Il aura fallu 2 ans pour que Tales of Xillia atterrisse sur le vieux continent. L'Europe n'est visiblement pas le centre de priorité de Namco, quoique les choses semblent changer, les prises de consciences s'éveillent : nous aussi on aime bien les RPG. Xillia continue sur la lancée de Vesperia et Graces f dans la conquête du marché nécrosé du jeu de rôle jap de cette génération de consoles en bout de parcours.

Premier parti-pris opéré par Namco, le jeu propose de choisir entre deux personnages (Jude et Milla) en début de partie pour deux points de vue sur l'histoire. Du moins sur certains passages de l'histoire, les deux tourtereaux passant près de 90% de leur temps ensemble, les variations scénaristiques restent mineures. Le jeu nous plonge dans le monde de Rieze Maxia, un territoire rempli de magie et de créatures bigarrées, où les hommes vivent en communion avec les esprits, développent leur civilisation par l'emploi du mana et la maîtrise des artes (des magies, qui trouvent aussi leur utilité en combat). Les excès de grandiloquence du monarque du pays de Rashugal le conduisent néanmoins à développer une arme de destruction massive qui puise dans l'énergie spirituelle pour asseoir son pouvoir. La puissance ne s'obtient pas sans sacrifice : le mana des hommes et des esprits doit être aspiré jusqu'au point le plus fatal pour nourrir la machine de guerre. Milla Maxwell, qui, dit-on, est l'esprit fondateur de ce monde, se scandalise de ces sombres desseins. Protectrice des hommes et des esprits, elle décide de partir pour Fennmont afin d'y mettre un terme. Elle y rencontre Jude, jeune étudiant en médecine, qui, pris de court par les évènements, la suivra dans une aventure qui s'appuie sur l'écologie comme thème de fond.

Tales of Xillia ne brille pas par ses talents narratifs : le tout est plutôt convenu. La brochette de personnages que le jeu développe n'échappe à aucun stéréotype, que ce soit du côté de l'équipe ou de celui des antagonistes. On se prend même à parier sur quel archétype du RPG japonais sera construit le prochain protagoniste rencontré. Mais les clichés peuvent facilement être oubliés si la qualité d'écriture vient soutenir la présence des personnalités dans l'histoire. Cependant, Xillia n'excelle pas sur ce point non plus : les dialogues sont d'une banalité effrayante, mélangeant sans quelconque subtilité les gestes de niaiserie et les thématiques mielleuses communes à la saga et au RPG japonais en général (oui, cette fameuse force de l'amitié). Les répliques des personnages restent rarement en mémoire, l'humour ne fonctionne pas souvent, par contre on soupire régulièrement devant cette incapacité des scénaristes à sortir des mêmes poncifs narratifs et sur leurs difficultés à donner du souffle et de l'ampleur aux individus qu'ils construisent. Une voie sur laquelle ils avaient pourtant commencé à s'améliorer dans Tales of Vesperia. Mécaniquement, le manque d'intérêt véhiculé par les composantes du casting de Xillia fait ressortir leurs traits archétypaux, et fait plonger inévitablement la narration. Le récit en lui-même fait état, qui plus est, d'un manque de rythme extrêmement intense, souffrant d'une bonne quinzaine (voire vingtaine) de premières heures soporifiques, où l'histoire piétine, enchaîne les séquences sans intérêt et sans apport significatif pour la construction globale du scénario. La suite opère un véritable décollage : l'intensité des péripéties s'y fait plus voyante, plus sensible, au travers d'un plot twist qui, au passage, ne surprend personne pour peu que l'on connaisse un peu la saga Tales of (on se demandait surtout quand est-ce qu'il allait enfin intervenir). Cela étant, il est difficile d'oublier les premières heures pénibles, et la suite ne relève pas pour autant du génie non plus. Les blancs dans le scénario provoqués par la scission narrative entre Jude et Milla font par ailleurs perdre en lisibilité pour qui ne souhaite pas se refarcir le jeu une seconde fois. Ce choix de personnages laissé au joueur n'était clairement pas une bonne idée.

