VVVVVV est un jeu
disponible sur Steam  pour la modique
somme de 5 € et qui a tout pour lui : un jeu fait par quasiment une seule
personne (Terry Cavanagh), doté d'un nom imprononçable et impossible à retenir,
d'un gameplay se résumant à trois touches, d'un level design utilisant 5 types
d'éléments différents, d'une réalisation technique datant de l'Amiga, et enfin d'une
durée de vie n'excédant pas trois heures. Face à cette entrée en matière d'un
côté et à ma note ainsi que le sous-titre du test de l'autre, vous vous dites
probablement : « VVVVVV ? WTF ? ». Je m'explique.

Le cockpit d'un vaisseau en plein milieu de l'espace. Tout est
tranquille dans l'équipage de celui-ci, quand soudain, l'écran tremble. Le
vaisseau vient d' « entrer en collision avec une interférence ».
Tout le monde évacue par le téléporteur situé à l'arrière (vous vous demanderez
peut-être pourquoi ils ont besoin d'un vaisseau spatial si ils ont un téléporteur,
sachez que moi aussi). Vous et les cinq autres membres de votre équipage se retrouvent
dispersés aux quatre coins du cosmos, et c'est à vous, le capitaine Viridian
(chaque membre de l'équipage portant le nom de la couleur dans laquelle il est
dessiné), qu'incombe la mission de réunir tous vos coéquipiers et de résoudre
le petit problème dimensionnel qui se pose à vous.

What gamers
want

Le gameplay est très simple : vous pouvez bouger à
gauche et à droite, et inverser la gravité (vers le bas ou vers le haut)(et ce uniquement
si vous êtes au sol). Vous rencontrerez durant vos pérégrinations cosmiques
cinq types d'éléments : piques, ennemis, plateformes amovibles ou qui s'effritent,
et des lignes qui inverseront elles-mêmes la gravité quand vous les toucherez.

Sauf que voila, comme dans la plupart des jeux indés, c'est
le level design qui fait tout. Chaque niveau est nouveau, représente un
challenge différent, parfois une énigme, parfois un véritable test de skill,
mais on s'étonnera toujours de ne pas se lasser une demi-seconde de ce jeu.
Entre les niveaux qui scrollent automatiquement (l'écran monte dans le niveau,
c'est à vous de le suivre), le court passage en coopération ou le Gravitron (60
secondes à éviter des projectiles, alors que vous êtes ballonné entre deux
lignes gravitationnelles comme un carré de Pong)(ou une balle de ping-pong, peu
importe), on ne s'ennuie pas dans VVVVVV, et la nouveauté nous attend toujours
au coin de la galaxie.

Double
référence

Le titre VVVVVV est peut-être une référence à Megaman V,
dans lequel un niveau nous permettait d'inverser la gravité à plusieurs
reprises, mais le jeu en lui-même est une double référence à Trauma Center, et cela
tout d'abord dans la précision chirurgicale (!) qu'il demande parfois. Ainsi,
si les niveaux demandant de la réflexion ne sont pas d'une complexité folle,
même s'ils sont d'une finesse non négligeable, VVVVVV n'est pas loin du jeu
hardcore. Le jeu a la bonne idée d'afficher en fin de partie la salle qui fut
la plus assassine dans le jeu, ainsi que le nombre de morts qui s'y sont
produites : 127 en un seul tableau pour ma part, près de 1000 au total. En
3-4 heures. Là se cache la seconde référence à Trauma Center : c'est
sanglant.

Seulement, même face à l'extrême complexité du jeu,
VVVVVV ne nous décourage pas : le spawn est immédiat, et un checkpoint
vient sauver (c'est le cas de le dire) votre position toutes les cinq secondes
(et je n'exagère pas). Enfin, notre personnage à très peu voire pas d'inertie,
ce qui rend le jeu beaucoup plus simple à manier qu'un Super Meat Boy, même si
les subtilités de gameplay en seront forcément moins présentes. Le jeu est de
plus très agréable à manier et assez dynamique, plaisir qui nous pousse à
continuer, en plus des très fréquents points de soulagement que sont les
checkpoints. Et on en a bien besoin, sans quoi le jeu de Terry Cavanagh serait
quasiment infaisable.

2011 :
L'odyssée de VVVVVV

Un autre des points sur lesquels le soft séduit, c'est par
son ambiance. Eh oui, ça peut paraître étonnant, mais VVVVVV est un jeu à
ambiance. Tout d'abord, car c'est un jeu d'exploration. Les niveaux ne s'enchaînent
pas les uns les autres : c'est à nous de trouver les entrées des parties
du laboratoire de recherche où ont atterri d'autres membres de notre équipage.
La recherche reste cependant et heureusement relativement simple et rapide. Les
environnements extérieurs regorgent de petits passages absolument inutiles mais
tellement amusants à explorer ... Enfin, étant donné que l'on ne peut inverser la
gravité que quand on touche le sol, les chutes parfois vertigineuses (mais sans
danger) renforcent la sensation de vide intersidéral de ces phases.

