Je tiens à préciser tout d''abord que cet article est destiné en priorité aux néophytes et autres joueurs du dimanche du Versus Fighting. C'est pour ça aussi que j''ai souhaité publier cette petite analyse sur Gameblog; endroit qui se prête parfaitement aux idées grand public, à ceux qui s''intéressent à tout, sans être non plus experts. Mes excuses donc par avance aux gros "doseurs" qui n''apprendront pas grande chose, m''en voudront peut-être aussi pour cette vulgarisation, ces approximations et autres raccourcis. Mais le fond du sujet mérite bien ces facilités pour faire comprendre au plus grand nombre la richesse de ce type de jeu. Ce genre vidéoludique étant bien trop souvent rabaissé, considéré comme vulgaire et primitif, destiné aux écervelés juvéniles ou gros beaufs en marcel.
Par Versus Fighting, j''entends les jeux de combat 1 contre 1, type King of Fighters, Street Fighter (2, 3, 4) et autres Guilty Gear/Blazblue; donc au gameplay 2D. Mais on peut aussi l''appliquer aux Soul Calibur, Tekken et autres Virtua Fighter que je pratique moins.
De la petite histoire...
Depuis tout jeune, où du haut de mes 12 ans, je traînais les salles d''arcade enfumées comme le Tilt à Dijon, l''arrivée d''un certain Street Fighter 2 allait changer ma vie d''adolescent. Je me rappelle encore, mon gros cartable sur le dos, affronter des gars de 20 ans de plus que moi, et les ridiculiser avec le fameux "martopilon rotationnel" de Zangief, comme on aimait l''appeler étant jeunes. Oui, je ne comprenais pas forcément tout ce que je faisais avec le stick, mais l''essentiel était là, le plaisir de jeu. Que de souvenirs... Se sont ensuite des grands noms comme Art of Fighting et ses sprites immenses, Fatal Fury et ses ... furies et autres King of Fighters qui ont bercé mes années vidéoludiques jusqu''à aujourd''hui.
En parallèle, pendant mes années cheveux gras, Nirvana et Metallica m''ont poussé à me mettre à la guitare et à jouer pour le plaisir, avec les copains.
J'ai donc essayé de progresser dans ces 2 domaines, sans me prendre au sérieux mais en me fixant tout de même des objectifs. 20 ans plus tard, je les pratique toujours, avec autant de plaisir qu''avant et un peu plus de maîtrise tout de même.
Sans penser non plus être un Joe Satriani, je pensais avoir un niveau tout à fait honnête aussi bien sur le manche de ma guitare que sur mon stick arcade.
Street Fighter 2
... à la grande claque
Seulement voilà, l''arrivée du versus en ligne grâce à nos consoles HD m''a pas mal fait réfléchir. Alors que j''avais toujours joué à ces jeux avec mes amis, plus ou moins de mon niveau, j''ai soudain pris une claque. En affrontant des joueurs du monde entier en ligne, j''ai reçu de sévères déculottées sans vraiment comprendre ce qu''il m''arrivait. Les salles d''arcade ayant disparu de mes contrées depuis très longtemps, cela faisait des années que je n''avais plus affronté d''inconnus.
C''est pour en savoir plus et comprendre ce qu''il m''était arrivé que j''ai commencé mes recherches sur Internet. J'ai découvert des communautés d''acharnés, je suis tombé sur des wikis impressionnants dans leur technicité. (Bas Gros Poing ou Signed By R) J''ai commencé à prendre conscience du vide sidéral qu''il existait entre ma perception du jeu de baston que je pratique depuis plus de 20 ans, sans prétention, et la réalité des choses.
Un sport de haut niveau...
Tout un pan invisible à mes yeux est soudain apparu. Je ne rentrerai pas dans les détails techniques qui pourraient effrayer les plus débutants, mais le constat était sans appel : du haut de mes 30 ans, j''ai joué à des versus fighting des années durant, sans en comprendre tous les tenants et aboutissants hyper-techniques. Et pourtant j''ai toujours pris un plaisir fou à y jouer. De la même manière, on peut jouer au foot le dimanche avec ses copains sans avoir le niveau d'un Zidane mais en s''amusant beaucoup.
Le versus fighting est un style de jeu vraiment à part car il mise sur les réflexes, l''adrénaline, la dextérité, la mémorisation et la remise en cause constante de sa position face à l''adversaire. Ce type de jeu à en ça, les attributs d''un sport, quelques gouttes de transpiration en moins tout de même.
Ne serait-ce que pour donner une idée, la maîtrise d''un grand jeu de versus demande un travail énorme, proche de celui de celle d''un instrument de musique ou d''un sport de haut niveau : connaître le nombre de frames (images d''animation) nécessaires entre 2 coups pour faire un Cancel (enchaînement de coups), connaître les hit-boxes (zones de touche) de chaque coup pour chaque personnage en fonction de la position de l''adversaire, apprendre les timing des chopes (prises) et déchopes (pour les contrer), maîtriser l'enchaînement de coups bien spécifiques pour réussir des combos mortels. Pour participer à un grand tournoi, ce sont des heures quotidiennes d'entraînement qui sont nécessaires. Pour les curieux, l''émission Skill de Nolife vaut le détour.
The King of Fighters 99
Tout un tas d''aspects à mettre en parallèle avec la synchronisation, la connaissance du rythme et la mémorisation des gammes, propre à la musique. On peut aussi voir la prestation scénique d''un concert comme l''aboutissement d''un travail d'entraînement, au même titre que la participation à un tournoi de Versus Fighting.
