Cette année là sortaient Final Fantasy XIII et, à peu de temps d'intervalle, Resonance of Fate, le petit dernier de chez Tri-Ace. A l'époque, on avait tôt fait de comparer les deux jeux, de dire que Sega avait eu une sacrée mauvaise idée de sortir RoF au même moment que le rouleau compresseur Final Fantasy. Ce n'est que partiellement vrai, de mon point de vue, car les deux n'ont finalement pas grand chose à voir.
Au sommet du monde.
Resonance of Fate prend place dans un monde post-apocalyptique où ce qui reste de l'humanité est contraint de vivre dans une gigantesque tour mécanique appelé Basel en raison du taux de pollution de la surface. Sur place, la société est organisée en castes. Les plus pauvres, souvent mineurs de fond, vivent le plus près du sol, là où des monstres nés de la pollution rôdent et où le crime organisé prospère. Les plus riches séjournent quant à eux au sommet de la tour, au Chandelier, au plus près de la classe dominante de Basel : les Cardinaux. Comme leur nom l'indique, ils sont les chefs religieux de Basel, dirigeant la population dans le respect des préceptes du dieu Zénith.
Nous suivons Vashyron, Zephyr et Leanne qui vivent à peu près à "mi-hauteur" de Basel. Ils sont des chasseurs de prime. Traquant les rebelles et effectuant toutes sortes de travaux pour qui veut bien les payer, ils sont finalement bien éloignés des intrigues des Cardinaux. Et c'est principalement comme ça que l'histoire se présentera pour le joueur. A chaque chapitre, on vous proposera des missions secondaires (Qui se résolvent le plus souvent par le combat mais également par la recherche d'objets et le fait d'aller voir tel ou tel PNJ) et une mission principale qui ne fera pas nécessairement avancer l'intrigue. Si vous êtes du genre à jouer pour le scénario, soyez prévenus : ça va mettre un temps fou à décoller pour RoF. Il se passera une bonne vingtaine voire trentaine d'heures avant que votre trio se retrouvera directement touché par ce qui se passe, le reste des dialogues se concentrant sur des choses finalement très annexes comme le fait d'explorer un lieu pour un Cardinal ou même... aller chercher à boire à un autre! Cela dit, à chaque fin de chapitre a lieu une série de cutscenes, souvent chez les Cardinaux, ce qui permet de faire légèrement avancer l'histoire... Mais c'est souvent assez confus et inutilement complexe.
L'histoire n'est donc pas le point fort du jeu même si on s'amuse pas mal à suivre la vie de tous les jours du trio, tous marqués par leur propre passé sombre, progressivement dévoilé. Si le ton est souvent mélancolique, le jeu sait néanmoins se montrer plus léger de temps à autre, avec de l'humour typiquement nippon.
La discussion avec les PNJ est ici, finalement, ce qui vous en apprendra le plus sur le cadre du jeu. Je vous conseille donc de parler à un maximum de personnages.
En parlant de cadre, cette fois au sens propre, la carte du monde de RoF prend la forme d'un gigantesque quadrillage. Composée de villes, de zones sûres et de beaucoup de zones où peuvent avoir lieu des combats aléatoires et où se trouvent des donjons, la carte se débloque au fur et à mesure que vous disposerez des "cellules énergétiques" dessus. Ces cellules, de formes variées, vous donnent ainsi accès à de plus en plus de lieu car ce n'est qu'après avoir activé la zone avec une cellule que vous pourrez entrer dans un lieu. S'ajoutent à cela les terminaux et les cellules colorés. Les terminaux sont des cases offrant des bonus aux zones activées et reliées via une cellule de même couleur que lui. Imaginons que vous voulez utiliser un terminal offrant le double d'XP, il vous faudra alors utiliser une cellule énergétique de couleur sur le terminal (Sachant que vous ne pouvez placer une cellule de couleur qu'à côté d'une case de couleur déjà activée!) et placer d'autres cellules de cette couleur (Autant qu'en demandera l'engin) pour l'activer. Alors toutes les zones de cette couleur connectées au terminal auront le bonus en cas de combat. Vous pouvez même appliquer des bonus aux donjons et cumuler des terminaux sur plusieurs étages de la tour, pour vous faciliter encore plus la tâche. La seule contrepartie est de farmer les cellules, ce qui peut se révéler assez complexe quand on recherche une couleur ou une forme précise.
