Oubliez FFVI, ses robots rouillés et son opéra prétentieux. Désacralisez FFVII et son antagoniste tout droit sorti d'un manga de Rumiko Takahashi. Que sont ces deux jeux, ces modèles d'unanimité, sinon l'objet de cultes excessifs ? Comme sous l'effet d'un sort Mini, leur grandeur rapetisse à vue de nez dès lors que, une foix exhumé de son tombeau famicomiforme, l'obélisque strié s'élève jusqu'à y faire chuter les ombres de ses hauteurs célestes. Oui, FFIII est grand. Quintessence du savoir-faire des maîtres du genre, ode à la vie sous couvert d'une histoire faussement classique, cri du coeur d'une humanité enlisée dans d'éternels sables-mouvants, Final Fantasy III épate, touche, marque, ensorcelle, d'une magie que le temps a depuis égarée, mais que l'on peut, et qu'il sera toujours possible de retrouver en remontant le cours des âges, sur cette barque, sur ce radeau, non, sur ce canoë !, fut-ce t-il de fortune, qu'on nomme... l'Émulation.
Retour élogieux et exhaustif sur une épopée à contre-courant.
Le Gurgan marmonna...
"Ce séisme ne présage rien de bon. Les secousses qui ensevelirent les cristaux et amenèrent les monstres ne sont rien face au bluff introductif de ce vil gameblogueur qui n'appelle que commentaires acerbes et hâtifs... Mais un espoir subsiste. Quatre lecteurs ou plus partiront en quête de la Lumière..."
J'ai donc joué à FFIII, sur NES.
Pourquoi sur NES ? C'est vrai, après tout, c'est quand même assez vieillot, et le jeu a été refait sur DS il y a quelques années dans une version tout en 3D d'à priori bonne facture. En plus, ayant grandi avec, essentiellement, des manette de SNES et de Playstation à la main, il m'est impossible de compter sur l'appui d'une quelconque nostalgie pour outrepasser les limites techniques d'une console 8-bits que j'ai longtemps estimée trop old-school pour moi. D'ailleurs, je la trouvais carrément oppressante, entre écrans noirs d'où l'antéchrist pouvait jaillir et sonorités sorties d'outre-tombe, je redoutais presque qu'une ignoble créature ne sorte de l'écran pour venir me mâchouiller le cerveau et se servir de mes yeux comme d'olives dans son cocktail de mon sang.
Mais ce n'étaient là que des craintes infantiles car, comme chacun le sait, le monstre de la glauque NES n'existe pas !
Nous sommes bien dans un JRPG. Les Gurgans ne s'intéressent qu'à leurs boules.
Bref, étant moyennement emballé par l'aspect 3D du remake DS et complètement frustré par l'inexistence d'un remake 2D qui soit dans la veine des deux premiers sur Wonderswan, GBA, PS1, PSP, iOS, Android, Virtual Console et Podomètre (prochainement), ou encore dans celle d'un FFIV (PSP), j'ai pris une grande respiration et dans ces eaux noires, me suis immergé.
Alors déjà, soyons clairs, nets, concis, prosaïques : le jeu est dur. Il est, ce me semble, un cran au-dessus des épisodes SNES sur ce point. Rappelons, à ce propos, que son illustre successeur, FFIV, a été ressorti sous une version "easy" quelques mois à peine après sa sortie initiale au Japon devant la grogne des joueurs nippons qui considéraient le jeu trop difficile. Ce qui s'est certainement répercuté dans les épisodes suivants (mais pas dans les précédents, donc, vous m'suivez ?).
Mais bon, le média étant alors encore jeune, je suppose qu'il s'agissait là d'une erreur de jeux NES.
"Viens petit, j'ai quelque chose à te montrer..." "...Regarde, on va bouffer du Taureau Ailé !"
En vérité, cette difficulté se fait surtout sentir à chaque extrêmité du jeu. Au début, d'abord, parce que la pauvreté nous accable et que le prix d'une potion, quatre fois celui d'un antidote (!), a de quoi nous faire pleurer (d'où, probablement, notre nature de chevalier oignon). Pas évident de se soigner en ayant des ressources aussi limitées, d'autant que, pour ne rien arranger, nos quatre guerriers de lumière ont une fâcheuse tendance à loucher. Les chances de toucher oscillent généralement entre 60 et 80%, ce qui est peu, surtout quand vous avez le malheur d'être de mauvaise foi (auquel cas, retirer 30 ou 40% supplémentaires).
