Alain Huygues-Lacour et Jean-Marc Destroy, deux noms qu'il est difficile de dissocier quand il s'agit de causer de la presse vidéo-ludique française des années 90. Chacun d'entre eux mériterait à lui seul un chapitre de ces Rétro-Mags, mais ces deux-là sont si inséparables dans mon esprit que je pourrais difficilement évoquer l'un sans évoquer l'autre.
Je me souviens très bien de cette photo quand je l'avais découverte la première fois. C'était dans une des premières pages du supplément du Joystick n°18. Un guide qui faisait le point sur l'offre console du moment. Et en ce début des années 90, il y avait fort à dire. Je lisais déjà les papiers de AHL et de Destroy dans Console News, le cahier console qui paraissait déjà depuis de nombreux mois dans les pages centrales de Joystick. Mais je n'avais jamais vraiment mis de visage sur ces signatures. Et là, tout d'un coup, en voyant ces deux types, plantés là, au début de mon magazine, j'ai pris conscience peut-être pour la première fois, que les jeux vidéos dépassaient le monde de l'adolescence. Que ça pouvait être un "truc de grand". Ouai, pour sûr, c'était un grand jour.
AHL et Destroy. Ces deux noms et ces deux visages ont accompagné bon nombre de joueurs, comme moi, dans les méandres de ces années florissantes pour l'industrie du Jeux-vidéo. Les premières couvertures de l'E3, du CES de Las Vegas, les premières news en direct du Japon, des premières images de Sonic, jusqu'aux premiers visuels de la Saturn... Autant de rendez-vous que l'on savourait jusquà user les couvertures des magazines. Destroy et AHL à Tokyo, Destroy et AHL à Las Vegas. Mine de rien, il y avait du rêve la-dedans.
Pourtant, avant Joypad et Joystick, j'achetais déjà des mags. Je me souviens notamment d'Amstrad 100 % (Oui, j'avais un Amstrad CPC 6128), et la couverture du numéro 9 avec la jeune fille dessinée sur le toit d'une voiture dans un décor d'apocalypse. C'était en 88. Mais ça ne m'avait pas marqué plus que ça, niveau contenu.
Avec AHL et Destroy, il y avait un ton. Un style. Un truc qui rendait la chose plaisante à lire. Des NDLR remplis de vannes dans les tests, lancés de l'un à l'autre. Et puis ces encadrés, disséminés dans le ce même Console News/Joystick hors série dont on parlait précédemment, et qui, visiblement, a fait office de test grandeur nature avant le lancement de Joypad.
Le tout donnait un plaisir de lecture incomparable avec d'autres magazines de l'époque destinés à la jeunesse. Mince, alors on peut se faire plaisir en lisant ? L'écriture, ça peut être drôle ? Une sacré révolution dans la tristesse grise des classes de français monotones que je fréquentais à l'époque au collège. Quelque part, je me dis que si je fais un métier d'écriture aujourd'hui, c'est peut-être aussi un peu grâce à eux. Et je ne dois pas être le seul.
A l'époque, seuls AHL et Destroy signaient les tests consoles de ces deux magazines (Joystick et Joypad), à de rares exceptions près. Il faut attendre quelques numéros pour voir arriver de nouvelles signatures, dont celle de Trazom (lire le Rétro-Mags précédent) et d'un certain Greg, qui officie actuellement sur le site Gamekult, et bien d'autres.
Et puis il y avait Console +, l'ennemi juré, qui dans son édito, lors de son premier numéro, s'amuse à faire parler un AHL fictif et à le faire tomber en syncope à l'annonce de la naissance du magazine. Naissance qui ne précède en fait que de quelques semaines seulement celle de Joypad. Jean-Michel Blottière, le red-chef de Console +, qui travaillait pourtant précédemment à Tilt avec AHL, ne fait pas de cadeau au vieux briscard. Qu'importe, les passionnés, eux, achètent souvent les deux magazines à la fois, histoire d'avoir un maximum d'infos et de photos sur les jeux du moment.
Jusqu'au jour incroyable, où le nom d'AHL apparait au bas d'un édito de Console + ! Tu l'crois ça ? Personnellement, j'ai du regarder deux ou trois fois d'affilée la couv" du mag' pour être sûr que je ne m'étais pas trompé chez le buraliste. AHL aux côtés de Banana San, l'envoyé spécial de Console + au Japon. Un genre de Grand Corps Malade, mais roux, avec un joystick de traviole sur la tête. Toute une époque j'te dis.
Janvier 1993, c'est le début des "Tu l'crois ça ?".
J'ai commencé à lire ces magazines et leurs prédecesseurs dans les années 90. Scrupuleusement. Tous les mois. Jusqu'en 95, et mon départ à l'université. Quand je revois ces magazines empilés, j'ai peine à croire que l'histoire des jeux vidéos a pu autant évoluer en cinq ans à peine. Dans les premiers numéros de ma collection, on évoquait à demi-mots l'arrivée de la mégadrive. Dans les derniers, on est déjà à l'ère de la Playstation et le l'Ultra 64. Entre temps, les gameboy, les Super famicom, les Pc engine, les super Grafx, les Game-Gear, les Méga-CD, les Néo-Géo, les 3DO, les Jaguar et les Lynx sont passées par là. Un truc de dingue.
Alors j'te raconte pas ma surprise, lecteur, quand j'ai entendu AHL intervenir dans un podcast pour les deux ans de Gameblog. Puis quand il s'est lancé dans les Versus avec Cyril Drevet, et enfin quand, il y a quelques semaines, j'ai lu que le tandem de choc Huygues-Lacour / Destroy était reformé pour officier dans les nouveaux numéros des excellents numéros de Pix'n Love. La boucle est bouclée.
Les couv' !
Bonus !
Les Rétro-mags :
#4 : Super CD-rom Super Famicom, chronique d'un destin funeste à base de Play Station