Ce qu'on observe lorsqu'on prend la série Final Fantasy dans son ensemble, c'est que chaque épisode, souvent très bons, n'est tout de même pas dénué de ses petits défauts. Mais ces zones d'ombre s'effacent tout de suite si l'on juge l'ensemble. Néanmoins, j'aimerais quand même souligner un point qui est présent, systématiquement, à chaque épisode, et qui noircit considérablement le plaisir de jeu.
Vous ne le sentez pas? Comme un antagonisme, un affrontement frontal entre les scénaristes, les directeurs créatifs; et les game designers. Dans cette équipe de développement, aussi talentueuse soit-elle, les deux parties ne trouvent jamais un terrain d'entente, si bien qu'ils restent dans un équilibre très nuisible. Je m'explique :
L'objectif des scénaristes et directeurs créatifs est de plonger le joueur dans une histoire souvent riche, l'immerger dans un univers souvent complet et foisonnant, l'attacher à des personnages travaillés, le tout dans une histoire qui, but ultime, devra être suivie jusqu'à la fin, sans temps mort. L'objectif des game designers, eux, est de faire le "jeu" à proprement parler. En d'autres termes, faire en sorte que le joueur reste le plus longtemps possible devant sa console. Et ça passe par des challenges, des combats difficiles, des objets rares à collecter, des manipulations en tout genre (ateliers de créations d'objets, d'armes, d'accessoires), récolte d'objets rares etc...
Le problème, c'est que ces deux objectifs se rencontrent et ne se marient pas très bien ensemble. Au final, qu'à-t-on? Une aventure réellement intéressante en tout point de vue, seulement le game design nous empêche de la parcourir de manière agréable, voire nous empêche d'en voir la fin. Prenons un exemple : dans Final Fantasy VIII, on suit donc l'histoire de Squall et Linoa, et on nous parle de sorcières, de voyages dans le temps, de relations... En règle générale, on arrive vers la fin sans trop de heurts... jusqu'à ce qu'on se confronte à des boss (la révélation vient toujours des boss) incroyablement difficiles, qui posent un véritable barrage à la progression et qui, à terme, nous font lâcher le jeu. Dans FF VIII, c'est la partie entre le CD 3 et 4 où on assiste à un véritable marathon de boss (Raijin/Fujin/Anakronox/Seifer/Adel/sorcières etc...) tout à fait improbable, absurde (et j'ai envie de dire ridicule).
En ce qui me concerne, je pars du principe que lorsque j'achète un jeu, je n'ai pas forcément acheté aussi le guide officiel, ni fais des recherches poussées sur le système de combat et d'évolution, ni demandé des conseils et des astuces pour savoir les pièges à éviter, les objets à ne pas rater, les choses à absoluement faire et à absoluement ne pas faire... J'achète et je joue, c'est tout. Et comme je ne suis confronté à aucune difficulté jusqu'à la fin, alors je ne fais pas attention et j'avance. Car en effet, souvent, les débuts sont relativement simples, jusqu'à un moment charnière qui conduit le joueur au désespoir : je suis arrivé là, je n'arrive pas à passer cet obstacle ; si j'avais fait du level up à tel endroit, si j'avais récolté cette arme rare, si j'avais fait cette quête annexe, si je n'avais pas raté cet objet, si je m'étais plus interessé aux mécanismes... Ca vient sans crier gare. Vraiment. Et bien souvent, on ne peut tout simplement plus retourner en arrière, et c'est le piège (heureusement il y a toujours un moyen de s'en sortir, mais bonjour la galère). Et puis après tout, même si l'ont peut retourner en arrière faire cette quête annexe, aller chercher cet objet, aller se faire ce level up ; sincèrement, qui en a envie? Nous sommes arrivés si loin, c'est tellement décourageant. C'est qu'on était pris dans le feu de l'action, on était complétement immergés dans l'histoire, on voulait savoir ce qu'il se passait ensuite, derrière cet obstacle, au moins connaître le dénouement ! Alors quoi? Alors le jeu nous oblige à faire du level up, via diverses manières (citées plus haut), mais du level up quand même, tueur d'immersion, et souvent très long. Une authentique purge.
Au final, il faut donc une réelle volonté de voir la fin de l'histoire pour survivre à l'étape "level up tardif". Il arrive aussi qu'on n'ait pas fait plus attention que ça aux mécanismes de gameplay liés à l'évolution des persos. Pourquoi y faire attention puisque jusqu'à présent, j'avançais sans difficultés? Surtout qu'ils sont souvent maladroitement expliqués (systèmes d'associations du VIII, surtout) - mais heureusement ça s'est arrangé depuis.
Mais venons-en à FF XIII. Alors, en quoi a-t-il résolu ce dilemme? Tout simplement, en vérité. Le jeu est clairement délimité entre : L'aventure principale, haletante, sans temps morts (utilisation des couloirs inévitable, pas de boss tout d'un coup insurmontables...) et les quêtes secondaires, réservées à ceux qui recherchent la complétion et la difficulté (chasses, objets rares, création et améliorations d'armes et d'objets, cristariums...).
Du coup, l'aventure est plus agréable, elle n'est pas parasitée par le game design. Ceux qui ne veulent pas s'embêter à rincer le jeu ont droit, cette fois, de voir la cinématique de fin, parce que l'ensemble est accessible, et au fond ils n'ont rien demandé d'autre. Tout comme les quêtes annexes ne sont pas parasitées par les scénaristes (rarement romancées ni mises en scène), et elles peuvent rester difficiles, parce qu'après tout, c'est ce qu'ils recherchaient aussi. Le terrain d'entente, au bout de tant d'épisodes, est enfin trouvé, c'est le joueur qui choisit comment il s'amuse le mieux.
C'est une solution qui me paraissait tellement évidente, pourquoi ne pas l'avoir mise en place plus tôt? Combien de joueurs ont définitivement repoussé la manette lorsqu'ils sont arrivés à la Grotte Nord du VII, lorsqu'ils se sont confrontés à cette enfilade de boss dans le Lunatic Pandora du VIII, lorsqu'ils se sont faits laminés par Seymour ou Jecht dans le X... et n'ont finalement jamais pu voir la fin de ces histoires? Nous ne jouons pas tous de la même manière, et j'espère que Square Enix l'a enfin compris. Au lieu de fusionner à tout prix ces deux façons de s'amuser, faites-les donc cohabiter de cette manière, vous n'êtes pas d'accord?