Un article ancien, perfectible, qui n'a pas d'autre but que de faire écho (modestement) au dossier rédigé par Kaminos sélectionné par la rédaction et intitulé Uchronies vidéoludiques, faisons le point!

La fin de la deuxième Guerre Mondiale a vu
commencer le début de la Guerre Froide. C'est une période d'extrême
tension, où l'apocalypse nucléaire pouvait survenir à tout moment. En
1991, l'implosion de l'URSS met fin à la guerre froide et permet aux
Etats-Unis d'étendre leur idéologie sur le monde. Le principe de Freedom Fighters, c'est de proposer une réalité alternative à celle précitée :
créer une uchronie. Et si cela ne s'était pas passé ainsi ? Imaginez que L'URSS termine la seconde guerre mondiale en lâchant sa bombe à
Hydrogène sur Berlin, gagnant le conflit et la course à l'armement.
Etendant son idéologie, elle annexe l'Europe, l'Asie, L'Amérique du Sud. L'étau se resserre autour des Etats-Unis, dernier lieu exempt de
l'idéologie communiste, avant de subir une attaque fulgurante.

 

Ambiance de Guerilla

Le début de l'aventure commence quand Christopher Stone, plombier, est pris dans l'attaque surprise de l'armée soviétique dans
les rue de New-York. Prenant les armes, il devient résistant dans une
ville en proie au chaos et à la destruction.
Bien que jeu d'action
assumé, Freedom Fighters soigne ses attraits, par la présence d'un
scénario fort bien réalisé pour ce type de jeu et de toutes les
références qui découlent du postulat initial. Inutile de dire que cela
ajoute une profondeur à l'univers, aux personnages et dessert une
histoire palpitante au cœur de la résistance. Effectivement, Freedom
Fighters suit le destin d'un homme tout à fait banal, qui va devenir
l'emblème de la résistance états-unienne. Au fur est à mesure des zones
débloquées, vous aurez des extraits des journaux télévisés soviétiques,
ironique à souhait, percutants et faisant état de vos sabotages contre
l'autoritarisme du géant rouge. On retiendra des répliques aussi drôles
qu'immondes comme le général Tatarin qui déclare à la presse que « tous
les rebelles seront exécutés après un procès équitable ». A mourir de
rire...
En plus de la mise en scène, merveilleusement bien
travaillée, l'ambiance de New-York assiégées par les forces soviétiques
offrent un rendu très intéressant et très réaliste. C'est l'ambiance
guérilla. Imaginez vous, un instant, dans les rues de New-York, désertes en fin d'automne, les fameux taxis jaunes abandonnés, réutilisés comme
des simples palissades de protection, les bâtiments détruits, abris de
fortune, le bourdonnement des hélicoptères au dessus de vos têtes,
menace permanente, les tours de guets soviétiques aux carrefours,
braquant projecteurs et mitrailleuses... L'ambiance et l'atmosphère de
Freedom Fighters est un très gros point fort du jeu et l'on se plaît à
jouer au résistant dans cet univers parallèle. La musique, elle aussi,
colle parfaitement à l'action avec des chants du cœur de l'armée rouge
soutenus par quelques basses électroniques et permet au jeu de surfer
sur deux époques.
Le level design du jeu est également une très bonne surprise. Effectivement, les zones, bien que closes, sont suffisamment
vastes pour contenter le joueur. Qui plus est, le jeu ne contraint pas
le joueur et le laisse libre dans ses choix d'aborder les différentes
situations, en proposant en outre de nombreuses solutions et de
nombreuses options.
Si esthétiquement le jeu est irréprochable,
techniquement, il accuse parfois quelques faiblesses. Dans l'ensemble,
le jeu se trouve dans la moyenne des productions des consoles 128 bits.
On peut quand même regretter les sortes de « coutures » blanches qui
relient parfois les différents éléments du décor. L'aliasing,
persistant, ne gène pas outre mesure. La distance d'affichage est bonne
malgré des décors vides (surtout en intérieur) ou peu détaillés.
Toutefois, le constat est tout à fait honorable et le moteur graphique,
le « glacier », tient ses promesses. C'est plus le design du jeu qui
séduit que sa technique pure. C'est toujours mieux que l'inverse.

 