Techniquement, Xillia est un jeu plutôt inégal. Si les personnages sont plutôt bien réalisés, profitant de textures avantageuses et d'un dessin fin du visage, les décors sont plus à plaindre. Les environnements naturels sont tout juste dignes d'une PS2 : plats, peu détaillés, sans grand relief, et munis d'une végétation réduite au maximum. Les espaces urbains s'en sortent un peu mieux. Du clipping se fait néanmoins visible ainsi qu'un peu d'aliasing. Artistiquement ceci dit, ToX est à peu près une réussite. Concernant les acteurs du monde de Xillia, l'équipe bénéficie globalement d'un design plutôt réussi, mais il est dommage que celui des antagonistes soit si ridicule. Pour les villes cependant, Namco a frappé fort. C'est généralement un élément soigné des Tales of, mais ce Xillia les surpasse sur ce point. L'architecture des différentes cités fait toujours mouche, jonglant entre les influences, tantôt chinoises, tantôt tolkiennesques (Fennmont et Sharilton ont ce côté un peu elfique que l'on voit dans les villes du Seigneur des Anneaux). Elles sont soutenues par des compositions musicales honnêtes, qui ne marquent toujours pas le grand retour de Sakuraba au sommet de son art, mais témoignent d'un certain équilibre qui manquait à ses précédents travaux sur la saga. Il abandonne presque totalement son fatigant rock progressif pour un exercice plus éthéré et surtout plus varié. Ses créations orientales collent plutôt bien avec cette ambiance chinoise qui anime certains segment du parcours. J'ai été surpris de déceler, en fin de partie, des morceaux de jazz très réussis qui collent admirablement bien avec ce changement d'atmosphère qui caractérise les dernières heures de jeu. C'est une expérience à renouveler, je crois que c'est la première fois que j'entends du jazz dans un RPG, et il faut dire que ça s'harmonise assez bien.

Si le jeu présente des faiblesses en terme narratif, il en est tout autrement pour le gameplay. DR-LMBS pour Dual Raid Linear Motion Battle System : sous ce nom complètement débile se cache ce que je pense être le meilleur gameplay Tales of, du moins parmi les 4 ou 5 jeux de la saga que j'ai terminé. Reprenant le moule A-RPG de ses prédécesseurs, il présente néanmoins quelques singularités qui font son piment. Déjà, le dynamisme des affrontements a pris un coup de fouet par rapport à Graces : ça bouge vite, ça tape vite, ça explose vite, mais surtout, le recovery time des combos est nettement plus court que dans les aventures d'Asbel Lhant, c'est même à se demander s'il y en a toujours un malgré la présence à l'écran de CA (nombre de coups que l'on peut déclencher sur un combo). Mais la grande originalité de Xillia reste le système de liaison, qui permet de faire équipe avec l'un de nos trois coéquipiers, ce qui génère la possibilité d'attaquer conjointement un ennemi et d'utiliser des capacités spéciales de liaison dont il est nécessaire de les exploiter pour parer aux différents obstacles que nous dressent les adversaires. Les artes (capacités et magies) s'emploient comme dans Graces et Vesperia, au moyen des raccourcis joystick, cependant, un emploi continu de ceux-ci et des attaques de base contribue à remplir une jauge qui, une fois un de ses 5 segments remplis, permet de lancer un arte lié, puissante attaque combinée. Quand la jauge atteint son niveau ultime, les deux personnages liés entrent alors en mode saturation, ce qui leur permet d'enchaîner les artes liés les uns derrières les autres par le biais d'un QTE pas très difficile à saisir. La meilleure tactique d'attaque consiste donc à harceler l'ennemi de coups, de préférence en exploitant ses faiblesses élémentaires, afin de remplir le plus de jauges possibles et de délivrer un maximum de puissance, sous un déluge d'effets de lumières qui rendent les combats très colorés. La diversité des attaques n'est pas en reste, d'autant plus lorsque l'on change de personnage : chaque combattant a son propre gameplay, ses propres capacités, ses propres forces et faiblesses, autant d'éléments qui donnent une belle profondeur à ce Tales of comme aux autres, cette même profondeur qui rapproche indéniablement le gameplay Tales of des beat them all. Xillia allie avec talent vivacité et technicité. Seul point noir au tableau pour ce dernier, l'IA des alliés n'est pas toujours au top, leur manque d'agressivité est parfois flagrant. Le paramétrage du comportement de nos collègues de bataille est, de même, mal conçu car trop simpliste, l'accessibilité a certainement pris le dessus dans les désirs des développeurs. On est loin des gambits de FF XII ou du système équivalent de Dragon Age : Origins qui permettent de contrôler au millimètre près l'action des coéquipiers. L'utilisation des objets ne peut se configurer que sur « utiliser/ne pas utiliser » là où il aurait été appréciable de pouvoir déterminer quel objet doit utiliser tel personnage à tel moment du combat et en fonction de telle circonstance. De même pour les mages, impossible d'ordonner à Leia de lancer tel ou tel buff par le biais des stratégies prédéterminées, il faut prendre nous même le contrôle de la jeune fille pour arriver à nos fins.

Tales of Xillia n'est pas un grand RPG, c'est évident. Son scénario et ses personnages sont trop faibles, on sent aussi que le jeu a été coupé à la hache pour respecter les délais, raison qui finalement génèrera le lancement de production de Tales of Xillia 2 au sein duquel les développeurs ont intégré ce qu'ils n'ont pu mettre dans le 1. Cependant, ToX reste un bon jeu, muni d'un gameplay absolument génial et d'un monde agréable à parcourir. Il n'y plus qu'à attendre de voir comment le second opus va conclure l'épopée Xillia.