A ceci il faut ajouter que, comme la précision ne concerne qu'un seul coup, et qu'une attaque peut, progressivement, en asséner plusieurs, mais qu'au début elle n'en donne qu'un ou deux (contre seize voire plus à la fin), les ratés sont donc plus pénalisants. Et n'oublions pas la commande Fuite qui, lorsqu'elle est sélectionnée, multiplie les dégats qu'encaissent un personnage par deux, par trois, ou, pour faire écho au paragraphe précédent, par neuf ou par dix. Voilà donc qui explique en partie les difficultés éprouvées dès l'entame du jeu.
Mais je ne suis pas sûr d'être clair sur cette histoire de coups... Tenez, dites-moi, combien vous en comptez sur cette image ?
Bon, alors ça va.
A l'instar de FFI avant, de FFV et FFT après, FFIII reprend le système de Jobs caractéristique de la série en lui apportant quelques nouveautés (ou lui en retirant certaines, selon qu'on le compare avec ce qui a été fait avant ou après). Les classes sont plus variées en nombre que dans l'épisode fondateur de la série, en plus d'être interchangeables en cours de route ; mais elles sont aussi plus rigides que dans ces successeurs, en ce sens qu'on ne peut pas, par exemple, avoir un Viking adepte de magie noire. Chacun de ces Jobs a donc un usage spécifique et déterminé, du plus utile au plus futile, du Mage Blanc à l'Érudit (aussi appelé l'Analyste passif, ou le Pokédex ambulant, ou encore le truc qui peut ni attaquer, ni soigner, ni même se défendre, mais qui te dit si l'ennemi a un point faible au cas où cette information pourrait t'être cruciale au point qu'il serait ardu de s'en passer (ce qui concerne, en tout et pour tout, un, voire deux combats)).
Pour être honnête, je n'ai pas souvent eu recours aux changements de jobs, pour plusieurs raisons. Déjà, parce que le processus est chiant, et que pour switcher d'une classe à l'autre, il faut d'abord déséquipper manuellement tout équipement sur un personnage, et que c'est pas toujours évident vu que l'inventaire est limité à trente-deux objets max et qu'on retire pas jusqu'à cinq pièces d'équipement aussi facilement. D'où l'absurdité suivante :
Ensuite parce que cette bonne vieille équation du [Mage Noir + Mage Blanc + (Guerrier x2)] est toujours la plus efficace et la plus versatile des combinaisons, et que toute tentative pour en sortir se solde généralement par un cuisant échec et un inévitable rétropédalage, sauf en de rares occasions. Certains boss ou donjons sont, par exemple, pensés pour vous pousser à user d'un job en particulier, comme l'ami Garuda qui, en plus d'avoir trop d'un "da" pour être honnête (à mon sens), est d'une difficulté proprement infernale sans avoir, au préalable, cosplayé un si ce n'est tous nos Lumino-Guerriers en Chevaliers Dragons. C'est d'ailleurs dans ces cas-là que le level-design de FFIII nous révèle toute sa subtile magnanimité, en nous laissant accéder, éparpillés dans des coffres ci et là, à non pas une, non pas deux, non pas trois, non pas trois et demi, mais quatre panoplies intégrales des dits-chevaliers. Hum, attends, je vais essayer avec que des Érudits, on sait jamais...
C'est qu'il nous tire la langue, en plus... "Va au Bar d'Amur, ou je fais un malhur !"
Autre chose de plutôt pénible, l'ordre d'action. Pas encore de jauge ATB à l'heure de ce troisième opus, donc le tour par tour est des plus basiques. On rentre les actions de chaque perso, on regarde, et puis on les rentre de nouveau, d'une traite. Sauf que, petit bémol, l'ordre d'action est un tantinet aléatoire. Si, à priori, la vitesse d'action d'un allié par rapport à un autre allié est déterminée par la classe, encore que ce n'est pas une constante, rien ne dit en revanche qu'un ennemi qui a attaqué en dernier au tour n°1 n'attaquera pas en premier dès le tour n°2, alignant ainsi deux attaques consécutives. Quand on se trouve dans une situation délicate, c'est un peu agaçant. Par exemple, pour ressusciter un personnage K.O., on utilise une queue de phénix (bon ici une aile, mais comme dans le cochon, tout est bon dans le phénix), sauf que, si on a le malheur de la lancer trop vite, l'ennemi lance une attaque générale par dessus et pouf, on retourne se coucher avant même d'avoir eu le temps de prendre le petit-déjeuner.
Et puis, vous savez combien ça coûte une aile de phénix ?!
Rien.
Personne n'en vend.
Attention, un Cheval Enfoiré ! Les fameuses Emmentagnes à trous.