Gameplay

Abordons maintenant le gameplay du titre, qui
réserve un aspect novateur très agréable pour le joueur. A chaque zone,
correspondent plusieurs missions disponibles simultanément, liées entre
elles. Les actes commis dans l'une auront une répercussion dans une
autre. Par exemple, pour couper la surveillance aérienne d'une mission,
détruisez l'héliport dans une autre. Sabotez un pilonne électrique pour
couper l'énergie d'une base soviétique dans une mission, pour en voir
les conséquences dans une autre. Evidemment, ces choix ne dépendent que
du jugé du joueur et de sa stratégie. Avec ce principe, le jeu évite la
linéarité. C'est l'une des qualités essentielles du jeu.
Autre
qualité principale, le système des recrues. En accomplissant des
objectifs, principaux ou secondaires, le héros reçoit des points de
charisme. Une fois à cent, vous pourrez recruter une recrue
supplémentaire. Le nombre des recrues est limité à douze. Arpenter les
rues avec sa petite armée est un véritable plaisir, et sentir toute la
puissance de feu de son escouade est particulièrement gratifiant. Il
est possible de donner des ordres à son équipe, de manière individuelle
ou globale. Les ordres se limitent à Attaquer, défendre ou vous suivre.
Si le nombre d'ordres est restreint, éloignant le jeu d'un véritable jeu stratégique,, il est possible de les donner de manière spatiale et donc de décider de placer un de vos coéquipier là ou bon vous semble dans
votre champ de vision. En ce sens, il faut voir ce système comme étant
plus tactique que stratégique. Basique mais pratique, on arrive à
réussir des séparations de groupes, des guet-apens, des replis et des
offensives efficaces. Toutefois, il ne faut s'y méprendre. Freedom
Fighters ne joue pas sur le même plan que les Rainbow six, Ghost recon
ou Socom. Freedom Fighters est un jeu d'action, où l'on improvise des
tactiques simples, sortes d'improvisations dans les rencontres
meurtrières avec l'armée rouge, nécessitant une rapidité de réaction. Io interactive assume ce gameplay oscillant entre de l'action pure et dure et un peu réflexion, et, au final, propose un cocktail détonant.

 

Quelques regrets au sujet de l'IA et de la maniabilité

Le jeu, malheureusement, n'échappe pas à des
défauts. L'intelligence des adversaires comme des alliés est assez
aléatoire. Effectivement, vous serez surpris de la lucidité des
différents protagonistes, ennemi ou ami, comme de leurs actes insensés
menant malheureusement souvent à leur mort. Par exemple, vous verrez
assez souvent un allié sortir d'une tranchée pour attaquer une base tout seul et mourir fatalement. Des actes « d'héroïsme » que le joueur
aurait pu se passer.
Au niveau des déplacements, on peut regretter un système de visée trop classique et un peu lent. Si cela n'est pas si
grave, Ce qui l'est plus, c'est le nombre de mouvements limités. Si vos
alliés se cachent au coin d'un mur, s'allongent pour mieux viser ou se
dissimuler, vous ne pourrez pas les imiter, vos mouvements étant bridés à seulement bouger, tirer et s'accroupir. On aurait aussi aimé accomplir
une roulade qui aurait permis de faire volte-face.

 

Un mot sur l'idéologie du jeu

Nous ne pourrions terminer ce texte sans aborder -
même si nous l'avons exprimé sous le terme « d'ambiance » - l'idéologie à laquelle peut se référer le jeu en utilisant l'uchronie. En effet,
comme nous l'avons noté, le jeu ne manque pas d'humour et laisse une
part belle à la critique du totalitarisme... qui n'est pas seulement
celui des soviétiques. En effet, nous pouvons voir plusieurs exemples,
comme la fameuse parodie de la propagande américaine « I want you »
réappropriée par l'armée rouge. En procédant de la sorte, à travers le
totalitarisme soviétique peut être critiqué les Etats-Unis. Nous
pourrions même aller jusqu'à nous demander si l'habituel et usuel
conflit de la guerre froide ne s'amuse pas à inverser les deux camps :
l'URSS serait l'hyper-puissance américaine et les USA la résistance
soviétique. Et pour le jeu, laisser en apparence, pour que cela soit
acceptable par l'opinion générale, l'habituel camp vainqueur aux mains
du joueur.
Cela étant dit, cette inversion, qui ne reste qu'une
hypothèse, ne peut-être confirmée de façon claire. Car pour les joueurs
les moins alertes, le jeu reste un jeu d'action au manichéisme prononcé
(le hissage du drapeau américain pour terminer une mission, ou la
mission finale - qui est une mission bonus - dont le but et d'atteindre
la tête de la Statue de la Liberté), qui verse dans la parabole
christique (assez en vogue dans le Hollywood actuel d'ailleurs). Le
héros, qui s'appelle Christopher, est un héros à
l'origine modeste, un sans grade qui va sauver le pays. Il sera vite
porté par les résistances comme l'élu. L'oppression des soviétiques peut même aller à nous faire penser à la présence romaine dans l'actuelle
Palestine où le Christ vécut. Les résistants à convaincre par des
exploits qui augmentent le charisme du joueur, qui se limitent
d'ailleurs à douze, peuvent-ils être mis en rapport avec des apôtres
d'une doctrine ?

Au regard de cela, il est difficile d'établir avec
certitude ce que les développeurs ont bien voulu pouvoir dire à travers
leur jeu, bien qu'il ne manque pas d'humour et de second degré. Ce
manque de clarté, s'il a l'avantage de rendre le jeu politiquement
correct, peut être assimilé à un manque de courage ou au mieux, à une
certaine facilité (du second degré dans le bon sens du poil). Le jeu a
au moins le mérite d'interroger un jeu sur ses symboliques et ses
significations là où d'autres sont si grossiers qu'ils ne laissent que
peu de doute quant à l'idéologie sous-tendue.