Chaque homme, chaque femme, chaque être humain sur cette terre possède du goût. C'est un fait, une vérité absolue qui ne comporte que peu d'exceptions. Mais ce goût n'est pas inné, ni défini par avance : il est façonné par nos intérêts, nos activités, notre façon d'être et de ressentir au quotidien les composantes complexes du monde qui nous entoure. Pour citer un exemple, le cinéphile amateur de navets n'a pas toujours eu mauvais goût; c'est parce qu'il a vu un nombre incalculable de films basés sur la même recette qu'il aura fini par devenir si aigre, si amer.
Or, si le cinéma peut donner mauvais goût, le jeu vidéo peut-il, à l'inverse, donner bon goût ?
C'est ce que nous allons voir ensemble d'ici quelques instants, dès que nous aurons au préalable levé une petite ambiguïté sur le sujet. Car, si vous pensiez avoir affaire à une étude sur le bon goût potentiel que tout joueur de chair et de sang peut acquérir en jouant aux jeux vidéo...
Eh bien, vous aviez raison
Le véritable sens de la question étant de savoir si cet homme, que nous appellerons ici consommateur, apprécie ou non la chose qu'il mord non sans avidité; chose que nous nommerons, pour l'occasion, repas de Noël.
Bref. Pour répondre à cette question, nous nous appuierons sur un rapport de la PETTI, la Player-Eaters Taste Testing Institution, dont l'activité parmi tant d'autres consiste à examiner les préférences des consommateurs en matière de "gamenibalisme" (mot-valise provenant des mots anglais gamer et cannibalism).
Ce rapport, intitulé Saveurs et impact du gamenibalisme sur le consommateur moderne, est le fruit d'une enquête effectuée sur un large panel d'individus de tout rang social, de tout âge, et de tout statut médical et psychologique résidant en France métropolitaine.
Mais observons et analysons sans plus tarder les résultats ainsi rapportés.
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1. QUELS GENRES DE JEUX DONNENT BON GOÛT ?
Que constate t-on ?
– Les Point'n'Click et les Shoot'em Up sont les deux genres qui, selon les consommateurs, donnent au joueur le meilleur goût. Appelés à se justifier sur leur choix, la plupart des individus interrogés ont mis en avant l'arôme tout à la fois subtil et nuancé des joueurs concernés, allant parfois jusqu'à comparer la saveur de leur hémoglobine à celle d'un vin de grand âge, en ce sens qu'elle procure une douce sensation de nostalgie.
– Les joueurs de jeux érotiques ont eux aussi remporté un large succès auprès des consommateurs, et viennent compléter le podium. Les votants semblent avoir apprécié le côté juteux du produit, n'hésitant pas à faire des comparaisons fruitières mêlant oranges et melons, principalement.
– Derrière, les joueurs de RPG font également un bon score, la seule réticence formulée à leur égard étant leur trop lourde consistance, et le temps nécessaire à leur pleine digestion.
– Puzzle-games et jeux de gestion/stratégie s'en sortent plutôt bien également, la cervelle des joueurs étant reconnue comme ingrédient de premier ordre pour l'élaboration de la fameuse "Cervelle Starcraftienne en sauce tomate".
– Avec 51%, les jeux de rythme divisent. Mais à en juger par les réponses positives, il semblerait qu'une large portion des sondés n'ait pas compris qu'il fallait mâcher en rythme pour délivrer au palet les saveurs véritables du rhythm gamer.
– Les jeux de combat divisent également. A priori, le niveau du joueur influerait sur son goût, les plus occasionnels d'entre eux mariant les saveurs de manière totalement aléatoire, tandis que les meilleurs allieraient celles-ci avec davantage de maîtrise et d'efficacité.
– Le même genre de nuance convient d'être apporté pour les jeux de plate-forme, les joueurs de Mario étant primés pour leur goût de champignon, ceux de Donkey Kong pour leur goût de banane... Mais définitivement pas ceux de Conker, et leur goût de déjections corporelles.
– Le joueur de MMORPG, lui, pècherait dans une majorité de cas par son manque d'hygiène, et son manque d'aération.
– En matière de FPS, les consommateurs se sont plaints en grande majorité de produits qu'ils jugeaient "pas suffisamment mûrs", tandis que du côté des Beat-em All, c'est l'aspect peu ragoûtant, haché de façon barbare et déraisonnée, qui les a rebutés.
– Pour ce qui est du Survival-Horror, la viande a été purement et simplement jugée immangeable, de par sa trop grande teneur en nerfs.
– Quant aux amateurs de jeux de course, ils ont été déclarés infects; tout particulièrement par les fumeurs, qui parlent d'un horrible goût d'asphalte et de goudron qu'ils n'ingurgiteraient, selon leurs dires, "pour rien au monde, sous quelque forme que ce soit".
– Enfin, condamné plus que tout autre, l'amateur de jeu de sport a fait quasiment l'unanimité contre lui, de par son immonde goût de sueur.
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2. QUELS EFFETS, VERTUS OU VICES, PROCURENT CES ALIMENTS SUR LE CONSOMMATEUR ?
Non content de relever les préférences des consommateurs en matière de gamenibalisme, le rapport s'est également penché sur les influences de tels aliments sur l'organisme et la psyché, afin d'en tirer d'éventuel bienfaits ou, le cas échéant, d'éventuels désordres.
