Pour apprécier Fable II, il faut le comprendre à l'envers. La quête principale n'est qu'un prétexte, un fil ténu mais conducteur, ayant pour rôle de structurer le jeu. Mais la quête principale est bel et bien annexe. Ce qui importe dans Fable II, c'est tout ce qui est habituellement secondaire.

Tout ce qui fait l'attrait d'un jeu et a fortiori d'un RPG, comme le scénario, la qualité de ses donjons ou le système de combat ne sont pas au rendez-vous. Le scénario, dans sa dimension "narration linéaire" est réduit à son minimum syndical, les donjons ne proposent aucune exploration et aucun boss digne de ce nom. Le système de combat, quoique construit sur de bonnes bases, est d'une exécution pleine de maladresses et d'imprécisions.

Quand on regarde le CV de Peter Molyneux, le fantasque créateur de la saga, on remarque qu'il est obnubilé par une certaine forme de gestion, en témoigne son tout premier jeu "The Entrepreneur". Une dimension que l'on retrouve facilement dans "Populous" ou "Black&White" pour ne citer que les jeux les plus célèbres de l'artiste. La saga Fable est de cette lignée.

Ainsi, ce qui constitue le cœur du jeu, c'est de vivre sa vie de héros dans un univers sympathique et drôle : Albion. C'est un peu l'histoire ordinaire d'une femme ou d'un homme qui exerce un métier, plus qu'une destinée. Gestion de vie de héros oblige, tout tourne autour des choix et des possibilités, argument principal du jeu.

Choisir entre le bien et le mal est le plus important des choix (sans doute l'un des jeux qui proposent le plus de "choix douloureux"), certes, mais ce sont les autres qui amusent le plus : choisir un petit boulot ou devenir bandit, réaliser telle ou telle tâche, se marier, fonder une famille, acheter une maison et/ou devenir un magnat de l'immobilier, effectuer quelques quêtes secondaires, ramener un cadeau pour l'âme sœur, faire développer ou s'écrouler une économie d'une région etc.

Hélas, ces paramètres sont intégrés avec plus ou moins de réussite. Et après quelques heures d'étonnement devant l'originalité, on tombe rapidement face à des limites évidentes. L'exemple le plus probant est celui des relations humaines : il suffit de gesticuler ou d'offrir des cadeaux pour obtenir les faveurs d'à peu près n'importe qui. Tout cela, à cause de la manie de quantifier les sentiments humains par des jauges.

Pourtant, on pourrait dire que la "magie opère" pour peu que l'on soit role-play, parce qu'en faisant abstraction des évidents défauts d'exécution, rien ne vaut le plaisir sain de se lever un matin après une nuit d'amour, d'aller se chercher de nouveaux vêtements dans la boutique d'en face et de se faire une nouvelle coupe de cheveux, d'offrir un autographe à un enfant, d'entendre un barde chanter une aventure réellement vécue par le joueur devant une foule béate, de devoir esquiver cet individu transis d'amour, d'offrir un bouquet de fleurs fraîchement coupées à l'âme que l'on courtise, d'investir dans le stand de la marchande de primeurs dans le but d'acheter cette ferme à Oakfield, idéale pour être redécorée. Et tout cela, avant d'accepter sur le coup de midi un contrat de mercenaire provenant du Shérif, un travail qui vous mène dans une région inconnue, où, le soir, un homme vient vous accoster à la taverne et vous reconnaît, parce que la réputation a déjà précédé le joueur.

Bref, Fable II donne à vivre une vie quotidienne et banale de héros d'un monde fantastique, à travers tous ces petits détails. Et la présence du chien, qui d'un point de vue pratique n'est rien de plus qu'un radar, donne l'impression, dans les champs fleuris d'Albion, d'incarner un promeneur du dimanche en campagne, à humer l'air du temps, tel un flâneur.