Cela fait maintenant quelques années que le jeu vidéo, avec l'apparition de nouveaux genres, la démocratisation de certaines consoles ou la marginalisation de certains styles, se crée des termes afin de catégoriser, de définir ces tendances ou ces genres pour que tout joueur puisse se positionner, ou positionner les autres, dans le spectre de plus en plus large des consommateurs de loisirs vidéo-ludiques.

Le débat maintes fois mené, que ce soit par des journalistes ou dans les forums, du jeu dit casual, n'aboutit jamais vraiment à une conclusion qui me convient. Et je me risquerais même à dire que c'est un faux débat.

Depuis quelques temps, le langage et la représentation collective du jeu vidéo s'est fractionnée, polarisée même en plusieurs camps distincts. Je vais en citer deux comme exemple, mais je voudrais surtout réfléchir sur la raison d'être des ces classifications et ce qu'elles nous disent sur le jeu-vidéo.

D'abord, pour en finir rapidement avec eux, prenons les joueurs dits hardcores. Je ne parle pas des joueurs pros qui, eux, ont encore un statut bien différent. Parlons simplement de ceux qui se disent hardcores gamers. Parce que soyons clair, j'ai envie de parler de ce que les gens disent  d'eux ou des autres et non de donner mon avis personnel sur ce qu'ils sont car l'analyse tomberait alors à l'eau pour n'être qu'un exposé de mon classement personnel des joueurs. Si l'on résume l'idée générale qui ressort de certaines discussions ou définitions du hardcore gamer, on trouve plusieurs caractéristiques récurrentes. 

- Le temps de jeu

- La tendance à jouer à des jeux réputés difficiles (Dark Souls dernièrement)

- la tendance à jouer à des jeux nécessitant un apprentissage important (Skyrim, Final Fantasy, Street Fighter)

- Mais une caractéristique qui se dessine en négatif peut être ajoutée : Le rejet des jeux dits casuals

Si l'on s'intéresse à ces caractéristiques, on voit rapidement que pour être hardcore gamer il faut s'investir. Ce n'est pas un statut que l'on peut s'attribuer à la légère. Ce qui peut paraître étonnant quand on parle d'un média qui contient le mot jeu dans son nom. 

Si l'on prend l'autre versant de la population on trouve les casuals gamers. De nouveau c'est une dénomination qui n'a pas plus de valeur qu'une autre pour définir une grande partie des joueur et, si l'on en tire quelques caractéristiques, on retrouve:

- Peu de temps de jeu

- Un tendance à jouer à des jeux faciles

- Une tendance à jouer à des jeux rapidement compréhensibles et amusants

- Une certaines ignorance du médium jeu-vidéo

Là encore ces caractéristiques ne sont pas ce que je pense mais ce que l'on entend.

Ce qui m'étonne d'abord quand je lis ces classifications et ces segmentations, c'est que contrairement à d'autres médias plus anciens (livre, cinéma, musique), dans le jeu-vidéo, on classe d'abord les joueurs plutôt que de s'intéresser à classer les jeux.

Car finalement pourquoi tellement se passionner dans l'établissement de classes de joueurs en fonction des jeux qui leur plaisent ou de la manière dont ils jouent?

Pour moi c'est sans doute la marque d'un média jeune encore en création, pas encore reconnu comme un loisir culturel à part entière par la population générale. Du coup, en absence de reconnaissance par la société (même si la situation s'améliore c'est indéniable) les joueurs cherchent la légitimité entre eux en créant des catégories auxquelles ils appartiennent ou non et ainsi se donnent un statut qui leur donne cette reconnaissance qu'ils n'ont pas en jouant simplement.

Dès lors, être joueur devient un statut à conquérir, que l'on peut refuser aisément à ceux qui, à tort ou à raison, considèrent tout ça comme... un jeu.

C'est de là que découle ce snobisme qui a été évoqué brièvement dans le podcast 200 et qui peut, cela se comprend, rebuter les nouveaux joueurs.

Là où je pense que ce débat est voué à disparaître, c'est qu'avec le temps, le jeu-vidéo s'impose comme un loisir culturel à part entière. Plus présent dans les médias généralistes, même si parfois c'est à son désavantage, reconnu de plus en plus par les réalisateurs de films (Spielberg, Peter Jackson, etc) la société finira par l'intégrer au panel des loisirs comme la BD en son temps ou le cinéma.

Cela n'aura alors plus de sens de se battre pour un statut de joueur chevronné ou de joueur indé ou hardcore ou que sais-je. Il y aura toujours les amateurs et les pros, les passionnés et les occasionnels, ceux qui aiment l'action ou les tarés de la stratégie. Mais il n'y aura plus de séparation si marquée entre les "légitimes" (oui je peux parler de jeu-vidéo puisque j'ai fini Xenoblade) et les "Ignorants" (C'est quoi un "RPG"?).

Alors on passera peut-être plus de temps à discuter des jeux et de leur qualité, sans se demander s'ils ciblent un public casual ou gamer. Car après tout on s'en fout de notre statut du moment qu'on prend du plaisir à jouer à un jeu.

Et oui Cut the Rope et Dark Souls sont deux supers jeux mais l'intérêt ne réside pas dans la discussion de ce que ça fait de moi de jouer à ces jeux. L'intérêt est de s'intéresser à ce qui fait que ces deux titres sont bons. Et là le débat peut faire rage sur l'importance du fun, de la difficulté, des tutoriaux, de l'humour ou au contraire de la tristesse dans un jeu.

Et ces débats apporteront réellement de la richesse au média en lui créant un cadre et peu à peu une grille de lecture permettant d'analyser les jeux un peu comme on le fait pour des films ou des livres.

Mais là encore il faut cesser de tomber dans le classement systématique casual/hardcore. Cela ne devrait pas rentrer en ligne de compte quand on parle de qualité. Petits flirts entre amis est casual et c'est une bouse par rapport à Batman Arkham City, mais je me suis plus amusé sur Saving Private Sheep sur iPhone que sur ICO qui me tombait parfois des mains. 

Incomparables me direz-vous? Mais pourquoi, comment et selon quels critères? Ça c'est vraiment passionnant. Mais savoir si devant un jeu punitif je donne tout mon (hard)cœur ou si je me cassse(ual), ça l'est moins.