Star Wars KOTOR 2 est un RPG réalisé par Obsidian. Il fait office de suite directe au très estimé premier opus, qui avait démontré que l'univers de Georges Lucas est capable de s'épanouir avec succès dans le format jeu de rôle. Le second épisode nous fait traverser une fois de plus la galaxie aux heures passées de l'ancienne république. A noter que j'ai joué au jeu avec le mod TSLRCM qui ajoute un certain nombre de séquences scénaristiques et ludiques qui furent coupées au montage.

 

Le jeu nous fait incarner l'Exilé, un ancien général qui s'est allié à la rébellion contre l'ordre jedi à la suite des guerres mandaloriennes. Exclu de l'ordre, dépossédé de ses liens avec la Force, l'ex-jedi que nous dirigeons se réveille dans un vaisseau inconnu. La vieille ficelle narrative de l'amnésie nous permettra de découvrir l'individu que nous avons été et légitimera le harcèlement de questions que les PNJ devront subir pour que nous comprenions mieux l'univers au sein duquel nous interagissons. L'histoire nous mènera dans un quête vers la reconstitution des événements ponctuant notre participation aux dernières guerres qui ont mis à mal la République mêlée à une lutte contre la menace Sith qui ressurgit en des temps où les jedi ont mystérieusement disparus.

 

Je dois bien avouer ma surprise quant à la qualité du récit. Tout plein d'a priori que j'étais, craignant la répétition effrénée de gestes narratifs maladroits auxquels nous ont habitué les films, le scénario a su me convaincre par sa densité, son équilibre et ses touches de profondeur. KOTOR 2 est un jeu qui sait prendre le temps de construire ses personnages et veille à ne pas les négliger. Les personnalités que nous rencontrerons et qui nous accompagnerons se distinguent par leur hétérogénéité, par la diversité de leur rapport à la galaxie, à la Force et aux relations qu'il tissent avec le personnage principal. C'est d'ailleurs au joueur d'entretenir ces relations, de les nourrir et de les faire fructifier, car chacun des protagonistes est une énigme soigneusement entretenue qu'il faudra démêler en choisissant avec parcimonie les éléments de dialogues qui nous sont proposés. Cette aura de mystère qui entoure les personnages alimente continuellement la curiosité. Elle ne sera assouvie qu'à condition d'avoir cumulé suffisamment de points d'influence. Petit à petit, ils se dévoilent alors, ils relatent les passages souvent très sombres de leur passé, qui a été lacéré, étouffé, broyé par la guerre.

 

Le scénario ne peut pas échapper aux fondations de la mythologie Star Wars. Prisonnier de la gestuelle manichéenne côté lumineux/obscur, il l'est évidemment. Toutefois, le jeu tente de s'en défaire en complexifiant la trame, en injectant des doses de nuance, en démultipliant les enjeux. Au centre de cette mécanique, véritable clé de voûte de la narration, Kreia, peut-être le véritable personnage principal de cette épopée galactique ; une figure charismatique, ambitieuse, imperceptible, effrayante et néanmoins attirante. Elle ne cessera de chercher à s'affranchir des conventions sociales et éthiques établies par les jedi (et les Sith), de leur appréhension de la Force, et de leur schéma d'organisation de la galaxie. KOTOR 2 est un jeu bien écrit, qui réfléchit peut-être un peu trop sur lui-même (le récit aurait gagné en profondeur en opérant plus de renvois à notre réalité), mais qui démontre que le monde du jeu vidéo, plongé dans son désastre scénaristique, qui mêle trop souvent incompétence, immaturité et incohérence, sait parfois, dans un geste inespéré de lucidité, produire un texte de qualité. Obsidian m'aura définitivement convaincu de ses capacités d'écriture après avoir terminé Fallout New Vegas et ce KOTOR 2.

 

Seul bémol, la liberté de choix dans les dialogues est trop assujettie au clivage clair/obscur et ses conséquences en matière de gameplay : un penchant excessif vers l'un ou l'autre des extrêmes de la Force, stimulé par notre prise de position en ce sens vis-à-vis de nos interlocuteurs, génère son lot de bénéfices en combat. Autrement dit, la sélection des phrases parmi celles disponibles lors des discussions nous incite davantage à maximiser le côté de la Force vers lequel on souhaite se diriger, quitte à opter pour les options d'échanges verbaux les plus caricaturales, pour booster les compétences du personnage. En clair, envoyer chier tout le monde et se comporter comme un égoïste assoiffé de pouvoir en toutes circonstances est le meilleur moyen de basculer au plus vite dans le volet obscur de la Force et d'être récompensé d'un précieux bonus de dégât. L'appropriation du scénario par le joueur via les phases de dialogues à choix multiples est parasitée par la perspective du renforcement de la puissance de frappe.

