Lune, on participe au fabuleux Festival of Speed de Goodwood, on fait du Nascar... Et même si le rallye n'est toujours pas convaincant, même si d'aucuns pourront trouver ces épreuves facultatives gadget, toujours est-il qu'elles sont souvent intéressantes, et qu'elles rapportent gros. Celle d'Ayrton Senna est vraiment instructive, autant que jouissive à jouer. 

On peut ajouter à cela les fameux concept-cars créés par des grands constructeurs pour le jeu, et des modèles rarissimes qu'on ne trouvera qu'ici (les one-offs de Jay Leno, les Awards du Sema Show, la diversité des tuners japonais) bien qu'en forme d'ultime bémol, on pourra toujours reprocher le manque de pas mal de sportives récentes majeures, ou d'anciennes mythiques.

 

Le contenu est donc débordant. Foisonnant même, et on a beaucoup reproché à Yamauchi de s'éparpiller sans s'attaquer en priorité aux nombreux problèmes qui plombent sa licence. Reste à voir si cette diversité parvient à faire oublier les défauts d'un titre toujours très imparfait, donnant l'impression d'un perpétuel chantier. Au moins, le joueur n'est pas abandonné et les MàJ abondent, à un rythme très convenable. Si vous êtes indécis, et vu le prix où se dégote actuellement GT6, j'espère que ce bilan pourra vous être utile.

 

A ciao bonsoir les gamers!