Enfin, chaque ville propose une boutique où vous pourrez acheter des objets, des pièces, démonter des items pour en récupérer les pièces détachées ou crafter des pièces pour votre équipement. Car chaque arme peut être personnalisée à l'extrême. (un pistolet avec quatre canon, une lunette de fusil sniper, un chargeur tambour et deux pointeurs laser... C'est possible!) Vous augmenterez ainsi les stats de vos armes, facilitant la charge, augmentant les dégâts, la précision etc... La personnalisation se révèle très vite chronophage ET essentielle pour progresser.
Accessoirement, vous avez également accès à un grand nombre de vêtements vous permettant de customiser complètement vos personnages, couleurs des yeux et des cheveux en prime. Si vous êtes, comme moi, un amoureux des costumes bonus dans les jeux, préparez vous à passer pas mal de temps dans la boutique de fringue également.
Guns, Monsters and John Woo.
Parce qu'on enchaîne combat sur combat sans la moindre once d'exploration et par ce que le placement de ses personnages (même s'ils ne sont que trois)y est très important, Resonance of Fate tient plus à mes yeux d'un Tactical-RPG plutôt que d'un concurrent direct de Final Fantasy. Ayant une grande estime de Tri-Ace, c'est vous dire si l'idée de voir ce studio tenter de chambouler le genre m'intéressait.
La petite particularité de RoF, outre le faible nombre de personnages (alors que le genre nous incite plutôt à en créer/recruter une foule) c'est de se contenter uniquement d'arme à feu pour notre arsenal. Votre équipement se divise donc en pistolets, grenades (Aux effets divers, du poison au gel en passant par tout un tas d'altération d'état en plus des dégâts habituels) et mitraillettes. Alors que les deux premières catégories infligent des dégâts dits "directs" (Affichés en rouge), celle des armes automatiques inflige des dégâts de "blessure" (Affichés en bleu). Le concept est très simple, en vérité. Par ce qu'elles ont une cadence de tir plus élevées, les armes automatiques font bien plus de dégâts. Seulement les "blessures" ne sont que temporaires et l'ennemi peut se régénérer. Pour palier à ça, il suffit de tirer au pistolet ou de toucher l'adversaire blessé avec une arme de jet pour convertir immédiatement les blessures en dégâts directs qui sont eux permanents!
Vous l'aurez compris : Par ce biais on massacre donc très facilement n'importe quel adversaire. Exit donc la première légende urbaine au sujet de ce titre. Resonance of Fate n'est pas si difficile que ça. Cette superstition a probablement été causée par des tests réalisés à la va-vite, qui n'ont pas permis de saisir le système de combat dans son ensemble.
En revanche le jeu n'est pas pour autant facile, ou du moins il est hors de question d'y jouer "au pif" sans chercher à comprendre ce qu'il se passe en combat. Comme je vous disais, le placement de vos personnages est important. Vous pouvez les placer sur les hauteurs, derrière des obstacles leur servant de couverture (Dont certaines destructibles)... Mais surtout, il faudra bien gérer leur portée car plus vous serez éloigné de votre cible et plus lentement la jauge de charge de votre arme se remplira.
La charge, c'est le nerf de la guerre dans RoF. A mesure que vous montez en niveau dans une catégorie d'arme (Il y a trois niveaux : un par type d'arme) vous augmenterez le nombre de tours que votre jauge de charge, qui est circulaire, peut accomplir. Sachant que selon le nombre de tours effectués, vous déclencherez tel ou tel bonus (Multiplication des dégâts, possibilité accrue de faire tomber la cible, de l'étourdir etc...), il est donc primordial de se trouver suffisamment près pour pouvoir avoir accès à ces bonus lors d'un assaut.
