Nous sommes le 6 novembre 2010. Rien de notable ce jour-là...
13h00 : Un triste samedi pluvieux... Cette fois, je ne serais pas pris au dépourvu : RedBull et goûter empaqueté, lecture studieuse pour réviser les acquis nécessaires lors d'une garde [NDL : alors que je n'aurais jamais le temps de la lire...], blouse repassée... Je suis prêt à en découdre pour de bon !
13h40 : Ma coexterne Line arrive. Apparemment, elle a eu des problèmes de blouse... Pauline va présenter le patient que nous avons vu au chef. Ça commence doucement...
14h20 : Le téléphone sonne. C'est la pharmacie qui demande des étiquettes d'un patient pour délivrer un médicament. Le temps de trouver qui imprime celles-ci, puis où aller (le sous-sol est un dédale), et enfin récupérer les médicaments, 30 minutes ont été nécessaires...
14h50 : Le premier patient a apparemment une extrasystole ventriculaire. Je refais trois ECG à la suite. On attend aussi les résultats de sa prise de sang...
15h15 : Pauline aimerait que je l'accompagne pour le prochain patient. Ce que femme veut...
Jeune homme de 22 ans, se plaignant de douleurs à l'épaule droite. A la palpation, la tête humérale est comme déportée vers l'avant, l'articulation est « vide ». J'exulte (discrètement) : cas typique de luxation antérieure de l'épaule, comme je l'ai appris dans mes bouquins. On termine l'interrogatoire, mais on connaît la suite : radiographies de l'épaule, appel du chirurgien ortho pour la réduction, et enfin la contention (l'attelle, pour dire plus simplement)...
16h00 : Je la suis encore pour voir une patiente de 91 ans avec une défense abdominale. L'interrogatoire n'apporte pas d'information décisive. Je luis fais donc un ECG, qui révèle une ACFA déjà traitée. Pauline me propose de faire un TR pour compléter l'examen. Je ne refuse pas, vu que je n'en avais jamais fait avant. Donc, je m'y colle, mais je n'arrive pas à identifier ce que je sens... Hmmm...
Ah peine sorti du box, on m'ordonne de faire un autre ECG pour un autre patient. Ça me rappelle les meilleurs moments de ma P2, à en faire une dizaine tous les matins...
16h50 : Ah, malheur. Je croise l'interne d'ortho de garde, qui doit donner un avis pour une bonne dizaine de patients. Apparemment CH a besoin d'aide pour un poignet. Un poignet... mouais...
21h30 : J'ai été mauvaise langue. CH avait réellement besoin de quelqu'un vu qu'Arnaud, l'interne en question, n'allait pas se montrer avant un certain temps, débordé avec le triage des patients...
Pour débuter, la première intervention fut aisée : 3 broches à mettre dans le poignet à l'aide du mobile de radioscopie. En une bonne demi-heure, ce fut expédié. S'ensuit un long moment où l'on attend que la salle soir préparée pour le prochain patient.
Au suivant ! Encore un poignet, sauf que cette fois, au lieu d'une fracture simple, on se retrouve avec une comminutive en 3 ou 4 morceaux. Là, les broches sont inutiles ; on va mettre une petite plaque, histoire de fixer tous les morceaux et ainsi remettre un peu d'ordre.
Arnaud arriva entre temps ; l'opération a bien durée au moins deux heures, à cause de la difficulté à visser à la plaque sur autant de fragments, tout en réduisant dans une position à peu près correcte.
Je récupère ma montre au vestiaire : 4h30 au bloc sans s'en rendre compte...
22h15 : Comme d'habitude, ils m'emmènent manger dans la salle des médecins de garde. Je me remplis le ventre sans scrupule, je sens que je vais en avoir besoin...
MANGER ! Hm, pardon...
22h30 : De retour aux urgences. A peine ai-je le temps de me taper sur le ventre qu'un infirmier m'enjoint à me rendre immédiatement dans un box pour suturer un pauvre hère. Bon prince, je m'exécute de suite.
Patiente de 30 ans, infirmière de profession, qui s'est ouverte le doigt en ponçant un parquet avec de la paille de fer. La magie du bricolage... La plaie est nette et peu profonde, je recouds donc, non sans m'y reprendre à deux fois pour asséner le dernier point, bien trop superficiel. Finalement, je l'en sors. Je vais présenter le résultat final au sénior...
22h50 : ...qui me pourrit littéralement la gueule, parce qu'il n'avait pas vu la patiente avant et ne m'a donc jamais donné l'autorisation de m'en occuper. Note à moi-même : toujours se méfier de ce que disent les infirmiers...
23h00 : Ah, apparemment, il y a besoin de gens dans une chambre. Arnaud, aidé de mes deux co-externes, plâtre ce qui ressemble bien à une fracture de la cheville. A mon arrivée, celui-ci a l'air préoccupé de la qualité de sa sculpture : la jeune blessée a l'air de toujours souffrir, malgré l'immobilisation censée être antalgique...
Il me bombarde brancardier, et nous l'emmenons au service de radiologie...
23h20 : Service vide comme une église en semaine. Arnaud part donc à la recherche du manipulateur radio perdu et me laisse seul avec la patiente. Après de longues minutes de silence, je me décide à briser la glace. La malheureuse s'est blessée en sautant un tremplin en roller, deux mois après s'être fêlé le coccyx... Les sports extrêmes...
