NOTE : l'article a été rédigé initialement par bleubleubleu pour Numericity.fr 

Otto Dix est un artiste allemand principalement connu pour ses images de la première guerre mondiale, pour avoir été choisi par les nazis
pour leur exposition l'art dégénéré, pour quelques pièces
inspirées de grands peintres (Goya, Grünewald) et parce que ses toiles
sont suffisamment simples à expliquer à un public d'adolescents et
qu'elles permettent de lier son cours à celui de la jolie prof
d'histoire à l'étage du dessus...

Amanita Design est un petit studio tchèque spécialisé dans le Flash, auteur de quelques web games remarquables comme Samorost ou Questionaut, bien évidemment basés sur le principe du click and play. Le dernier jeu du studio et le premier à connaître une diffusion plus large, Machinarium, est l'occasion d'un lien entre les deux médiums, sur cet écran précisément.

Un bar tranquille avec une seule table, où l'on pénètre depuis la rue sur un air de bossa. Le taulier surveille ses clients (et son tonneau d'huile) de ses yeux
lumineux, en essuyant des verres derrière le comptoir. Des pots et des
bidons sont disposés sur les étagères. Un robot esseulé, attablé sous la lumière, propose des parties de puissance 5 pour passer le temps.
Sur la droite, une porte fermée à clef découvre si l'on regarde par son
hublot, un groupe de trois personnages, la mine rétive, tous trois
coiffés d'un bonnet noir, assis avec nonchalance autour d'une table,
d'une bouteille de vin et d'une partie de cartes.

La composition rappelle immédiatement celle d'une toile célèbre de Dix, les joueurs de cartes. Le peintre représente trois anciens combattants, des "gueules cassées", en train de jouer aux cartes autour d'une table. Tous trois sont
défigurés, borgnes, manchots et cul de jatte. Le personnage de gauche
utilise un long cornet acoustique qu'il pose sur le bord de la table
pour remplacer son oreille perdue, mais il lui reste une jambe et un
pied avec lequel il tient ses cartes. Le joueur du centre les tient lui, entre ses dents, du moins, il les coince dans sa mâchoire mécanique. Au milieu de tous ces beaux attributs, dentiers, yeux de verres et
prothèses, le personnage de droite porte la croix de fer de l'armée
allemande sur le revers de sa veste bleue. Dix est un ancien combattant
lui-même mais il ne montre pas de compassion pour ces infirmes; il
montre leur laideur, leur bêtise et leur vanité.

 

L'image se mêle parfaitement à l'univers robotique de Machinarium plus junk que futuriste, fait de tôles déglinguées, de peintures écaillées, de vis tordues et d'écrous.
On trouve régulièrement des emprunts à l'histoire de la peinture dans le
jeu vidéo, par exemple, des toiles de Vélasquez et Botticelli encadrées
dans le manoir de Resident Evil 4 ou une certaine esthétique inspirée de Mondrian dans Mirror's Edge. Mais plus rarement ce genre de réinterprétations; et plus rarement encore avec une telle justesse.

 

bleubleubleu

Numericity.fr