Que diriez vous d'évoluer dans un (anti)jeu qui se propose de brocarder gentiment les codes traditionnels du jeu vidéo ? Le tout baignant en sus dans un humour et une désinvolture complètement assumés ? C'est ce que propose de faire ce jeu - ou devrais-je dire cette expérience ludique - totalement en dehors des sentiers battus. « Petit » jeu indé Britannique développé par une petite équipe et réalisé à partir du moteur Source en 2011 (Half-Life 2), The Stanley Parable : HD Remix ressort cette année dans une version revisitée après être passé par le programme Steam Greenlight. Le soft nous met dans la peau dudit bougre, employé de bureau de son état, dont on ne sait quasiment rien au début de l'histoire. On en apprendra d'ailleurs jamais bien plus au cours des pérégrinations de notre avatar... L'intérêt de l'ensemble se situe ailleurs, bien au delà des codes habituels de la narration vidéo-ludique.

Mais que fait-il donc, ce fameux Stanley, à part appuyer sur des boutons toute la sainte journée parce que c'est son travail et qu'il est payé pour ça ? Pour le savoir, il suffira d'un dysfonctionnement dans cette matrice bien huilée pour que notre homme s'aventure tant bien que mal hors des limites administratives de son bureau. Si le personnage que l'on incarne donne son nom au jeu, la véritable identité de ce dernier serait peut être à attribuer au narrateur, cette conscience invisible qui dicte et conte tous nos faits et gestes. Enfin, qui essaye autant que faire se peut, puisque Stanley (autrement dit nous) peut décider à certains moment de s'écarter de cette omniscience imposée pour se bâtir sa propre version de l'histoire. Ce diabolique monsieur je-sais-tout prétend narrer dans les grandes lignes une histoire, et s'offusque au moindre pet de travers de notre ami Stanley lorsque ce dernier ne fait pas exactement ce qui est prévu dans le scénario.  

Tout le sel de cette épopée, surréaliste au possible, réside donc justement en la confrontation mentale du narrateur et du joueur - véritable extension réelle du personnage de Stanley - , piégé dans ce jeu de massacre vicieusement concocté pour lui faire vivre des choses complètement bizarres, irrationnelles, incongrues, et j'en passe... Parable, ça veut dire Parabole en Français. Voici la définition wikipédienne de ce terme : « La parabole est une figure de rhétorique consistant en une courte histoire qui utilise les événements quotidiens pour illustrer un enseignement, une morale ou une doctrine. ». D'histoires, il sera bien question, mais sans doute pas comme vous l'imaginiez. Il y a un petit air de Portal et de son intelligence artificielle GLaDOS dans l'exposition de la narration, qui repose essentiellement sur de longues tirades de Kevan Brighting, l'acteur prêtant sa voix au facétieux narrateur. En dire plus sur le contenu et l'intrigue me ferait prendre le risque de trop en dire, alors qu'il est fondamental d'en faire la découverte soi-même. Pas mal de petites surprises sont au rendez-vous pour les plus persévérants. Goûtez-y donc vous même, pour savoir de quoi il retourne, je vous laisse juges de l'intérêt de la chose.

Cette fiction interactive se moque avec délectation des us et coutumes du monde du jeu vidéo en introduisant notamment cette fausse notion de choix, qui au final ne change pas grand chose puisque quoi qu'il advienne, ce jeu ne trouve de réel aboutissement. C'est une boucle, une boucle infinie qui redémarre sans cesse ! Le truc recommence sans cesse, nous poussant à croire qu'il existe sans doute une solution inédite à tout cet imbroglio, une voie alternative, une issue... C'est à devenir complètement fou si l'on s'entête vraiment à vouloir tout essayer, d'autant que les interactions possibles sont passablement limitées et régies selon le bon vouloir de cette voix omniprésente. Oubliez toutes les règles de logique, oubliez tout ce que vous preniez pour acquis sur la narration interactive, et plongez corps et âme dans cette expérience complètement barrée, qui vous évoquera au choix une admiration amusée devant tant d'insolence ou bien une parfaite indifférence à la formule. Dans ces conditions, impossible de noter objectivement cet ovni vidéo-ludique, qui ne rentre dans aucune case, qui joue plutôt habilement avec cette notion de choix et de déterminisme. Et qui ne manque pas non plus d'auto-dérision au passage. J'aurais pu choisir de noter ce jeu, mais je ne voudrais surtout pas faire ce plaisir au narrateur. Par pur esprit de contradiction, je décide donc de le laisser dans le désarroi le plus total et de garder mon jugement pour moi et moi seul.

Je ne dirai qu'une chose pour conclure : Ce jeu, très surprenant, est à essayer, ne serais-ce que par curiosité intellectuelle !

 

À bon entendeur.

                                                                                                                                                                Par Sébastien Beuffre.