S'ajoute à tout ça le fait qu'une cible mise au sol peut être projetée dans les airs, permettant ainsi de l'enchaîner voire de déclencher un tir bonus. En gros si vous réussissez le QTE, que vous pouvez faciliter, vous aurez la possibilité de charger votre arme au maximum : vos tirs feront alors tomber des objets de l'adversaire. C'est une méthode très efficace pour farmer des objets.
Enfin, et c'est sans doute ce point qui a donné sa fausse réputation de difficulté au jeu, vient l'action héroïque. D'une pression sur Carré/X, vous pouvez indiquer à votre personnage où il doit se rendre en sprintant. Durant le trajet, il est invincible et peut tirer autant que vous le souhaiterez (Toujours via le principe de la charge) sur l'adversaire. Visuellement vous verrez alors le personnage effectuer des plongeons, des pirouettes et autres joyeusetés que l'on a l'habitude de voir dans les films de John Woo, ce qui rend les affrontements spectaculaires et jouissifs. En prime, vous pouvez durant un tel rush sauter, ce qui vous permettra soit d'effectuer une attaque en piquée (Sur un ennemi en l'air, ce qui le propulse vers le sol pour des dégâts bonus et des items) soit passer outre sa défense. Car, en effet, pas mal d'ennemis, notamment les boss, ont différents "membres" qui ont leur propre jauge de vie, protègent l'ennemi selon certaines directions et qu'il faudra donc détruire pour accéder à leur tronc où se trouve la véritable barre de vie de l'adversaire. Or, si vous attaquez en plein saut (Attention à être bien au dessus de lui) les dégâts se répartissent sur toutes ses jauges de vie, dont celle du tronc! Ainsi après quelques temps, histoire de maîtriser le système de combat, il est tout à fait possible de tuer un ennemi coriace et largement meilleur que vous en deux ou trois actions héroïques. (Un premier personnage, armés de deux mitraillettes, passe au dessus de l'adversaire et passe entièrement la barre de vie du tronc en blessure, et un second saute également par dessus et l'achève au pistolet.)
Cela peut sembler compliqué mais c'est au contraire très instinctif. Cependant, comme je vous disais, il ne faut pas laisser de place au hasard. En bas de l'écran se trouve la jauge héroïque, composée d'un certain nombre de cristaux. (Que vous pourrez agrandir) Chaque action héroïque vous coûtera un cristal et pour en récupérer il faut soit tuer un adversaire soit détruire un membre. Or, les ennemis n'effectuent que des dégâts de blessure sur vous. Et si la jauge de vie d'un personnage devient entièrement bleue, un cristal est automatiquement dépensé pour le régénérer. Ainsi, c'est lorsque vous n'avez plus de cristaux qu'il y a danger. Vous êtes alors en "état critique" et chaque attaque ennemie provoque sur vous des dégâts directs. Et lorsque la vie d'un membre de votre trio tombe à zéro, c'est game over direct. Vous êtes alors bon pour retenter le combat avec ou sans une jauge héroïque remplie à fond(En payant avec la monnaie du jeu dans les deux cas) ou charger votre partie! Il faut donc faire très attention à bien gérer vos cristaux, sous peine de subir une contre-attaque ennemie foudroyante!
Voilà pour l'essentiel du système de jeu. Il existe d'autres subtilités que je n'évoquerai pas en détails comme les différentes altérations d'état, le port de deux armes du même type ou encore les " points de résonance" et le fait de pouvoir lancer vos trois personnages à la fois dans une action héroique simultanée contre ces points. Vous aurez compris le principal : Fidèle à lui même, Tri-Ace a inventé un système de jeu innovant et intéressant, créant ainsi un T-RPG unique en son genre.
Des turpitudes d'un projet prometteur.