Les graphismes, on l'a vu, sont réduits au minimum.
Cependant, le jeu arrive ici aussi à créer son ambiance, et pour s'en
convaincre, il suffit de voir une fois l'un de nos protagonistes prendre l'air
triste, avec le bruitage de circonstance. Mais au-delà de cela, on remarquera
le travail de Terry Cavanagh sur l'esthétique du jeu malgré les limites
techniques qu'il s'impose : chaque niveau parvient à créer son atmosphère
propre, alors que le jeu ne fait que dessiner les contours de quelques formes
géométriques basiques.

Un autre point intéressant dans les graphismes du jeu de Terry
Cavanagh, ce sont les ennemis. Entre des Yes et des No à éviter, de la fumée
qui sort de la cheminée d'une usine et qui est aspirée dans une autre cheminée,
ou encore des Truth bien lents et tournant en rond face à des Lies qui sortent
à toute vitesse d'un haut-parleur pour aller jusque dans une caméra, les
ennemis une ... Comment ça ? Non, ils n'ont pas des noms bizarres, mes
ennemis ! Ce sont bien des mots et des formes qui bougent et que vous devrez
éviter de toucher sous peine de mort immédiate ! Bref, les ennemis
participent eux aussi à l'ambiance parfois assez particulière de VVVVVV,
dessinant parfois un large sourire sur notre bouche.

Ainsi
parlait Viridian

Le dernier gros point fort du soft, c'est sa musique, composée
en 8-bits, c'est-à-dire comme à l'époque de l'Amiga, totalement exaltante,
créée par SoulEye, et que vous pouvez retrouver sur Itunes sous le nom de
PPPPPP. Celle-ci, particulièrement rythmée, parfois épique, parfois presque
aussi sautillante que de la J-Pop, prenant souvent des accents de conquête spatiale,
et qui ne baisse pas d'une demi-once de qualité du début à la fin du jeu.

Je cherche
toujours le rocher noir ...

Le scénario, enfin, n'est volontairement que peu approfondi :
on reste assez superficiel quand aux détails techniques sur les différentes
dimensions : il y a un endroit où l'on peut régler le problème, où l'on
ira à la fin, et c'est tout ce que l'on doit vraiment absolument savoir. On
peut cependant découvrir quelques détails (quelques) sur les recherches des
scientifiques occupant la station, leurs craintes, etc. D'un autre côté, les
dialogues avec l'équipage, très simplistes, sont souvent également assez
touchants par cette simplicité. En fait, ce ne sont que des braves gars que l'on
connaît bien, et qui s'inquiètent pour nous comme on s'inquiète pour eux. Au
final, la narration, même si elle n'est pas loin de son plus strict appareil, n'est
pas pour autant dénuée de qualités, même si ce n'est pas LE point fort du jeu.

Mais, c'est
pas un peu court ?

Si. 3 heures de jeu, ce n'est pas long, même si ce sont
trois heures très intenses. Je resterais réservé sur l'utilité des modes de
jeux annexes (principalement des contre-la-montre). Sachez aussi que vous
pouvez ramasser 20 bibelots brillants (littéralement) disséminés à travers le
monde de VVVVVV, étant chacun l'aboutissement d'un challenge de plus en plus
durs (voire quasiment impossibles pour certains). Vous pourrez bien vous
occuper trois heures de plus avec ça.

Cependant, il ne faut souligner le travail de Terry Cavanagh :
étant donné que l'on passe en moyenne une dizaine, une vingtaine de secondes tout
au plus sur chacun des tableaux du jeu, à une vingtaine d'exceptions près,
combien de tableaux cela fait-il en tout ? Beaucoup, vous n'en douterez
pas. Je pense donc qu'il faut tout de même relativiser, sans l'oublier
toutefois, cette concision extrême face à la dose de boulot déjà fournie par le
développeur anglais. Et du bon boulot en plus.

VVVVVV ne
révolutionne rien, il ne réinvente rien, ne remet rien en cause, n'ébranle
aucun mythe vidéoludique : c'est juste un trip, court mais intense, assez
unique, et parfaitement bien fichu. Malgré son gameplay simpliste, le jeu s'illustre
par un level design aux petits oignons et une ambiance spéciale et réussie, le
tout accompagné par une bande originale extatique.