Côté histoire, c'est quatre guerriers de lumière qui s'en vont détruire la source du mal. En allant retrouver des cristaux. Ah, et puis y a des chocobos aussi. Et même des mogs et des invocations, une première ! Euh... Y a aussi des gens qui nous aident, et même que des fois, ils meurent, et des fois aussi, ils revivent, alors qu'ils se sont jetés dans les flammes trois jours avant et qu'on a cru naïvement qu'ils étaient morts parce que, après tout, pourquoi douter du fait que le feu ça brûle et que personne, ou presque, n'arrive jamais à en réchapper vivant ?...
Bref, y a un paquet de morts, mais pas autant que dans FFII, probablement le recordman de la série en la matière (rappelons que son remake GBA proposait une quête annexe dans l'au-delà, avec, pour protagonistes, tous les personnages décédés inopinément dans l'aventure initiale).
:'( Oh cool, un pokémon !
Une fois lancé, le temps passe finalement assez vite et l'histoire suit son cours sur un bon rythme. Pas d'allers-retours incessants, pas de détours imbriqués dans d'autres détours, pas trop de redite ou de "et si on retraversait trois fois le même chemin ?" comme, à tout hasard, un certain Breath of Fire II (ou comment parcourir la moitié de la map à pied avant d'être ramené en arrière comme une balle de jokari, pour finalement devoir retraverser cette map une fois de plus et subir le même inéluctable destin (mais bon, c'est génial qu'ils disent, la durée de vie est vachement longue ! (oui, j'ai du mal avec BoF2 (fin de la parenthèsception)))).
Non pas, ceci dit, que FFIII ne fasse jamais dans le détour ; la preuve en est certains designs de donjons tortueux voire sinusoïdals (surtout vers la fin, ceci dit).
Les monstres ! Les fourbes ! Les sadiques ! Les... Oh.
Ce qui nous amène tout naturellement à la fréquénce des combats, qui s'avère étonamment élevée. Mais précisons qu'il est tout aussi surprenant de voir un type nommé Cid nous refiler un aéronef, ahem.
Étant donné que les combats s'enchainent assez rapidement (trois secondes pour rentrer dans le combat, trois tours max pour en finir, trois secondes de tin-tin-tin-tiiiiin-tin-tin-tin-tintiiiiin), ce n'est pas un gros souci, pour peu qu'on sache à quoi s'attendre d'un RPG NES de 1990.
Non, le véritable problème se trouve ailleurs.
Plus bas.
Vous aussi, perdez un dixième à chaque oeil.
PAR COMBAT.
NE QUITTEZ PAS !
Votre article vous revient d'ici quelques lignes,
le temps de de placer cette vision infernale à bonne distance.
Ouf.
Bon, comme on approche de la fin de cet article, approchons-nous également de la fin du jeu. Et vu que le dernier donjon représente, à lui seul, un quart si ce n'est un tiers du jeu, il y en a, des choses à dire.
Profitons-en tout d'abord pour signaler l'absence pure et simple de tout point de sauvegarde dans les donjons. Le jeu vous traite comme un chien, c'est-à-dire qu'il vous faut attendre d'être dehors pour pouvoir satisfaire à vos besoins. Ce n'est pas si un gros problème que ça pendant l'essentiel du jeu, vu que les donjons sont relativement courts et se bouclent en, maximum, une petite heure (ce qui n'en rend pas moins le Game Over douloureux, c'est vrai). Et puis bon, sachant les risques encourus, on redouble d'attention et ça ne nous immerge que davantage dans les combats.
Attention, un Gérard Daémon !
Sauf que voilà, entre la dernière opportunité de sauvegarde et le boss final, comptez pas moins de deux heures de jeu minimum, avec tout ce que ça comprend de level-ups, de coffres ouverts, de boss battus, etc. Et si vous pensiez revenir en arrière pour enregistrer vos progrès, heurtez-vous à l'inefficacité du sort de sortie, ce qui, si jamais l'idée de perdre une heure pour sortir et une autre pour revenir vous ravit, vous oblige à faire marche arrière manuellement (enfin, pédestrement, à pied c'est quand même plus rapide que sur les mains).
D'ailleurs, passé un certain point, on ne peut tout simplement plus rebrousser chemin. Après que l'identité du véritable méchant se soit faite connaître.
Mais qui est donc cet aïeul des Kefka, Séphiroth, Ultimécia, Nécron, et autres tiques déiformes ?
C'est...
...une carotte ?
Ou, semble t-il, un nuage de machins noirs. Je sais pas, probablement du CO².
J'ai ouï dire (oui oui, j'ai ouï) que cette chose était l'un des boss les plus ardus de la série, que c'était un challenge d'un autre temps, une épreuve pour tout JRP-joueur qui se respecte. Alors, ni une, ni deux, j'ai pris mon courage à deux mains et...
