J'ai envie de faire un beau texte pour
ce jeu. Pas parce que je l'ai aimé mais parce qu'il m'a pendant un
temps extrêmement enthousiasmé avant finalement de me décevoir
assez cruellement. J'ai pris beaucoup de notes au cours de ma partie.
Je diviserais mon expérience en trois étapes : la découverte
enthousiaste, la passion et la profonde déception. J'ai vu ce jeu
comme mon jeu de l'année 2011 et au final il atterrit avec trois étoiles. Quels sont les raisons de cette chute en plein
vol ? Attaquons sans plus tarder cette critique, construite dans
un ordre chronologique suivant l'évolution de mon appréciation en
parallèle de ma progression dans le jeu.

Chapitre 1 à 4, le Xenosaga nouveau se
dévoile : tout nouveau, tout beau

First impressions of Earth : les
déplacements sont incroyablement agréables. Je me suis senti plus
dans l'action que jamais auparavant dans la saga. Je mets ça au
compte des caméras qui se retrouvent bien plus souvent à hauteur du
personnage (alors qu'avant c'était du PAC-MAN, constamment en
contre-plongée), pas de changement d'angle brutal qui nous font
perdre la direction que l'on donne au personnage, des animations plus
humaines, moins rigides, un contrôle beaucoup plus souple (on peut
diriger son personnage dans beaucoup plus d'axes avec le joystick que
dans le précédent épisode) et une vitesse accrue, plus crédible
et qui me semble plus adaptée à la superficie des niveaux (dans le
sens où avancer à deux à l'heure aurait été je pense hors
sujet). J'ai été enchanté par le contrôle de l'héroïne et ce
dès la première minute ; encore jamais dans la saga j'avais eu
une sensation si proche de diriger pour de bon un être humain.

Deuxième point énorme, c'est le game
design en terme narratif. Pour moi, Xenosaga III c'est le J-RPG au
meilleur de sa forme pour ce qui est de raconter une histoire. Tout
est réglé à la perfection de manière à ce que le jeu porte
l'histoire. Il faut savoir que l'histoire de Xenosaga III est pleine
de combats, d'exploration de lieux hostiles et de balades dans la
ville. Ça tombe bien car les phases de jeu c'est justement de ça
qu'elles sont faites, et elles nous le font vivre très bien.

Il y a un équilibre fort dans ce jeu
entre ce qui passe par le non-interactif (cinématiques, dialogues
sur écran fixe) et ce qui passe par le jouable. De telle manière
que je me suis toujours senti dans l'histoire. Dans un autre jeu, par
exemple Digital Devil Saga, l'exploration d'un lieu hostile peut
prendre tellement de temps et demander tellement d'investissement que
ça peut me décrocher de l'histoire ; dans ces cas-là je n'ai
plus l'impression que le jeu me raconte une histoire mais que
l'histoire n'est qu'un prétexte à jouer. Ce n'est pas le cas dans
Xenosaga III parce que toutes les séquences jouables ne cessent
jamais (à l'exception de passages de donjons un peu absurdes) de
s'inscrire clairement dans le récit du jeu.

Je veux parler aussi de la présentation
du jeu extrêmement soignée. J'ai trouvé les menus très clairs et
ergonomiques et les scènes de dialogues à écran fixe n'ont jamais
été aussi bien foutues, avec les lignes de textes écrites dans de
grandes barres avec un fond plein et le visage du personnage qui
s'affiche, dont l'expression change au fil de l'échange. Je mets
dans ce paragraphe aussi la musique, et en soit je trouve ça un
petit peu signe d'échec de la ranger dans la « présentation »,
mais il me coûte de lui donner plus d'importance. Je ne peux que
dire qu'elle m'a été agréable, donnant un caractère assez noble
au jeu (beaucoup de violons, pianos, assez reposante) mais jamais
elle n'a vraiment dépassé le stade de la musique d'ambiance au sens
assez réducteur du terme. Je dirais que la musique accompagne
agréablement le jeu, tombe un peu dans le tire-larmes à l'occasion
de certaines cinématiques, et que c'est déjà mieux que les
musiques de l'épisode II qui m'avaient vraiment horripilé. Pas de
césar pour la musique et son rôle donc, mais un accompagnement
agréable tout au long du jeu et dans ses différents moments
(explorations, combats, cinématiques et dialogues).

Les combats, contrairement à ceux du
deuxième épisode, sont bien plus intelligents autant dans leur
déroulement que dans leur préparation. Il y a en général moyen de
bien jouer, c'est-à-dire d'avoir largement l'avantage sur les
ennemis, les battre facilement, en exploitant les possibilités du
système. C'est un système de combat qui m'a vraiment laissé une
place, s'est montré clair, m'a donné à réfléchir, à passer du
temps dans les menus (que ce soit de déverrouillage de capacité,
d'équipement ou d'achat/vente), à m'investir pour aborder les
affrontements de la meilleure des façons ; bref, m'a mis au
premier plan des batailles (avec l'abstraction inhérente au genre du
J-RPG bien sûr) et j'en suis très content. Je suis arrivé à
débloquer toutes les compétences de mes personnages avant le boss
de fin, en faisant des choix, notamment au niveau de l'argent. Je
n'ai jamais eu à faire des combats répétitifs de façon à
engranger des points d'expérience, ça ne s'est pas passé comme ça.
J'ai du faire trois combats « extras » à la fin du jeu
pour le plaisir de débloquer toutes les compétences de mes persos
et c'est tout. Je garde un bon souvenir du système de combat de
Xenosaga III, même si certains ennemis à la fin m'ont contrarié
parce que je n'arrivais pas à trouver une tactique pour les vaincre
efficacement (pour ceux qui connaissent, ce sont justement ceux qui
lâchent les Sephirotic Cane, dont il faut rassembler 99 pour une
quête annexe - que je n'ai pas considéré mener à bien).

