Warren Spector, l'immense, le grand, Spector l'infini, Spector le génie. C'est affublé d'une quantité astronomique d'adjectifs mélioratifs qu'un grand nom du gamedesign organise son retour dans la scène vidéoludique.
Concepteur révolutionnaire, on lui doit notamment le fabuleux Deus Ex qu'il serait de mauvais ton de présenter, d'autant plus que sa suite résolument bling-bling pointera le bout de son nez courant 2011.
Il ne servirait à rien également de rappeler aux gamebloggers/gamebloggeuses à quel point System Shock I & II, précurseurs du genre FPS/RPG berceront, terrifieront, traumateriseront, sublimeront ou émerveilleront toute une génération de joueurs dans la fin des années 90. De vraies propositions, une direction artistique inspirée tant dans son scénario que dans l'ésthétisme de jeu, Spector libère le joueur de son éternel carcan vidéoludique et condisère a l'instar de quelques-uns de ses compères (Chris Avellone) le média comme un réel transmetteur d'art et d'émotions et parvient de ce fait à l'élever plus que jamais vers des sphères hautement respectables.
C'est donc en prenant des risques que Spector inscrit son nom, non dans le livre des morts, mais bien sur les murs d'un panthéon vidéoludique bouché mais pourtant tristement dégarni. C'est donc avec une grande quantité de bave (coulante pour les envieux, sèche pour les anxieux) que l'on attendait le clinquant retour de l'ex-Dieu, bouillonant d'impatience à l'idée de se prendre une nouvelle leçon de gamedesign ou alors tout simplement tremblant de devoir tirer un trait sur l'un des plus grand du jeu vidéo occidental.
Curiosité Mal placée ?
Venons-en au sujet, car si son concepteur est important, le produit l'est tout autant puisqu'il s'agit ici de Disney Epic Mickey premier né du nouveau studio de W.S : j'ai nommé Junction Point.
A première vue un hybride inquiétant, les teasers et les artworks proposés au cours du développement avaient sans nul doute l'avantage d'ébaucher un univers glauqui-steamPunk de toute beauté, et mis donc l'eau à bouche aux quelques éventuels détracteurs.
Le produit final n'avait rien de bien séduisant, puisque les images dévoilées dans les salons et autres news events semblaient avoir été bridées par Disney, il était donc légitime de se demander si le reste de la liberté créatrice et artistique du studio avait été similairement traîté.
Mais trève de polémique, il est là, il est beau et il se présente banalement sous la forme d'un action/aventure.
Une fois la partie démarrée, on retrouve notre bon vieux Mickey sous l'effet d'une récente lecture de Through The Looking Glass de Lewis Caroll (autrement dit une dose de LSD)
qui décide, nouvellement fasciné par les miroirs, de tenter de passer à travers celui de sa chambre parce que quand on est une star Disney, on ne se refuse rien.
C'est chez Yen Sid, magicien de Fantasia, que celui-ci se retrouve propulsé pendant quelques minutes, plus qu'il ne lui en faut pour réduire la maquette de DisneyLand à néant à cause du fameux dissolvant. Penaud et peu assumant de ses actes, il retourne sur ses pas pour aller dormir après avoir laché sa bombe comme si de rien n'était, Disney-Style.
C'était alors sans compter sur les représailles du Fantôme, immense créature de dissolvant engendrée par Mickey qui la happe quelques années plus tard dans l'étendue de peinture décolorée qu'est le WasteLand.
Mélancoliquement réferencé
Après une intro riche en émotion et une première impression graphique plutôt bonne, on est très vite assailli par les défauts du jeu, problème de caméra, début très assisté, l'inquiétude monte, la sueur descend.
Mais ce serait une des plus grandes erreurs de ce siècle que de s'arrêter à ces deux premières heures et de ne pas profiter d'un jeu qui au final, s'avère être un excellent produit.
L'occasion, une fois la pilule avalée, de découvrir une direction artistique et un univers travaillés, riches et diablement nostalgiques. C'est avec un soucis immense du détail que sont délivrés la plupart des niveaux d'Epic Mickey, je pense précisement à la montagne des déchets qui permet de revisiter dans l'ambiance d'une gigantesque décharge une bonne partie des différentes incarnations de la star-souris Made in U.S.A.
Des joueux des années 40' aux jeux vidéos Mickey (Mickey Mania/Magical Quest), il règne ici un climat hallucinant de nostalgie mélancolique sublimée par une des meilleures bandes-sons de ces dernières années. qui offre au joueur une vraie vision de l'univers triste dont il est question.
Epic Mickey or Evil Mickey ?
Tragique également puisque Mickey est responsable du Grand
Chambardement, qui a plongé leur monde dans la désolation, traitement
intéressant de la question puisque l'avatar n'est ici plus chapeauté par l'immaculée pureté Disney qu'il a l'habitude d'incarné mais se trouve
bel et bien projeter en tant que responsable de l'élément déclencheur.
