Accusée pour un crime commis le 27 Octobre 1999, la huitième itération de la saga Final Fantasy est jugée lors d'un procès dans lequel on l'accuse d'avoir ruiné l'héritage qui lui a été légué, en plus d'avoir trahi une partie de ses clients. Devant un jury curieux bien que divisé, un énième témoin arrive à la barre, monsieur M., dont les affinités avec l'accusé remontent à presque dix ans. Le représentant de l'accusation se lève, se dirige vers le témoin, et entame l'interrogatoire...
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Monsieur M., si l'on excepte les épisodes en ligne, il n'y a que trois opus numérotés qui ne vous sont pas familiers, à savoir les 3, 4 et 13. Comment expliquez-vous, d'une manière relativement succincte, que votre opus préféré soit le numéro huit ? N'avez-vous pourtant pas eu tout le loisir de terminer les épisodes 6 et 7 ?
Final Fantasy 6 et 7 sont deux épisodes uniques auxquels j'ai pris grand plaisir à jouer, et même à rejouer, soyez-en certain. Cela dit, je trouve que Final Fantasy 8 n'a que peu de choses à leur envier, et je ne parle pas là uniquement de l'aspect graphique, qui, vous en conviendrez je l'espère, était quasiment irréprochable pour l'époque. L'univers singulier du jeu, et son scénario plus profond que l'accusation ne s'accorde à le penser, sont autant de qualités que je lui ai trouvées. J'ai également bien apprécié les personnages, même si j'en suis sûr, vous avez votre mot à dire là-dessus.
Ah, les personnages, venons-y. Oserez-vous prétendre qu'un protagoniste aussi pauvre et exaspérant que le dénommé Squall Leonhart soit digne de ses glorieux prédécesseurs ? Oserez-vous défendre ses inutiles petits compagnons, aussi superficiels soient-il ?
Je trouve personnellement que Squall est un personnage très intéressant à voir évoluer, loin d'être aussi pauvre que vous l'affirmez. Certes, son côté asocial peut s'avérer exaspérant, mais c'est ce point là justement qui en fait un anti-héros par rapport à ses prédécesseurs. Tout le monde attend de lui qu'il accomplisse sa mission, qu'il les guide sur le chemin de la victoire, mais il refuse de l'assumer et rejète ses responsabilités, ce qui lui est paradoxalement impossible. Ceux qui n'y voient là qu'un personnage froid ont tout faux, Squall est bien plus complexe que ça et n'a de cesse d'être confronté à de cruels dilemmes qui le font mûrir. Pour finir, je trouve qu'il dégage en plus un charisme certain, mais là-dessus chacun son avis. Quand aux autres, eh bien, chacun possède des qualités et des défauts qui les rendent d'autant plus complémentaires. Leur design moderne les rend plus réalistes, leur psychologie plus recherchée et subtile les rend au final plus crédibles, mais surtout, plus humains. On s'attache à ces personnages, on s'identifie même parfois à eux. Le background individuel n'a pas tant d'importance ici, ce qui compte, c'est la psychologie des protagonistes et ce qui explique leurs agissements, ainsi que leurs émotions. A ce niveau là, c'est à mon goût une réussite.
L'arme du crime L'un des criminels
Soit, passons à autre chose. Serez-vous d'accord avec moi, monsieur M., si je vous dis que l'histoire développée de façon brouillonne par l'accusé n'est rien de plus qu'une histoire d'amour mièvre pour adolescent(e)s américain(e)s, prenant place dans un univers dépourvu de toute magie ?
L'amour est un thème abordé par le jeu de manière assez importante, c'est vrai, mais j'aimerais attirer votre attention sur deux points cruciaux. Le premier, c'est que cette romance n'est pas aussi niaise qu'on a tendance à le dire, celle-ci étant réfrénée par le tempérament singulier et la psychologie radicalement opposée des deux protagonistes concernés. Le deuxième, c'est que pour résumer Final Fantasy 8 à son histoire à l'eau de rose, il faut être passé à côté de toute la richesse scénaristique du soft. La narration est variée, rythmée, et nous entraîne régulièrement dans des phases de jeu intenses magnifiées par une mise en scène géniale ponctuée de cinématiques à couper le souffle. En plus de ça, on note la présence d'un aspect politique intéressant qui joue beaucoup sur l'ambiance que dégage les deux premiers CDs, de rêves paranormaux déroutants et loin d'être anecdotiques, sans oublier la sorcellerie, un thème inédit dans la saga qui a le mérite d'apporter un vent de fraîcheur dans la trame scénaristique. Au final, on se retrouve avec un univers plus moderne, plus réaliste, peut-être même plus implicite, qui réinterprète le terme fantaisie pour en faire quelque chose de nouveau, d'unique. Et c'est bien là le leitmotiv de la série depuis ses débuts, se réinventer en permanence d'un épisode à l'autre. Par conséquent, je n'ai pas le sentiment que ce jeu trahisse la saga qu'il représente.
Entrons maintenant dans le vif du sujet, à savoir le gameplay de l'accusé. Si toutefois passer son temps à voler des magies inutiles et à lancer des chimères trop longues peut être qualifié de gameplay...
