Nos trois compagnons écumaient les routes en direction de la première grande ville sur leur chemin. Après avoir traversé de nombreux bourgs et villages en tout genre, certains ayant d’ailleurs été assez hostiles envers nos héros. En effet, Prince avait pris d’une folie meurtrière et fut donc l’auteur du premier génocide de poule de l’Histoire. Cette dernière ne retiendra pas cette page assez tragique de notre jeune héros perturbé, mais il impressionna néanmoins ses équipiers par la vivacité avec laquelle il tuait les volailles.

Magic et Dan décidèrent de réfléchir à la possibilité d’utiliser ce don pour le moins particulier en combat.

Après plusieurs jours de marche, ils arrivèrent finalement dans la ville de Reikhburg. Un petit coin perdu qui ne devait sa survie qu’à sa proximité avec l’énorme forêt Kokiri. C’est pourquoi le pourcentage de nain-lutins aux oreilles pointues augmentait drastiquement dans les alentours de la paisible ville.

Elle avait tout du cadre idyllique. Un grand moulin dont les pales tournoyant lentement au gré du vent. De petites maisons parfaitement alignés autour d’une place centrale classique. Une fontaine avec des enfants jouant joyeusement autour. Une cadre vraiment classique. La seule petite particularité des lieux était l’immense bâtiment quelques mètres derrière l’imposant moulin. Cela ressemblait à une sorte de caserne abandonnée depuis bien trop longtemps pour qu’elle puisse abriter quoique ce soit d’intéressant.

- C’est quoi c’te ville de merde ?!

Dan avait eu pour habitude de bougonner à l’approche des villes n’ayant pas pour coutume d’exhiber leurs échoppes de frusques en tout genre.

- Ne commence pas, hein.

- Gné !!!

Prince secoua la tête en clignant des yeux trois fois de suite. La signification de ce dernier signal restait un mystère pour ses compagnons. Comme beaucoup d’autres choses, d’ailleurs.

- Bouclez-la !

Les trois héros avancèrent en direction de l’entrée de la ville, suivant de nombreux passants ou vagabonds qui empruntaient le même chemin. Enfin la civilisation, pensa Magic, pressé de s’arrêter dans une auberge et d’y prendre un repos bien mérité. Après les escales dans les bouges minables remplis d’alcoolique notoires et de psychopathes, nous allons enfin pouvoir nous poser tranquillement sans risque de nous faire crever un ½il... ou bien dépouiller.
Cependant, avant même d’entrer dans la ville, le petit groupe fut surprit de voir une présence militaire aussi importante. De nombreux gardes patrouillaient. A croire qu’il se prépare pour une attaque, pensa Dan, le manche de son épée le démangeant subitement. Peut-être s’attendent-ils à une catastrophe durant la nuit ? Ou peut-être sont-ils simplement prudent ? De toute façon, je m’en fou ! Je veux juste trouver un pieu et y ronfler comme un gros Ronflex complètement beurré.

«  Hey ! Vous ! »

Le groupe s’arrêta sur place. Sauf Prince évidemment qui continua en direction de la ville : il n’avait pas compris qu’on s’adressait à lui. Ses compagnons le laissèrent partir en avant. Après tout, il ne servait à rien lorsque la situation requérait autre chose qu’une violence brutale imprévisible et électrique.

Un garde accourut dans leur direction.

Dan porta la main à son épée. Magic le gronda du regard avant d’accueillir le garde avec un sourire poli transpirant le mensonge.

- Vous setes des saventuriens ? 

- C’est quoi c’t’accent de merde ? Ponctua Dan, avec son tact désormais légendaire.

- Pardon ?! s’indigna le garde, choqué.

- Ta gueule, lança Magic, furibond. Désolé, il ne pense malheureusement que trop rarement. Que pouvons-nous faire pour vous ?

Le garde ne comprit pas ce que voulut dire Magic, mais il s’en contenta et entreprit d’expliquer ce qui l’avait amené.

- Eh bien, foulez-fous nous aider à déffendre la file ?

L’accent était plus qu’étonnant. C’était bien la première fois qu’il entendait ce genre de changement dans la langue commune.

- Excusez-moi, vous voulez qu’on vous aide à quoi ?

- Deffendre la file !