Muni d'un pinceau, de peinture et de dissolvant, il parcourera alors le
Wasteland pour tenter ou non de rémedier à ces actes
Car ce ne serait pas du Warren Spector s'il ne laissait pas la possibilité au joueur de s'approprier le level-design ou le destin de son personnage; ne nous emballons pas on est loin de la révolution d'un Deus Ex ou des possibilités vertigineuses d'un fallout 2. N'empêche qu'on se trouve bel et bien devant l'effort de concilier plusieurs publics à la fois, sans se moquer ni de l'un ni de l'autre, les enfants risquent d'ailleurs de se retrouver un peu confus devant ce Disney glauque et bourré de réferences que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaîîtreuuh.
Le gameplay propose donc des choix aux joueurs, la possibilité de terminer méchamment une quête avec du dissolvant ou de façon honnête grâce à la peinture, les deux matériaux symbolisant ici de toute évidence le Bien et le Mal. Ils sont d'ailleurs utilisables assez facilement puisqu'une simple pression de la touche Z du nunchuk permet d'asperger de dissolvant tandis que le bouton B de la wiimote vous servira a rendre des couleurs à un univers déchu. Plusieurs fins sont accessibles selon la direction des actions du joueur et opère même un changement physique sur Mickey qui adoptera une posture plus ou moins machiavélique.
C'est du roots !
Mickey ne pose pas de problème majeur quant à son déplacement et peut même effectueur une attaque tournoyante façon Mario en agitant la télécommande, il souffre cependant très (trop) fréquemment d'une caméra extrèmement capricieuse voir complètement stupide qui systématiquement se retrouvera bloquée sur le coin d'un mur ou vous imposera tout simplement un champ de vision d'une logique implacable comparée à votre situation.
Soyez au courant qu'il s'agit là du plus grand défaut d'Epic Mickey si ce n'est une prise en main un peu brouillonne au départ et une gestion des sauts hasardeuse, les angles de vues portent un coup violent à l'expérience de jeu. Le contenu est pourtant bel et bien là et propose une aventure très hybride, à mi-chemin entre un Banjo/Kazooïe et un Kingdom Hearts dépréssif. On retrouve d'ailleurs étrangement la sensation des jeux de plates-formes 3d oldschool de la nintendo 64, on pensera à Tonic Trouble ou Mario 64; avec un level-design alambiqué mais surtout une ambiance, un trait de caractère.
C'est cela que détient Epic Mickey, une âme, des tripes, et on se rend compte lorsque l'on joue à un tel jeu, que ça fait bien longtemps que les développeurs ne font plus d'efforts pour faire plaisir à son joueur, se décortiquer l'anus pour en sortir une ligne créatrice innovante, une direction artistique forte et originale; c'est précisement pour cela qu'Epic Mickey mérite le coup de coeur, car il offre une expérience de jeu qui nous manquait.
Ce n'est pas non plus le prix de l'innovation ni en aucun cas une révolution quelconque, puisque le jeu propose une progression très classique par l'intermédiaire de toile de projection qu'il faut alimenter avec des étincelles d'énergies, un peu comme les portes et les étoiles de mario 64. Ces toiles font office de portail pour passer d'un niveau à un autre et profitent de ce laps de temps pour faire parcourir au joueur un court niveau en 2D du plus bel effet, retraçant un classique de l'animation disney, et si cela paraît rébarbatif au début, on a vite fait de considérer ces passages comme un oasis de fraîcheur tant leur réalisation est réussie. Quant aux étincelles d'énergies, on peut les récupérer en terminant des niveaux, en les achetant dans le shop du coin ou en rendant service aux habitants de Mean Street, la ville principale du WasteLand.
Epic Mickey offre une microscopique dimension rôliste dans la mesure où il inclut dans son gameplay plusieurs quêtes annexes d'intêret variables mais qui ont pour quelques unes le mérite de proposer des bribes de nouveau gameplay le temps de quelques minutes (Horace le détective), définitivement pas un élément majeur du jeu mais une fraicheur bienvenue qui permet en plus d'étoffer une durée de vie déjà très honnête en ligne droite (une bonne quinzaine d'heures), qui se double largement si l'on veut débloquer tous les secrets et récupérer les contenus; à savoir les broches cachés et les succès.
Un jeu étonnant, réferencé de toutes parts, développé avec passion de l'animation et amour de la mascotte, qui vous fera traverser un Small World shooté aux acides et un discoveryLand en proie à une I.A diabolique.
Qui vous fera rencontrer un lapin bâtard et dépressif extrèmement attachant, un Robot-Dingo, Horace, Clarabelle, et quelques autres étoiles perdues.
Qui vous permettra de redonner couleurs à tous ce qui vous entoure ou au contraire d'en éradiquer tout le spectre.
Un jeu entier, complet qui aurait facilement pu postuler pour le podium des jeux Wii s'il n'avait pas était entaché par son résidu de caméra et sa position un peu entre deux chaises, d'un côté bridée par les consignes de production du géant D, de l'autre débridée par l'esprit machiavéliquement dérangé d'un génie du jeu vidéo.