L'étude a été menée, pour chaque genre, en deux étapes :
– D'abord, un échantillon représentatif de chaque catégorie nommée précédemment a été consulté. De là, les remarques et observations récurrentes ont été synthétisées pour former quatre possibilités.
– Ensuite, l'intégralité du panel a été sondé, soumis à un questionnaire composé des quatre choix susnommés et de la possibilité "Autres", où seule une réponse, la plus sensible, a été acceptée.
S'ils serait long et fastidieux d'analyser ici chacun de ces quinze graphiques (un par genre), nous nous contenterons d'en reporter ici les trois plus intéressants du lot.
1. Envie d'acheter une nouvelle voiture.
2. Besoin systématique de frôler les autres voitures pour augmenter son burnout.
3. Optimisation des trajets quotidiens recherchée en permanence.
4. Trace de pneu repérée dans les sous-vêtements.
5. Autres.
1. Perte de contrôle et frénésie dès l'écoute d'une musique entrainante.
2. Propension à taper des doigts en rythme sur le premier objet laissé à portée de main.
3. Calcul inconscient du nombre de notes effectuées, et crises de colère proportionnelles à l'ampleur du combo dès que celui-ci est rompu.
4. Stabilisation du rythme cardiaque.
5. Autres.
1. Remplacement inconscient des injonctions "Stop!" et "Arrête!" par le terme "Yamete!".
2. Esprit à l'affut du moindre double-sens graveleux.
3. Besoin irrépressible de remplir des jauges.
4. Activité sexuelle multipliée par huit.
5. Autres.
Que constate t-on ?
Outre le fait que la consommation d'érogamers fasse office de puissant aphrodisiaque, il est difficile de ne pas observer une similitude flagrante entre ces trois graphiques. En effet, non seulement la réponse 4 l'emporte toujours très largement avec 75% des voix, mais la couleur et la forme qu'en prend la représentation statistique rappellent étrangement Pac-Man, véritable icône de l'histoire du jeu vidéo...
Le phénomène semble avoir fasciné les chercheurs de la PETTI, qui n'ont pas tardé à émettre leurs premières hypothèses. David de Chaerumenn, directeur du département scientifique de l'institut, y voit par exemple une explication métaphysique, parlant notamment de la petite boule jaune comme le premier cannibale du jeu vidéo, ce qui pourrait être perçu comme les origines du gamenibalisme. Hypothèse désapprouvée par quelques uns de ses éminents confrères, qui ont jugé bon de lui rappeler que Pac-Man ne mangeait que des petites boules blanches et des fantômes. Arguments et contre-arguments continuent encore aujourd'hui d'alimenter les conversations entre les plus grands spécialistes du domaine, sans qu'aucune des nombreuses hypothèses avancées ne fasse encore l'unanimité.
Pas même celle du Docteur Henry Paille, chercheur un brin farfelu et marginal, qui pense que tout ceci ne serait qu'une simple coïncidence...
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3. LES CONSOMMATEURS JOUENT-ILS EUX-MÊME AUX JEUX VIDÉO ?
Enfin, la dernière partie de l'enquête s'est attardée sur le rapport qu'entretiennent les consommateurs avec le jeu vidéo en tant que tel, pour savoir si oui ou non, et à quelle fréquence, les gamenibales consomment le jeu vidéo de manière culturelle.
La question posée était la suivante :
Que constate t-on ?
67% des réponses sont des "Oui", ce qui représente plus d'un tiers des sondés. Les gamenibales sont donc en majorité joueurs eux-même, plus occasionnels cependant que véritablement hardcore-gamers.
Les résultats de cette dernière question posent néanmoins sur la table un grave et sérieux problème : celui de l'auto-cannibalisme ou, dans le cas présent, de l'auto-gamenibalisme. Véritable fléau de ces dernières années, le phénomène, qui consiste à se cuisiner et se dévorer soi-même, inquiète au plus haut point les instances dirigeantes du monde de la restauration, qui craignent un effondrement du marché au profit du "fait-main". Marché qui, rappelons-le, n'est pas au mieux actuellement après les récentes baisses de vente du Bitmac et du Cheeseburgamer, produits phares du leader mondial de la restauration rapide, MacCrosoft.
A noter, pour finir, que 8% des sondés ne semblent pas savoir ce qu'est un jeu-vidéo, un pourcentage certes voué à être infime mais qui, malgré tout, surprend... et inquiète.
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CONCLUSION
Les enjeux du gamenibalisme sont nombreux, qu'ils soient sociaux, économiques ou scientifiques; et s'il est une chose que ce rapport nous apprend, c'est qu'il reste bien des mystères à éclaircir, et bien des observations encore à effectuer sur ces individus qui, en 2013, ont consommé plus de 32 millions de tonnes de joueurs à travers le monde. Chiffres qui ne manqueront pas de gonfler davantage à l'approche des festivités de fin d'année...
Quoiqu'il en soit, avec la récente instauration de quotas visant à éviter la disparition de matière première, ou encore avec le déclin constaté des fermes d'élevage (aussi appelées "salles d'arcade), le gamenibalisme est un phénomène qui évolue de manière perpétuelle, tout en continuant, année après année, de gagner en masse financière et en popularité.
Et lorsque l'on se souvient à quel point il était contesté et marginalisé à ses débuts, on ne peut qu'être admiratif du chemin parcouru...