- Défendre la vile ! Oh ! Excusez-moi, je ne suis pas habitué à ce genre d’accent, dit Magic, essayant de son possible de ne pas froisser le garde. Evidemment, que devons-nous faire ?

- Mais c’t’accent de merde sérieux, ricana le jeune adepte du swag, appuyé contre une petite haie en bois délimitant le territoire de la ville.

- Mais tu vas la boucler ? Gronda le pseudo leader.

- Roooh !! Si on ne peut rien dire...

- Alors ? reprit Magic, impatiente que le garder en finisse. Evidemment, on veut bien vous aider mais ce n’est pas gratuit quoi. Faut bien payer les services d’une compagnie aussi prestigieuse que la nôtre...

- Ah bon ? S’esclaffa Dan, plus qu’amusé par les tentatives assez grotesques de son compagnon de soutirer quelques piécettes au garde. Depuis quand on a du prestige ? Un mec jaune qui ne sait dire que « Gné » et qui fait frotte-frotte avec tous les arbres de la région. Un leader qui noie son foie sous des litres d’alcool à chaque taverne et qui est suffisamment doué pour confondre notre seule carte et un mouchoir... Dois-je parler de la dérouille que t’as prise face à la grand-mère dans l'auberge de Tonkulroux?

- Ça va ça va, gronda-t-il à nouveau. Boucle là où j’en finis avec toi, avant d’en finir avec lui !

- Oh je dirais plus rien moi.

Dan s’en alla en riant à gorge déployée. D’une part, il ressentait une profonde joie à l’idée d’avoir suffisamment emmerder son leader pour la journée. D’autre part, il n’avait aucune envie d’énerver ce dernier. Déjà qu’il me balance des flèches en combat, alors que je n’ai rien fait, se souvint-t-il en regrettant amèrement le trou dans sa sublime casquette NYC. Alors là ?! Je risque d’en prendre une dans le derrière et de pleurer ma mère !

- Désole pour le comportement de mon collègue, il est né avec une boucle de ceinture Armani a place du cerveau... Donc comment voulez que l'on vous aide ?

- Eh bien fous foulez bien surveiller la place centrale pour nous ? demanda-t-il simplement avec cet accent si particulier, si drôle à l’écoute.

- Nous afons beaucoup affaire ce soir. Des rodeurs trainent la nuit et feulent nous filer nos biens. D’après ce que nous safons, ils feraient partis d’une grande compagnie de malandrins qui viendrait de l’Orient.

- Oh je vois ! admit Magic, qui n’avait aucune idée de ce dont le garde était en train de parler. Nous vous aideront folontiers... Euhhhhh volontiers, je voulais dire !

Le garde serra la main de Magic et s'empressa de rejoindre la patrouille qu'il avait délibérément quittée. Heureusement pour lui que son commandant ne l’avait pas surpris sinon il aurait été aussitôt punis à un mois de nettoyage des latrines du bar de la ville : le Bonze Coulant.

Magic se rendit compte qu'il avait complètement oublié de demander ce que lui et ses camarades désiraient en guise de récompense. Merde, regretta-t-il en regardant les voyageurs passer leur chemin alors qu'ils semblaient tous éreintés. Il voyait déjà les mines renfrognées de ses partenaires lorsqu’il leur expliquerait leur petite mission de la nuit. Et surtout l’inexistence de récompense. Je vais encore me faire gueuler dessus... Et puis zut. Faut savoir être généreux de temps en temps. Pourquoi ne s’arrête-t-il pas? Cette ville ma l'air très charmante... Peut-être qu’ils n’ont pas les moyens de se payer une nuit dans l’une des auberges.

Oubliant ce dernier détail, il décida de rejoindre ses compagnons à l’auberge. Sauf que Magic fut aussitôt frappé par un léger détail : ni Prince, ni Dan, n’avaient dit où ils allaient. Ces derniers s’étaient contentés de le laisser en plan avec le garde à l’accent germanique pour aller se balader. Aucun des deux n’avait révélés quoique ce soit sur leurs possibles destinations.

 - Eh c’est parti pour chercher deux glands au milieu d’une ville de bouseux, conclut-il, subitement dépourvu forces. P’tin. Mais qu’est-ce que j'ai fait à Saint Chivas pour mériter ça.