Un jeu comme Street Fighter 2 qui me paraissait aussi simple qu''accessible, prenait soudain une nouvelle dimension. Je ne parle même pas des différences de gameplay entre un Guilty Gear XX et un Guilty Gear XX Accent Core Plus, qui hormis le fait que seul les bons joueurs voient la différence, fait sourire dans cette débauche de qualificatifs.
Et alors que j''estimais avoir une bonne maîtrise de mes Kim Kaphwan, Joe Higashi et autres Zangief, j''ai pris conscience de mon amateurisme complet face à des monstres de techniques. Certes, je connaissais les coups spéciaux et autres furies de quasiment tout le roster d''un King of Fighters, mais ce n''est finalement là que le début du travail. Une profondeur de jeu quasi infinie s''offrait à présent à moi.
Et c''est donc en parlant avec un de mes amis guitaristes que le même choc est arrivé. Ce dernier a toujours été meilleur que moi, mais je pensais qu''il était à un niveau quasi-extrême de maîtrise musicale. Hélas, il m'expliqua que lui aussi progressait encore et que d''autres personnes de notre entourage se trouvait à des années-lumière au-dessus de lui. Et ce pour des raisons que je n''expliquerai pas, trop technique à détailler sur un article de jeux vidéos.
Quel vide cidéral... Je n''avais jamais perçu toute cette subtilité.
Garou : Mark of the Wolves (dernier opus de la saga Fatal Fury)
...mais le plaisir avant tout.
Certes, la pratique musicale est un peu plus difficile d''accès que le versus fighting, notamment au début de l'apprentissage. Mais le rapport entre les deux est assez proche. Même à un niveau débutant, on peut se faire plaisir, en solo ou entre amis. Reprendre Come As You Are de Nirvana dans sa chambre d''ado ou balancer un "Burning Knuckle" de Terry, c''est tout simple mais c''est jouissif. Faire un boeuf dans le garage familial sur un Enter Sandman de Metallica avec ses potes, ou se poutrer sur King of Fighters 98 UM entre amis, ce sont des moments magiques, mais simples. Et c'est selon moi ce qui fait la particularité du Versus Fighting. Un replay value infini, une marge de progression énorme et une accessibilité immédiate.
Ce double constat a donc été pour moi très frustrant mais finalement aussi très motivant. La maîtrise d''un instrument comme d''un jeu de baston peut donc prendre des années, mais c''est ça qui en fait sa richesse. Contrairement à un jeu de plateforme ou d''action, qu''on aime refaire plusieurs fois, mais où il n''y a pas d''aussi grandes marges de progression.
Mais le fait est, qu''en étant un modeste joueur, j''y prend tout de même énormément de plaisir. A n''importe quel niveau, on se sent fort, on s''amuse et on progresse. Il y a aussi le côté plaisir immédiat, de foutre de grandes baffes dans Garou : Mark of the Wolves avec des personnages bien typés, comme SNK sait les faire. La joie d''envoyer des boules de feu monstrueuses et d'enchaîner quelques combos juste pour le fun. Ce n''est pas parce qu''on est brouillon, imprécis et hasardeux qu''on ne peut pas prétendre faire de la musique ou s''éclater sur un Versus. (certains jeux comme Guilty Gear ou Street Fighter 3.3 sont tout de même un peu plus difficile d''approche à mes yeux)
Je n''ai pas abordé les Mortal Kombat, car c'est une série que je ne maîtrise pas assez. Elle a aussi ses fans et ses joueurs professionnels qui en font une série bien particulière.
Évolution d''un genre préhistorique
Comment aurais-je pu comprendre tout cela sans à la fois les avancées dues aux consoles HD et à Internet combinés? Car oui, les années où ma petite ville comptait plus de 4 salles d''arcade sont bien loins. Certes, il en existe à Paris, Lyon, Toulouse mais rien à voir avec les années 80-90's. Sans le on-line, sans les wiki sur internet, j''aurais donc continué à croire que j''étais le "meilleur joueur du monde" _ ;) _ car j''arrivais à battre la plupart de mes amis "physiques" sur mon canapé. (à quelques exceptions près...)
Il faut donc saluer Capcom qui a su relancer un genre tombé en désuétude du grand public, joué uniquement encore par une communauté de l''ombre. Alors oui, certains crient au scandale à propos de Super Street Fighter 4 qui a beaucoup simplifié et facilité le gameplay. Mais ce mouvement a relancé l'intérêt pour une famille de jeux datant des années 90. Et peut-être que sans l''engouement Street Fighter 4, King of Fighters XIII n''aurait pas vu le jour. Car là aussi, il faut tirer son chapeau à SNK Playmore pour nous avoir fait un des meilleurs "KOF" de l''histoire, et peut-être aussi un des meilleurs Versus. Cet opus sait satisfaire les joueurs exigeants tout en procurant un plaisir immédiat grâce à un gameplay nerveux et progressif.
Saluons enfin les développeurs pour avoir intégré des modes d''apprentissage vraiment bien pensés; les tutorials permettent de rentrer en profondeur dans le gameplay de chaque personnage afin de comprendre toutes les subtilités, d''apprendre les enchaînements et les logiques de "links" des coups.
Tout ça laisse présager un bel avenir aux "jeux de baston" aux vues des nouveaux joueurs arrivés avec cette génération de console et grâce à l''inventivité des développeurs. Ce qui laisse peut-être aussi l''espoir de voir les shoot''em up connaître un regain d''intérêt du grand public dans les prochaines années.
ps : n''étant pas un grand pratiquant de FPS ni de RTS, je pense que les spécialistes du sujet pourraient faire un rapprochement avec le Versus Fighting car il me semble aussi que ce type de jeu possède des caractéristiques comparables, surtout dans le jeu en multi : très grande accessibilité, plaisir immédiat mais très grande marge de progression aussi, proche du sport de haut niveau pour les plus experts.