Eh bien, monsieur l'accusateur, vous n'avez pas tout à fait tort. Oui, lancer des G-Forces c'est long, c'est chiant, et hélas beaucoup ont vu cela comme la seule commande efficace au combat. C'est faux ! Les attaques physiques et magiques peuvent être tout aussi efficaces, pour le peu qu'on se donne la peine de comprendre le système d'associations, trop sous-côté à mon goût. Certes, il n'est pas évident de l'assimiler, d'autant plus qu'il est incrusté dans une interface peu conviviale et relativement austère, mais il vaut le coup de s'y attarder si l'on désire profiter pleinement des joutes. L'association d'une G-Force à un personnage n'a rien de hasardeuse, prenons un exemple. Joindre Ifrit à Squall dès le début du jeu lui permettra d'associer une magie en vigueur, ou force d'attaque si vous préférez, qui va donc lui permettre de frapper plus fort. Combiné avec une ou plusieurs compétences Vgr+xx% de cette même G-Force, les dégâts effectués peuvent s'avérer plus intéressants que ceux d'une G-Force invoquée, en étant de surcroît plus rapide. Le leveling est inutile ? Toujours grâce à Ifrit, vous pouvez associer au personnage la compétence passive Bonus Vgr qui lui donnera un point de bonus supplémentaire dans cette statistique à chaque level-up. Il devient donc possible de spécialiser un personnage dans divers domaines (magie, attaque, support etc...) en favorisant certaines statistiques, et même de définir l'attaque et la résistance élémentale d'un personnage à un degré plus ou moins élevé pour chaque élément. Et ne je vous ai même pas parlé des Limit-Breaks, tous plus variés les uns que les autres, qui s'avèrent au final plus dévastateurs que n'importe quelle G-Force. Le système de Final Fantasy 8 permet presque de jouer comme on le souhaite, alors pourquoi se limiter à une seule façon de faire ?
Le trou dans la couche d'ozone, c'était lui !
Il s'agit là d'un système infaillible, dites-moi !...
Non, il convient toutefois de nuancer, parce que tout n'est pas si parfait. Notamment parce qu'un néophyte passera forcément à côté de tout ce que j'ai évoqué plus haut, pour la simple et bonne raison que certaines capacités de G-Forces sont cachées, et qu'il n'y a aucun moyen de savoir qu'elles existent, ni de savoir quels pré-requis sont demandés pour les débloquer. D'autre part, pour faire apprendre une capacité à une G-Force, il faut lui indiquer dans le menu, sans quoi elle privilégiera par défaut les capacités comme Invoc+xx% qui augmentent sa puissance d'attaque. Un réflexe rare pour une première partie, où l'on se laisse plus ou moins guider par le jeu. Pour en revenir à ce que vous critiquiez plus haut, voler des magies au début du jeu s'avère en effet fastidieux, même s'il est appréciable de pouvoir en fabriquer plus tard grâce à certaines capacités G-Forces. Enfin, et c'est peut-être là le plus gros point noir, le challenge global du jeu est assez peu relevé et rend même possible d'éviter les combats grâce à une énième capacité G-Force, ce qui peut être pénalisant au moment d'entamer le CD4 et un boss étonnamment corsé.
Mais ne voyez pas en ces défauts quelque chose de rédhibitoire, car passées les premières heures, le système s'enrichit à mesure que vous récupérez de nouvelles G-Forces et de nouvelles magies. Prenez le temps d'assimiler le système, essayez d'entrevoir les possibilités qui s'offrent à vous, et tentez de jouer différemment sans invoquer de G-Forces toutes les deux minutes. Peut-être percevrez vous le jeu autrement.
Intéressons-nous maintenant à l'un des complices de l'accusé, monsieur Uematsu. Lui qui nous avait habitué à tant de chefs d'œuvre par le passé, comment expliquez-vous qu'il n'ait composé qu'une bande-son quelconque pour cet opus ?
Quelconque ?! Bon, c'est forcément quelque chose de subjectif, mais qualifier la musique de Final Fantasy 8 de quelconque, je trouve ça encore plus insultant que de lui vomir dessus. Nobuo Uematsu a parfaitement réussi à adapter son style pour coller à l'univers plus moderne et plus militaire du jeu, sans omettre cette touche de sorcellerie inhérente à l'intrigue. Résultat : l'immense Liberi Fatali, des thèmes épiques et intenses à souhait comme The Landing ou The Stage Is Set, des morceaux emplis d'émotions tels que Drifting ou The Oath, des combats mémorables au rythme de The Man with the Machine Gun ou The Extreme, et tant d'autres qui méritent d'être cités; Fisherman's Horizon, Force Your Way, Only A Plank Between One And Perdition, The Mission, Premonition, Ami, Movin', The Salt Flats, Silence And Motion, Maybe I'm a Lion... Pour finir sur un Ending Theme de toute beauté. Qu'on aime ou pas la chanson thème, Eyes on Me, il y a en tout cas largement de quoi se contenter à côté.
A la lumière de ce témoignage, Final Fantasy 8 est donc selon vous le meilleur de tous ?...
C'est en tout cas celui que je vénère le plus. Mais avant d'être conspué, notez bien qu'il ne s'agit là que d'un simple avis lié à mes goûts, une saga comme Final Fantasy ne peut pas mettre tout le monde d'accord pour la simple et bonne raison qu'il y en a pour toutes les couleurs ! J'espère toutefois qu'après ce témoignage, vous penserez lui donner une seconde chance, car un procès aussi absurde n'a pas lieu d'être pour un jeu dont le plus grand malheur aura été de succéder au septième opus...
L'accusation en a terminé. Le jury s'apprête désormais à délibérer...