Article initialement publié le 01/09/2010 sur Numericity.fr par notre contributeur ippo
Aujourd'hui, Internet - et sa myriade de sites spécialisés - nous offre gracieusement accès aux images, vidéos, interviews et autres débats autour d'un jeu vidéo bien avant sa mise sur le marché. Pour le joueur passionné, c'est à la fois intéressant, excitant et jubilatoire. Mais ce flot continu d'informations est alimenté avec une telle vivacité que le Net tout-puissant nous aura progressivement fait perdre cette saveur si particulière d'autrefois : vous savez, cette petite chose qui se nomme spontanéité, ou naïveté. Souvenez-vous, lorsque, enfant, vous faisiez totalement fi du risque lié à l'incertitude, propulsé par votre seule intuition avant de passer à l'acte d'achat.
Mais les temps ont changé, et nous avec.
Ainsi, se laisser emporter par une décision uniquement guidée par l'illustration d'une simple jaquette pendouillant nonchalamment sur les traverses métalliques d'un rayon de grand magasin, cela appartient définitivement à notre passé... de la même manière que découvrir un jeu dont on n'avait pas ou peu entendu parler et le désirer ardemment à la seule vue d'une image ou d'une bribe de vidéo : c'est devenu rarissime.
Pourtant, en ce beau mois de décembre 2009, PixelJunk Shooter, développé par le studio indépendant Q Games, s'éleva au rang des exceptions d'antan.
Un nom apparu au hasard d'une navigation sur le net, un clic puis l'apparition soudaine de l'image colorée d'un petit vaisseau se mouvant dans des couloirs étroits. Ensuite, l'enclenchement d'une vidéo montrant en quelques instants tout le potentiel attractif de ce shoot them up mâtiné de puzzle game (ou l'inverse, au choix). Un coup de foudre comme à la vieille époque. Non pas à partir d'une anodine jaquette, il est vrai, mais c'était finalement tout comme : une poignée d'images et une courte vidéo auront suffi à nous faire ajouter le soir même ce PixelJunk Shooter dans le panier virtuel sur le Playstation Store ; et trépigner d'impatience pendant le court téléchargement de ce dernier, avant de pouvoir, enfin, y goûter.
PixelJunk Shooter est donc le fruit d'un mariage peu commun entre shoot them up et puzzle game, en simplifiant et en malaxant une partie des aspects de ces deux genres.
Aux commandes de notre vaisseau, il nous faudra secourir les scientifiques perdus dans des galeries souterraines en les alpaguant au moyen de notre grappin. Mais ce gruyère cache quelques embuscades d'ennemis locaux plus ou moins retords, sur lesquels il faudra tirer quelques salves bien senties afin de les anéantir.
Simple.
La faune locale sera représentée par de faibles mais toujours regroupées chauves-souris, en passant par ces espèces de grosses vessies crache-lave, pénibles à souhait, sans oublier de turbulentes bestioles en forme de scie circulaire qui traverseront en large et en travers l'écran afin d'y creuser des tunnels... et pourquoi pas, nous faire exploser à leur contact.
Le déplacement dans l'espace de notre frêle esquif volant pourra se faire sur 360° au sein d'un plan en deux dimensions par le biais du stick analogique gauche, tandis que le droit servira à diriger précisément ses canons offensifs.
Fort heureusement, en plus de son tir standard (dont il faudra parfois frénétiquement user et abuser pour vaincre nos opposants), il est également possible, en maintenant enfoncée pendant quelques secondes la touche de tir, de concentrer notre puissance de feu et ainsi de charger quelques missiles avant de les expédier au nez des adversaires et les réduire ainsi en poussière... de pixels.
Pour nous donner un peu de répit, on trouvera ça et là un bouclier de protection qui pourra être ramassé dans l'optique de renforcer notre défense (oui, c'est un bouclier !) contre les assauts ennemis... mais surtout pour résister plus longtemps face à la réponse piégeuse de la toute puissante Dame Nature.
Car l'essentiel du gameplay repose sur les interactions avec l'environnement. Un environnement hostile, parcouru par des gaz flottants ou des matières en mouvement dont les températures extrêmes peuvent fragiliser notre fuselage au cours d'une trop longue et trop proche exposition.
Ainsi, en fonction des niveaux arpentés à la rescousse des mignons scientifiques (qui n'hésitent d'ailleurs pas à nous faire des petits signes de la main pour attirer notre attention, et nous amadouer), le vaisseau que nous dirigeons sera sensible à un élément (lave, eau) et pourra expulser son contraire.