 

Les différents aspects du gameplay révèlent certaines faiblesses. KOTOR 2 repose sur une sorte de tour par tour au sein duquel il est possible de programmer quatre de nos actions futures. Les combats autorisent la présence de deux coéquipiers dont nous pouvons prendre le contrôle et planifier également les actions. Grosso modo, deux formes de combat peuvent être adoptées : celle qui implique les armes de corps à corps (épées et sabres laser donc) et celle qui exploite les armes à feu. Cela étant, la surpuissance de la première substitue rapidement toute utilisation de la seconde. Dès l'obtention des sabres laser, l'usage des blaster devient vite obsolète tant l'arme jedi se distingue par sa puissance et sa précision. Par ailleurs, l'utilisation d'un nombre non-négligeable de pouvoirs de la Force est conditionnée par l'absence de port d'armure. Ça n'a pas beaucoup de sens et ça vide le système de combat d'un pan important de sa diversité. Le joueur, non-désireux de combattre en robe ou à poil sur le champ de bataille, optera donc pour la puissance brute alliée aux armures lourdes. In fine, on se retrouve avec une équipe de bouchers qui, sabre à la main et bave aux lèvres, exercera son génocide des sith sans grande subtilité dans sa façon d'en découdre. Et ça marche, l'option de la force physique décérébrée piétine les unités ennemies avec une facilité déconcertante, le mode difficile n'a dès lors de difficile que le nom. Ça a le mérite au moins d'être défoulant, d'une certaine manière.

 

Toutefois le jeu a ses pointes d'orgueil, quelques passages viennent ennuyer le joueur par une difficulté construite de façon plutôt idiote qui suscite un sentiment des plus étranges sur l'équilibre du jeu. Ils sont toujours les mêmes : dès que le joueur est momentanément dissocié de son personnage et obligé de ne jouer qu'avec un seul de ses équipiers pour des raisons scénaristiques (parfois complètement injustifiées), le calvaire commence. L'équipier, pour peu que l'on n'ait pas beaucoup pris soin de son développement, doit alors survivre face à un nombre parfois bien exagéré d'ennemis. Vider ses réserves de trousses de soin et avancer rapidement ou patienter longuement entre chaque affrontement pour que le personnage puisse se régénérer devient alors un choix irritant auquel nous sommes confronté. Si j'ai joué honnêtement ces phases de jeu pendant une partie de mes 45 heures de jeu, j'ai fini, sur la fin, par descendre la difficulté en mode facile lors de ces passages pour abréger au plus vite la souffrance.

 

Le deuxième opus des KOTOR reprend la structure de gameplay de son aîné, qui fut créé par Bioware. Si l'on reconnaît aisément leur signature, on ne peut s'empêcher de sentir la poussière s'amonceler sur l’½uvre lorsque l'on a joué à leurs titres les plus modernes. Et le plus sensible de ces éléments, c'est le système de commande des alliés. Non seulement le pathfinding est horrible, bloquant parfois les partenaires derrière une caisse en plein c½ur de l'affrontement, mais en plus, l'absence de « gambits » façon Dragon Age Origins amoindrit considérablement l'intérêt tactique du combat de groupe.

 

KOTOR 2 est un jeu très imparfait et quelque peu difficile à évaluer. Si le scénario est assez bien construit et constitue sans aucun doute l'aspect le plus intéressant du jeu, il est contrebalancé par un système de jeu qui, en fin de compte, manque à l'évidence d'épaisseur. Ce dernier a pourtant ce je ne sais quoi d'attractif, malgré ses failles. L'impression de puissance qui se dégage des combats trop simplistes conjuguée à l'effet toujours aveuglant pour le fan qu'implique l'usage d'un sabre laser doivent probablement contribuer, dans un sens, à faire pardonner, au moins partiellement, les faiblesses du système de combat. Du moins, c'est comme ça que je m'explique le plaisir que j'ai ressenti sur un gameplay que j'aurais très certainement torpillé avec beaucoup moins de retenue dans le test de n'importe quel autre jeu qui ne s'appellerait pas Star Wars et qui utiliserait un système de jeu similaire. L'inspiration artistique n'est pas toujours au rendez-vous, des planètes comme Nar Shadaa ne distillent pas vraiment le sentiment qu'elles sont censées déclencher (Star Wars TOR, le MMORPG, transformera beaucoup mieux l'essai à cet égard), mais d'autres sont mieux réussies, comme Dantooïne. Mais malgré tout ça, KOTOR 2, c'est quand même pas mal.