23h37 : Les manipulateurs tant désirés étaient partis manger... Nous la faisons entrer dans une salle, histoire d'avoir enfin le cœur net de ce plâtre raté ou non. Et en fait non ! La fracture de la malléole externe est parfaitement réduite. Arnaud est soulagé...
Nous la retournons auprès de sa mère, qui m'a révélé être elle-même être manipulatrice à Mondor alors que je commençais à lui expliquer maladroitement les résultats des clichés... Hahaha ! Hmm...
Arnaud, qui a le succès modeste en regardant le résultat de son plâtre...
00h05 : Je dois à nouveau faire des sutures sur un homme qui s'est pris un ressort sur le haut de l'arcade en bricolant une des machines de son salon de coiffure.
Ce gros lourd met une bonne dizaine de minutes pour tenter de m'expliquer comment faire les points... Je l'ai laissé parler, malgré l'envie puissante de lui rabattre son caquet. Histoire de me rendre la vie encore plus facile, le porte aiguille de mon kit à usage unique s'est révélé totalement foireux, à me couper les fils alors que je ne souhaitais que m'en saisir. Je galère, je galère, mais je me concentre et j'y viens à bout. Sans oublier d'appeler le senior avant et après. Je lui donne les papiers de sortie et hasta luego !
D'ailleurs, il m'a même réclamé une photo en plein milieu pour "contrôler"... Il y a de ces patients, je vous jure !
00h47 : Hop, hop, hop, on enchaîne directement avec une plaie au nez en encoche comme je les exècre chez une femme d'une trentaine d'année. Je vais chercher le senior en soupirant...
Cependant, ce dernier me donne une astuce pour m'en occuper correctement : toujours commencer par le sommet, puis les parties latérales de la plaie ensuite. Bizarrement, le cours ayant lieu sur le milieu de son visage, la patiente n'était pas très rassurée... Mais avant ça, elle doit partir en radio, vu que le traumatisme est survenu en se prenant une rambarde en métal en jouant avec des amis...
01h17 : En attendant, je fais un ECG pour le compte de Pauline. A peine l'ai-je fini que ma patiente est revenue...
01h38 : Résultat des courses : l'os est intact, mais le cartilage semble déplacé... Pas assez pour ne pas suturer. Vu la position de la plaie, je prends mille précautions pour un résultat le plus optimal possible. Finalement, c'est pas mal. Mieux que la première de ce type que j'ai suturé, en tout cas... Une recommandation pour une consultation en chirurgie plastique, un pansement et elle peut s'en aller !
02h30 : Enfin, je peux poser mes fesses sur une chaine pour siroter mon RB avec Pauline, qui n'a pas beaucoup soufflé non plus. Nous allons dormir en salle des externes...
Pauline ? Toujours le sourire, même au bord de l'épuisement...
03h36 : ...enfin, pas avant d'avoir fini d'écrire les notes ci-dessus, tellement je n'ai pas eu une seconde à moi. Je vais m'allonger un peu...
04h00 : Un appel. Des sutures à faire. Je laisse Line le faire...
06h57 : Mauvais calcul. Cette fois, c'est le senior qui tape directement à la porte. Un AVP avec plaie au visage et à la cheville. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même... [NDL : vous me pardonnerez la figure de style, mais j'avais l'air fatigué, à en croire mon écriture hésitante...]
07h00 : Chose inhabituelle, il y a deux personnes dans le box. Un homme et sa femme, tous les deux victimes d'un accident de la route : leur voiture a été heurtée à l'arrière à vive vitesse. Heureusement, la femme souffre de simples plaies superficielles. Je m'occupe donc de l'homme, minervé, mais apparemment très heureux d'être en vie. Malgré sa situation, il est sympathique, bien qu'un peu douillet [NDL : ceux qui flippent de l'idée même d'une aiguille sans l'avoir vue le sont toujours.].
Sa plaie de l'arcade est aisée à suturer, par contre sa plaie à la cheville, qui laisse apparaître son tendon d'Achille, est beaucoup moins nette. Je suis obligé de disséquer un peu pour réunir les berges de façon correcte.
08h10 : J'ai terminé, mais le senior ne veut pas jeter un coup d'œil avant d'avoir fini les transmissions. Je suis dégoûté !
08h30 : La relève arrive. Je fais un topo aux externes qui me succèdent : ils présenteront le patient à ma place. Je ne suis pas assez payé pour me permettre des heures supplémentaires...
08h35 : Non. Non non non non non non. J'ai croisé Arnaud qui a besoin d'aide pour un plâtre. Et vu qu'il m'a vu passer dans le coin...
J'apporte le Kalinox. Quand la patiente, 90 ans révolus, me voit arriver avec la grosse bonbonne, se met à paniquer. Je suis obligé de lui répéter une bonne dizaine de fois que le gaz ne la fera dormir. Elle doit être un peu démente...
De plus, avec les effets du gaz, elle se met à raconter qu'elle a visité l'Indochine et que son mari travaillait à la Coloniale... Dans le même temps, elle tripotait mon bras qui servait à maintenir le masque sur son nez de façon insistante. Tellement anxiogène...
09h15 : Totalement épuisé, je me prends un RedBull avec les externes du dimanche, bien planqués dans la cuisine. Les malins... Il fait moins froid qu'il y a deux semaines. Je me casse.