Et c'est alors que reviennent en mémoire les enseignements fondateurs, utiles pour bien appréhender les mécanismes physiques du jeu. Vous savez, comme cet hymne qu'interprétaient les Top Boys, le boys band parodique emmené par Charly et Lulu (ça, c'est de la véritable culture !) : « Le feu ça brûle et l'eau ça mouille ». La base de tout...
Oui, mais ce qu'ils ne savaient pas, malgré toute leur évidente érudition, c'est que l'eau projetée sur des coulées de magma en fusion avait l'avantage de les solidifier afin de les rendre parfaitement immobiles, et donc inoffensives. La croute ainsi formée pourra faire office de barrage pour détourner une coulée dérangeante, mais il sera également possible d'en arracher des morceaux à l'aide de notre grappin à tout faire.
Nous pourrons ainsi nous frayer un chemin pour, enfin, délivrer nos petits amis amoureux de la science. Mais, malgré toutes nos précautions, il arrivera forcément à un moment ou à un autre qu'un tir trop vite redoublé finisse par inadvertance sa course sur un de ces petits bonhommes. Ou alors qu'un mauvais jugement de réaction en chaîne les fasse terminer dans un bain de lave. Leur dernier bain, pour le coup. Par pure mégarde, promis, juré !
D'un autre côté, déverser du liquide brûlant sur une surface gelée fera fondre tout naturellement cette dernière afin, là encore, de nous permettre de ramener à la maison les malheureux scientifiques de l'extrême - ces Fred et Jamy en devenir. Alors effectivement, « c'est pas sorcier » (clin d'œil culture, bis) de comprendre et analyser ces interactions physiques évidentes même pour le profane, ce qui confère une prise en main (et de décision) rapide et instinctive.
Par contre, au fur et à mesure de notre avancée dans les niveaux supérieurs, certaines habilités deviendront plus « vicieuses ».
Car si le gaz jaunâtre qui circule dans quelques niveaux, semble, de prime abord, tout à fait bénin, il faut quand même avouer qu'il fut surprenant (surtout la première fois) de constater que ce dernier était explosif au contact d'une intense source de chaleur.
Dans un même ordre idée, disposer d'une coque magnétique qui repousse la matière noire dont la polarité lui est opposée, demande au joueur de réfléchir à ces interactions avec un peu plus de finesse et de dextérité.
On prend alors conscience que PixelJunk Shooter propose un challenge à la difficulté progressive et parfaitement réglée. Chacun des trois mondes est subdivisé en tableaux dont la résolution n'excèdera jamais plus d'une poignée de minutes. La maniabilité -jamais mise en défaut- de notre engin, ainsi que la cohérence des interactions entre les fluides, intuitive et quasi-instantanément intelligible, font qu'il n'arrivera à aucun moment de prendre soudainement l'envie de jeter sa manette, ce qui tend à prouver que la difficulté globale du titre lui permet très certainement de proposer ses plaisirs au plus grand nombre... à l'exception, peut-être, des affrontements contre les Boss de fin de niveau. Gigantesques et malins, ces derniers pourront donner un peu plus de fil à retordre, au regard du reste du jeu. Mais rien de bien insurmontable non plus !
Enfin, même si PixelJunk Shooter s'avère court pour parvenir à son générique de fin, la quête des 100% rallongera ce plaisir ressenti à arpenter ces méandres labyrinthiques. Pour y parvenir, il faudra s'assurer du sauvetage de tous les scientifiques (dont certains sont bien cachés) ainsi que de la découverte puis de la récupération de toutes les pierres précieuses à l'aide du grappin. Ces dernières sont parfois enfouies dans des zones véritablement tordues... et souvent à l'intérieur même de la matière. De quoi susciter l'envie de recommencer encore et encore les différents niveaux pour les fouiller de fond en comble.
Seul point noir dans cet oasis de plaisir coloré : l'environnement sonore et musical se révèle malheureusement être assez pauvre et rébarbatif.
Mais pour 8€, il serait mesquin de faire la fine bouche, non ?
Car au final, PixelJunk Shooter s'avère remplir parfaitement son rôle : aguicheur par son esthétique, vif et fluide par ses mécaniques de jeu, et faisant appel à la fois à notre dextérité et à notre jugeote. Ces quelques heures passées aux commandes du petit vaisseau jaune auront toutes été accompagnées d'un sourire dessiné sur notre visage, signe extérieur d'un plaisir simple et sincère éprouvé à tenir la manette entre les mains. C'est d'ailleurs avec enthousiasme et impatience que sa suite (d'ores et déjà annoncée) pointe le bout de son nez afin que nous puissions remonter dans cette navette pour déjouer cette fois-ci les pièges de l'obscurité, des acides et autres sucs gastriques... sans craindre, même l'espace d'un instant, un quelconque risque d'indigestion.