Avouons-le, quand Far Cry 3 Blood Dragon a été leaké, on a tous cru au poisson d'avril. Far Cry 3 dans un univers kitch à souhait, bercé par la lumière des néons et la musique électro des années 80, c'était too much, même si l'idée semblait complètement folle, et donc séduisante. Et puis la news tombe, Far Cry 3 Blood Dragon n'est pas une blague.

Assez rapidement, j'accroche au côté totalement barré qu'Ubisoft a donné à son jeu. Etant née à la fin des années 80, je fais encore partie du public directement visé par l'esprit de ce stand alone. Les films avec des scénarios, acteurs, effets spéciaux absolument cheap et se déroulant dans un futur post-apo particulièrement improbable, j'en ai vu. Aujourd'hui, cette ambiance, ces couleurs, ces musiques réveillent de vieux souvenirs dans la tranche 25-35 ans des joueurs. Ajoutons à cela le gameplay de Far Cry 3 que j'avais beaucoup apprécié, une bonne dose d'humour et une autodérision très marquée, et on obtient un jeu très divertissant qui vaut la peine d'être joué.

Oui, tout le jeu est aussi coloré. C'est un parti pris assez tranché : On aime ou on déteste

On va passer très rapidement sur le gameplay qui, stand alone oblige, est relativement proche de celui de Far Cry 3. FPS assez nerveux, le jeu se démarque par sa grande liberté et l'importante souplesse de son gameplay. On note néanmoins quelques nouveautés comme la quasi disparition de la partie « jeu de rôle » avec la disparition des arbres de compétence (qui n'étaient pas spécialement bien foutus dans Far Cry 3), la fin de la mort par chute (notre héros est un cyborg : même pas mal après une chute de 100m) et l'élément le plus intéressant, l'apparition des Blood Dragons, des ennemis à manipuler avec précaution. Grosso modo, rien de bien révolutionnaire, et clairement ce n'est pas l'objet du jeu. Si vous avez détesté le gameplay de Far Cry 3 (ça reste rare), passez votre chemin, sinon vous n'avez aucune raison de ne pas aimer.

On comprend rapidement que l'esprit est complètement barré...

Tout l'intérêt de Blood Dragon repose sur sa direction artistique. Visuellement, musicalement et scénaristiquement, ce jeu est complètement fou, et c'est bien pour ça que je l'ai apprécié.

Visuellement d'abord, on en prend plein la vue. Non pas en termes de graphismes, mais en termes de couleurs. On a juste l'impression d'avoir déboulé dans Tron tellement tout est fait à base de néons. Que ce soient les dragons, les crocodiles qui brillent de l'intérieur, les faisceaux lumineux dans le ciel (type bat-signal) ou l'arc en néons, tout vous rappelle des films des années 80 comme Tron, Robocop, Terminator ou Aliens. On passe probablement par toute la gamme des fluos : On aime ou on n'aime pas, mais personnellement cette vision dépassée et absolument kitch de la Science-Fiction telle qu'elle était conçue dans les années 80, j'ai adoré ! C'est surtout un parti pris assez osé et qu'il faut reconnaître à Ubisoft. En tout cas visuellement ça claque, même si c'est au prix d'un manque globale de luminosité du reste des décors (l'île est dans une pénombre permanente, ce qui permet de faire ressortir les éléments lumineux du décor). Les ennemis ont un design Daft Punk plutôt sympa, mais sont assez génériques et se limitent à 3-4 versions (soldat de base, sniper, blindé lourd, blindé lance-flamme) auxquels s'ajoutent les fameux Blood Dragons, beaucoup plus intéressants car particulièrement coriaces. Visuellement on a donc un jeu qui ose, un jeu qui détonne, et un jeu qui sort de ce qu'on a l'habitude de voir en jouant sur notre corde nostalgique.

Les ennemis (très Daft Punk) manquent un peu de variété

Mon autre coup de cœur aura été la musique. Véritable hommage à la musique électro des 80's, elle colle parfaitement à l'ambiance et fait clairement partie de ces musiques que je réécouterai en dehors du jeu. On se croirait dans une boite disco de l'époque, avec des boules à facettes bien kitch. Mention spéciale au thème principal du jeu bien entrainant qui rythme par ailleurs toute la dernière mission. Un mot du voice acting, plutôt dans le ton, c'est à dire ultrakitch. On sent que tous les acteurs ont pris un plaisir fou à surjouer pour coller au scénario très WTF du jeu.

