Final Fantasy IX (FFIX) est le dernier épisode sur PlayStation et le dernier opus pour le créateur
original de la saga : Hironobu Sakaguchi. Sorti le 16 février 2001 en
France, soit un an après la sortie de la PlayStation 2, FFIX
clôt la « trilogie » PlayStation. Il est toujours plus difficile de
convaincre quand les regards se tournent déjà sur une nouvelle
génération de console. Pour ce dernier épisode sur la console de Sony,
Hironobu Sakaguchi avoue que FFIX est son opus préféré.
Plongeons dans son œuvre favorite...


     Après deux épisodes aux allures futuristes, Final Fantasy étonne et détonne littéralement par son choix graphique.
Fini la course à la réalité. Cet opus laisse de côté les formes épurées
de Final Fantasy VIII pour se recentrer sur un monde féodal
plein de fouillis, de maisons asymétriques, de grosses dalles usées, de
tuiles en quinconces, de rues biscornues, de bois usés, de ruines
oubliées. Ainsi, chaque ville semble porter sur ses épaules sa longue
histoire que ne rateront pas de vous conter les passants, badauds,
marchands, gardes, plaçant petit à petit le background de l'univers. Et
force est de constater que cela ajoute de la vie dans ces sublimes
tableaux en 2D qui ont à peine vieilli depuis.
De retour à un monde féodal à retour aux sources d'une saga, il n'y a qu'un pas que
Squaresoft (aujourd'hui Square Enix) a allègrement franchi. Voulant se
recentrer sur l'esthétique des premiers Final Fantasy (et plus
globalement de l'esthétique 2D), FFIX n'hésite pas, malgré la
technique déjà disponible offerte à l'époque, de nous présenter des
personnages en SD (pour Super Deformed, soit une grosse tête sur un
petit corps). Qui plus est, les personnages représentent davantage les
archétypes du romanesque, du voleur Don Juan, à la princesse enlevée, en passant par le chevalier loyal, l'orpheline ou le bandit de grands
chemins.

 

     Ces rôles établis et tranchés permettent alors à FFIX de créer la différence avec son prédécesseur, en réinstaurant le
système de classe des personnages. Djidane, le héros, est membre d'une
troupe de théâtre mais surtout voleur. Il n'aura pas les mêmes aptitudes au combat que Steiner, le fidèle chevalier de la princesse par exemple. Cette dernière, nommée Grenat, sera spécialisée en magie blanche (magie curative) et en invocations, le mage Bibi, lui, le sera en magie noir
(magie offensive) et ainsi de suite pour les autres personnages. En
parlant des combats, abordons le nouveau système des furies qu'on
avouera peu inspiré. Le personnage remplit une jauge de transe selon les attaques qu'il porte ou qu'il reçoit. Une fois remplie, le personnage
peut déclancher des attaques spéciales qui consommeront la jauge de
transe jusqu'à son épuisement. On regrette que ce système soit un peu
aléatoire, puisque dans les faits, il suffit d'attendre. Qui plus est,
comme la jauge est cumulative d'un combat à l'autre, il n'est pas rare
d'entrer en transe contre des ennemis bien inoffensifs.
Le dernier
opus du cycle PlayStation montre également une certaine continuité,
puisque FFIX est l'héritier du système de combat nommé ATB, pour Active Time Battle : un système de combat au tour par tour qu'il
étoffe encore. Première pour ce système de combat, le joueur peut placer jusqu'à quatre joueurs pour affronter ses ennemis, décuplant alors les
stratagèmes lors des combats. Par contre, il n'hésite pas à intégrer des petits dialogues en plein combat qui permettent de stimuler le joueur
et de lui rappeler les enjeux du scénario.