J'ai fait une save state.
Ben oui, mais en même temps, j'ai autre chose à faire que de repasser deux heures à refaire exactement la même chose, mon bon monsieur.
En plus, c'était une mesure préventive, si je termine le jeu sans avoir à y recourir, tout va bien non ?
D'accord, tout va mal.
Le pire, c'est que ce dragon doublement entêté (car s'obstinant à me bourrer de coups à 7000+ de dégats. Et parce qu'il a deux têtes, aussi) fait partie des quatre boss facultatitfs qu'il convient néanmoins de battre afin d'atténuer quelque peu notre misère finale et de la priver, à priori, d'HP supplémentaires. Il faudra pour celà compter une heure de plus. Passé le point de non-retour.
Et donc, au final, qu'est-ce qu'il a de si terrible, ce petit gaz noir nihiliste ? Il nous pourrit d'altérations d'état ? Nous lance des sorts de mort instantanée ? Se régénère scandaleusement à hauteur de 9999HP tous les trois tours ? Se mure derrière une défense physique et magique impénétrable ? Fait planter le jeu ?...
Non, il se contente juste de nous balancer une attaque générale de feu.
En boucle.
Oui, c'est tout.
Et vous savez quoi ?...
ÇA MARCHE !
Pourquoi ?
Parce qu'on ne peut pas atténuer les dégats en s'équipant, par exemple, d'une armure appropriée.
Parce qu'il n'existe aucun moyen de soigner efficacement toute notre équipe d'un seul coup.
Parce qu'en deux ou trois attaques c'est fini.
Parce que ce #%§#$ d'ordre d'attaque.
Bref, parce que c'est de la puissance brute et qu'on manque des armes et des moyens défensifs suffisants pour la contenir. Une stratégie très efficace dans ce jeu, puisque c'était aussi celle de l'autre piaf. Que faire alors, dans ces cas-là, si ce n'est combattre la puissance brute par la puissance brute, sortir de sa hutte pour rentrer dans la lutte, négliger la chute pour éviter la rechute, troquer son contrat Matmut pour un bon gros Bahamut, et, enfin, toucher au but !...
Le tout, bien sûr, sur fond de Uematsu 8-bit endiablé.
(existe aussi en version remasterisée DS, enregistrée dans une forge)
Et l'infâme NES ravala dans ses ténèbres l'engence démoniaque à coups de traits horizontaux.
Ainsi s'achève cette petite nescapade d'un SNESophile PSonisé NESophyte. C'était bien. Les ambitions de ce FFIII n'étant clairement pas comparables avec celles de ses successeurs, il serait inapproprié, sans être irrespectueux, d'en faire un monument du genre. A l'échelle de la série, il s'agit avant tout d'une étape importante de son évolution, notamment pour ce qui est du système de jobs ; sans FFIII, pas de FFV, et sans FFV, pas de FFT. En soi, on y retrouve néanmoins tout ce qui fait l'attrait des épisodes pré-PS1, voire pré-FFVI : un classicisme efficace et le plaisir simple de jouer à un RPG bien construit, ni plus ni moins. Et avant de reconclure cet article de manière plus pompeuse et emphatique pour tester (car c'était là le test) ceux qui n'en liraient que le début et la fin, ou juste tout ce qui est en gras, je tiens à clamer haut et fort que j'ai désormais terminé les dix premiers FF (et non plus "les deux premiers plus ceux allant du quatre au dix", ce qui était un brin fastidieux à énoncer, rien de plus).
Pour conclure, donc, Final Fantasy III est l'une de ces oeuvres intemporelles injustement mises au placard et reléguées à l'état de petit jeu sympathique par le fait d'un remake bas de gamme. On le dit loin de ses illustres successeurs, plus proche du FF sympathique que du FF culte. Mais combien d'entre ces soit-disants chefs-d'oeuvres pourraient se targuer d'être écrits avec tant de justesse, combien de ces joyaux si éclatants ne terniraient-ils pas devant ce bijou d'ingéniosité et de game-design, combien de ces mélopées cristallines feraient-elles vibrer notre âme d'un frisson si exalté ? Si le décès fortuit d'une Aerith imprudente est passé à la postérité, alors, le sacrifice poignant d'une Elia désintéressée mérite, lui, et à l'instar de cette troisième fantaisie, les honneurs de l'immortalité.
Merci, Monsieur Sakaguchi, pour ce pur instant de lumière.
VERDICT :
10,5 / 10
(faute d'espace horizontal suffisant)