Visuellement, Resonance of Fate n'est pas un tueur mais tire son épingle du jeu grâce à des effets de caméra plutôt bien amenés, notamment en combat. Mais ceux qui sont réfractaires à la grisaille risquent d'être déçus. Le jeu est volontairement très terne et ça ne va pas en s'arrangeant. C'est d'autant plus marquant que les décors sont finalement tous, ou presque, les mêmes. (Basel est une tour mécanique, vous vous souvenez?) Donc quand on vous envoie dans la "Forêt des idoles" au lieu de vous coltiner des arbres, ce seront les mêmes passerelles et engrenage que d'habitude. Finalement la variété ne viendra que du donjon de "glace", le donjon final ou encore le donjon bonus. Pour le reste, ce sera souvent la même chose.
Il en va de même pour la bande sonore, réussie mais très classique et tournant parfois en rond.
En fait, c'est un peu ce que l'on peut dire pour le jeu en général. RoF tourne très vite en rond. Les éléments du système de combat dont je vous parlais sont disponibles du départ, si bien qu'après quelques heures de jeux tous vos affrontements se dérouleront de la même manière par ce que vous aurez pigé le "truc". Surtout qu'en dehors de vos armes et de vos objets, vous n'avez strictement rien comme possibilité. Pas de compétences spéciales ou de sorts. Toute la tactique se résume au placement et à la gestion de vos actions héroïques et bien sûr aux types de dégâts que vous ferez. Une bonne préparation vous assure donc de traverser un donjon sans grande difficulté. (Et ça même si vous n'êtes pas à niveau... Votre « skill » compensant facilement une différence de 20-25 niveaux avec vos ennemis!)
De même, les quêtes manquent de variété et le système d'évolution des personnages est finalement simpliste : les bonus de charge se débloquent automatiquement lors de vos level-up. Aucun choix, aucun point de stats à dépenser. Même pas de pseudo cristarium à la FFXIII pour vous donner l'illusion de faire évoluer votre personnage. Passé dix heures, vous ne ferez même plus attention à quels bonus vous débloquez en montant de niveau, vous contentant d'alterner entre les trois types d'arme pour grinder plus vite. D'ailleurs il y a en tout et pour tout qu'une douzaine d'armes dans le jeu... Vous allez vite en faire le tour, et c'est bien dommage : Tri-Ace a semble-t-il préféré mettre l'accent sur la personnalisation à outrance du matériel à disposition du joueur, mais cela ne justifie pas un « arsenal » rachitique.
De plus, à l'instar de FFXIII, RoF recycle énormément les skins des ennemis. Notamment, l'abus de modification via la palette graphique (vous croiserez le même bandit, colorié différemment, par exemple) fait ici encore des ravages, et c'est bien dommage.
Pour couronner le tout, la principale quête annexe du jeu, l'arène, n'est qu'une longue succession de combats (Il y a 50 rangs et dix combats par rang!) dont le challenge n'apparaîtra que tardivement si vous savez jouer. (Cf ce que je disais sur la compensation du niveau par la maîtrise des règles de jeu) Elle reste un bon moyen de farmer, d'autant que les jetons que vous gagnez pourront être échangé contre des items, des pièces d'arme ou même des armes, mais ça reste très léger et passablement fastidieux.
Le jeu propose bien entendu un New game +, d'autres niveaux de difficulté et le traditionnel donjon bonus des jeux Tri-Ace mais on regrettera que l'ensemble du jeu soit si poussif.
Et comme le jeu na pas été un succès commercial, Sega ne prévoit pas de commander une suite à Tri-Ace, ce qui est finalement le plus gros souci du jeu.
Car, qu'on s'entende bien, Resonance of Fate n'est pas mauvais. C'est même en soit un bon jeu. Certes, il est maladroit parfois, mais il propose de très bonnes idées au genre du Tactical. Les bases sont solides. Sega peut tout à fait lancer une suite, partant du principe que l'ambition de perfectionner la recette soit au rendez-vous. Avec un vrai système d'évolution, plus d'armes (Et de type d'armes. Pas que seulement des pistolets et des mitraillettes mais aussi des shotgun, des fusils d'assaut, des lance-grenade etc etc..), un système de combat étoffé (Un vrai système de couverture, des compétences actives) et plus de contenus et de variétés, un Resonance of Fate 2 pourrait être une véritable tuerie!
Sega, la balle (de revolver) est dans votre camp.