Étant depuis peu l'heureux propriétaire de Katamari Damacy sur PS2 (version US), assouvissant non sans joie mon désir de connaître de la série ses origines, tout boudés que nous soyons une fois de plus par les éditeurs, nous pauvres européens, je tentai alors d'analyser les qualités que je trouve à cette série (ou tout au moins aux épisodes effectivement de Keita Takahashi). Car outre le succès d'estime qu'ont pu connaître par chez nous ses suites - qu'en aucun cas je ne dénigre car il m'a permis de m'intéresser et découvrir la série - le jeu ne propose jamais plus que des mécanismes simplistes, avec des graphismes clairement datés, le tout enrobé dans un délire typiquement nippon, bien des choses auxquelles je n'attache généralement qu'un faible intérêt.
Et pourtant, là, j'accroche, sans le moindre doute, et sans la moindre lassitude, au terme des six ou sept ans que je possède We Love Katamari, dorénavant. Pourquoi ? À première vue je ne saurai l'expliquer, et c'est en m'intéressant à son auteur, et aux motivations qui ressortent de son travail, que j'ai été plus à même de comprendre les raisons qui font que j'adhère, que j'adore Katamari.
Keita Takahashi
Keita Takahashi est né un jour au Japon. Quelques décennies plus tard, il participe au développement des premiers épisodes de la série Dynasty Warriors, avant de passer chez Namco, pour qui il aura à développer un jeu, Katamari Damacy était né. Un concept simple : on pousse une balle pour amasser des objets ; plus on amasse d'objets, plus la balle grossit, et plus la balle grossit, plus gros seront les objets qu'on pourra amasser. Les années passant, il produira deux autres jeux, We Love Katamari, une suite directe, toujours sur PS2, et Noby Noby Boy, un jeu dématérialisé sorti sur PS3, avant de quitter Namco et - temporairement - le monde du jeu vidéo. Noby Noby Boy garde la patte très marquée de son auteur, puisqu'on y incarne Boy, un quadrupède rose qui a la capacite de manger et défequer tout ce qui passe à portée de sa gueule, du moment que ce n'est pas trop gros pour lui. Naturellement, plus il mange, plus il peut manger gros.
Donc, à la suite de Noby Noby Boy, Takahashi quitte Namco, et avec son épouse il part au Royaume-Uni pour se consacrer au design d'aires de jeu pour les enfants. Ils créent tous deux la compagnie Uvula en 2010, et il participe au développement de quelques jeux indépendants, tels que A͈L͈P͈H͈A͈B͈E͈T͈, jeu récompense d'une campagne Kickstarter pour l'organisation d'un salon à Los Angeles, et Tenya Wanya Teens, un party game pour 2 joueurs, accompagné d'un contrôleur dédié à 16 boutons.
Come on, everybody!
Dans l'esprit de Takahashi, Katamari Damacy se voulait un jeu avant tout. À une époque ou la course technique faisait rage, il aura été l'un des rares à considérer que le jeu vidéo, c'est du jeu avant d'être de la vidéo (ce que continuent d'oublier allègrement nombre d'éditeurs et développeurs, encore de nos jours, mais passons). C'est dans cette optique qu'ont été développé les deux Katamari, et plus tard Noby Noby Boy. Car Katamari est un jouet avant d'être un jeu vidéo. Il en va de même pour tout le travail de Takahashi, ce jusqu'à Tenya Wanya Teens : l'incongruité de son pad à 16 boutons n'est pas là pour prétendre proposer une révolution du gameplay en killing feature (Nintendo, si tu me lis...), ce n'est jamais rien d'autre qu'un jouet, pour s'amuser, point barre.
Et au final, c'est bien là ce qui me passionne dans Katamari Damacy : on retrouve le plaisir simple et inaltérable qu'on pouvait avoir étant gosse à jouer aux Légo, aux Playmobil, j'en passe. Peu nombreux sont les jeux à savoir si bien n'être que des jeux, mais à l'être pleinement. Naturellement on pourra compter Minecraft parmi eux, ou même The Incredible Machine, pour les PCistes des années 90.
Na naaa na na na na na na na na Katamari Damashiii
Mais revenons à Katamari Damacy, alors oui, ce n'est jamais plus qu'un jeu foutraque, avec un scénario délirant et des personnages et situations ridicules au possible. Mais au final on s'en fout, tout ça n'est jamais qu'un prétexte, qu'un vaste terrain de jeu destiné à nous amuser, rien de plus. L'histoire n'est là que pour mieux nourrir cette atmosphère de jeu. Dans Katamari Damacy, aucune règle n'est immuable : un obstacle nous barre la route, un animal ou un humain nous agresse ? En quelques minutes on grossit assez pour bêtement se venger, la réaction grotesque des personnages étant là pour nous rappeler que c'est pas grave, c'est pour jouer, c'est pas pour de vrai.
Bien plus qu'un jeu bac à sable, où l'étendue des actions ou de l'open world viennent nous distraire de règles bien présentes (Grand Theft Auto, Metal Gear Solid 3, Skyrim, au hasard), Katamari est un bac à sable, qui via un gameplay et des règles simplistes au possible, nous offre une liberté depuis longtemps oubliée, celle de faire n'importe quoi dans un monde imaginaire, dont les seules limites sont celles qu'on se pose.