Le scénario justement, c'est l'autre gros point fort du jeu. Il a été écrit comme une véritable apologie des nanars de l'époque et en comprends tous les ingrédients : Le héros sévèrement burné, la fille fragile à sauver, le méchant complètement fou et surtout le monde a sauvé d'une apocalypse certaine. Ici le cyber-commando Rex Colt devra donc empêcher le Colonel Sloan, son ancien supérieur, devenu fou, de vaporiser du sang de Blood Dragon sur la planète et provoquer une mutation généralisée de l'espèce humaine. Le tout se passe donc en 2007... le 2007 telle qu'il aurait pu être imaginé dans les années 80 bien sur ! Bref, c'est n'importe quoi, mais c'est délicieusement fou et irréverencieux. Nanar oblige on a droit à de sérieux moments de WTF, le plus dingue étant quand même la dernière mission. Mais il n'y a pas que les vieux films qui en prennent pour leur grade, les jeux aussi. Le tutorial est un extraordinaire doigt d'honneur à ces sessions d'apprentissage que l'on doit subir encore aujourd'hui en commençant un jeu. Le jeu est ainsi bourré de références et de piques à Assassin's Creed, Pirates des Caraïbes, Terminator, et autres classiques du cinéma et du monde vidéoludique. Et j'avoue, ça fait du bien de voir une bonne dose d'autodérision. Alors j'ai pu lire par ci par là que l'humour du jeu pourrait avoir du mal à passer. Certes il faudra apprécier le 15ème degré et les bonnes blagues bien salaces mais j'ai retrouvé un niveau d'écriture digne de Borderlands 2 dans ce jeu. Maintenant à vous de voir si ce genre d'humour vous hérisse le poil, parce que si c'est le cas, ne commencez pas Blood Dragon !

Le scénario est monstrueusement débile... et c'est ce qui fait toute la saveur de Blood Dragon

Néanmoins,  si Blood Dragon est une parenthèse fun qui vaut le coût d'être jouée, je dois avouer que les sensations n'ont pas toujours été au rendez-vous. Abordons donc les petites déceptions. Tout d'abord, le jeu est trop sombre ! Alors ok ça fait partie de la DA, et ça permet de faire ressortir les couleurs fluos du reste du jeu mais c'est au détriment de la sensation d'exploration qu'on avant dans Far Cry 3. Dans Blood Dragon, je n'ai pas retrouvé cette envie d'explorer, de trouver les collectibles, tout simplement parce qu'il n'y a pas de paysages, de mystères, de jungle. Tout et trop sombre et je trouve que ça nuit à l'ambiance plus que ça ne lui apporte en termes de DA. Une des conséquences indirectes, c'est que le jeu est assez court. Je parle ici bien sur de la campagne qui dure entre 3 et 4h. Si j'avais eu l'envie d'explorer l'île, de tout libérer (comme je l'ai fait dans Far Cry 3) et de retrouver tous les objets, j'en aurais eu pour 10h, ce qui reste plus qu'honorable pour un jeu à 15 EUR. Il faut être honnête, cette durée faiblarde est plus un avis subjectif qu'une réalité.  Seulement, le gameplay très peu différent de Far Cry 3 et une univers qui n'incite pas à l'exploration font qu'on se concentre sur la campagne qui, du coup, est un poil courte.

Attention, c'est aussi un jeu extrèmement bourrin !

Finalement mon avis est presque mitigé (ça ne veut pas dire grand chose...), parce que  j'ai aimé le ton totalement irrévérencieux, la DA originale bien que trop sombre, et que je reste un grand fan du gameplay nerveux de Far Cry 3. Mais à côté de ça, le jeu perd en sensation ce qu'il gagne en identité. Je n'ai pas eu envi d'explorer l'île, ni d'étendre l'aventure au delà de la campagne un peu courte. Au final, Blood Dragon doit être vu comme une parenthèse, une aventure musclée, totalement politiquement incorrecte, qu'il faut vivre à 100km/h, un peu comme une soirée nanar entre potes avec quelques bières. Et c'est probablement dans cet esprit de franche déconnade qu'il a été voulu et conçu.