 

     A propos, nous ne pourrions terminer sans nous
intéresser à l'histoire, élément capital pour nombre de joueurs de JRPG, puisqu'elle détermine souvent s'ils termineront l'aventure. Au-delà de
l'aspect parfois naïf qui se dégage des personnages (que nous
apprécions), FFIX aborde des thèmes graves, comme si la
représentation pourtant humoristique de la tragédie du Roi Lear de Shakespeare au début du jeu n'était qu'un sombre présage (pour dire
vrai, cette pièce résonne dans tout le jeu par bien des aspects). Si
l'histoire peine parfois à s'envoler et que des moments de creux
s'installent de temps à autre dans cette longue épopée, on ne peut
pourtant nier le grand travail scénaristique (et du fan service intelligent, comme des combats entre chimères !). Dramatique à souhait, rares sont les villes qui échappent à la dévastation. Qu'il ne reste
plus que d'anciennes ruines, comme le village d'Esto Gaza, de villes
anéanties par des attaques cinglantes comme Bloumécia ou Clayra, ou
encore de capitales touchées en plein cœur comme Alexandrie ou Lindblum, FFIX place son scénario dans la destruction, donc la mort. Et
c'est bel et bien le thème prépondérant du jeu.

     Dès la fin du premier disque (le jeu en compte
quatre), le joueur est confronté à l'échec cuisant de ses personnages
face à un ennemi implacable. Faces contre terre, sous une pluie
diluvienne, le jeu renforce ainsi le drame par cette mort symbolique.
Mais c'est sans doute Bibi, le candide mage noir qui représente le
personnage le plus intéressant et... attendrissant. Au départ simple
pantin crée parmi tant d'autres pour servir de machine à la solde de
Kuja, le vilain du jeu, il a soudainement acquis une conscience (ou une
âme ?) comme n'importe quel être humain. Maladroit, terriblement
attachant parce qu'innocent, il ne cessera de se poser la question sur
ce qu'est la vie, la mort, sur ce qu'il doit faire de sa vie et de son
libre arbitre, maintenant qu'il en a conscience de soi, des autres et du monde. Comme le monstre du docteur Frankenstein, c'est la « machine »
qui se révèle la plus humaine ou la plus sentimentale, celle qui se pose les questions existentielles. Au final, c'est le personnage le plus
torturé. Des questions auxquelles Djidane, le héros, sera confronté lui
aussi vers la fin de l'aventure. Le personnage de Freyja permet une
autre vision de la mort. Chevalière d'une tribu de dragons, elle
disparaît aux yeux de son aimé quand il lui avoue n'avoir plus de
souvenirs d'elle. Une mort dans l'oubli.
Le jeu ne coupe pas non
plus à une reprise de la théorie de Gaïa, une planète vivante, souillée
par un mal étrange, qui se meurt jour après jour, dont sa santé est
symbolisée par un grand arbre. La théorie de Gaïa sera reprise dans le
film Final Fantasy : les Créatures de l'Esprit, un film auquel
Hironobu Sakaguchi a directement pris part. Le thème de la mort est
également présent dans Lost Odyssey, sa dernière création. En
effet, le héros, Kaim, est un immortel, une autre façon de le confronter aux vies des autres mortels, donc à la mort, à travers les rencontres. A noter que le thème de la mémoire est également présent. On peut donc
désormais facilement imaginer pourquoi FFIX est le Final
Fantasy préféré de son créateur : il concorde au plus près des
préoccupations de l'homme.

 

     Au final, on peut dire que FFIX est un
épisode qui se compose d'antagonismes qui s'accordent plutôt bien. D'un
côté, il reprend une esthétique moyenâgeuse perdue depuis deux épisodes, au style doux et enchanteur, avec également des personnages à fleur de
peau, naïfs et idéalistes. De l'autre, il pose un propos grave, mature,
parfois pessimiste, où l'aventure est jonchée d'évènements graves aux
conséquences désolantes. Cet habile mélange confère à FFIX une
saveur unique, à la fois nostalgique des premiers épisodes et descendant direct de ses deux prédécesseurs sur PlayStation. Et si nous aurions
souhaité que les combats gagnent en dynamisme, sans doute le point par
lequel FFIX impressionne le moins (le système de combat sera
revu par Final Fantasy X), il s'impose assurément comme un
classique du J-RPG.