Dernière chose avant de passer à la
suite de mon expérience, à la passion que j'ai ressenti
à la mi-jeu, le Hakox. Le Hakox est « le » mini-jeu de
Xenosaga. Assumé par l'histoire (un personnage va y jouer à un
moment pour s'y détendre), ne demandant pas assez d'investissement
pour faire jurer le récit et présentant de bons cadeaux à la clé
pour booster ses persos (on va dire qu'en s'adonnant à un jeu vidéo,
en faisant travailler son esprit le personnage découvre de nouvelles
forces en lui hein :), ben il m'a bien amusé. Régulièrement se
débloquent de nouveaux mondes, ce qui empêche de s'arrêter dix
heures pour tout finir. Ça se présente sous la forme d'un jeu de
casse-tête, entre echochrome et kula world et j'ai bien aimé couper
l'aventure à l'occasion du déblocage d'un nouveau monde et faire
travailler mon esprit de manière à donner de meilleures chances à
mes personnages dans les combats à venir.

Chapitres 5 à 7, Xenosaga m'accroche
comme jamais

Il y a un gros rebondissement dans
l'histoire, qui jusque là vivotait un petit peu. Il apparaît pour
les personnages un enjeu de survie très sérieux (s'ils ne font
rien, ils vont mourir et ça c'est sûr) et l'héroïne se retrouve
confrontée à des choses proprement incroyables. Je n'ai rien envie
de dévoiler dans ma critique spoiler-free, mais je peux dire que
dans ce chapitre j'étais très accroché à l'histoire et j'adorais
jouer à Xenosaga Episode III. C'est le moment où le jeu s'est
montré le plus satisfaisant parce que l'histoire, déjà bien
racontée par le game design, était passionnante. En se resserrant
sur des enjeux humains, clairs, compréhensibles, le récit a pour
moi atteint des sommets.

Chapitre 8 à 9 : Xenosaga retombe
dans ses travers et me perd

Tout ce que je reprochais à Xenosaga
Episode II au niveau de l'écriture se retrouve dans ces chapitres.
Des enjeux que je n'ai plus compris, qui me dépassaient autant
qu'ils dépassaient les personnages, des dialogues philosophiques de
comptoir, avec des personnages qui passent leur temps à parler des
« buts » d'une « existence », comme si
« l'existence » d'un être avait un « but »
(ça me semble bien triste), de la grosse guimauve bien épaisse et
des bons sentiments, et puis surtout, surtout : un univers d'une
complexité à se jeter tout nu dans le Rhône un matin d'hiver. Si
pour vous le concept de se plonger dans le subconscient d'une
personne pour y réveiller la conscience enfouie d'une autre personne
a un quelconque sens, alors peut-être, peut-être entendrez-vous une
bribe des événements de Xenosaga dans sa dernière partie. Sinon,
comme moi vous serez plus ou moins largués par un récit accumulant
les rebondissements tout simplement inintelligibles, la faute à un
univers démesurément complexe et extrêmement mal expliqué dans le
scénario. Heureusement que les personnages de l'histoire aiment
s'agresser les uns les autres, ça permet de resserrer les enjeux sur
du « taper méchant », limité mais rassurant dans une
telle ambiance de mind-fuck.

Attention paragraphe SPOILER.

Les gentils comme le méchant veulent
sauver l'univers, mais de quoi ? Eux seuls le savent. Ils se
fightent. Les gentils ne veulent pas laisser le méchant sauver
l'univers à sa manière, même s'ils n'y bitent rien du tout. Notez
qu'ils ne savent pas comment s'y prendre eux-mêmes, pour sauver
l'univers, mais ils sont quand même bien décidés. Puis le méchant
n'a qu'à pas être méchant d'abord.

Fin du pragraphe SPOILER.

Reste le plaisir simple, mais nié par
les précédents épisodes, de voir une histoire « à peu
près » menée à son terme. Toutes les choses frustrantes
auxquelles on ne comprenait rien dans les précédents épisodes (et
qui n'avaient aucune implication directe dans les récits) occupent
ici une place primordiale. Là où les deux précédents épisodes
semblaient comme des amuse-gueule avant d'attaquer le vrai sujet, LA
grande conspiration, Xenosaga Episode III arrête son slalom et va au
bout de ce que la série a lancé. L'histoire n'est cependant pas
terminée à la fin, si bien que j'attendais un chapitre
supplémentaire quand j'ai été surpris par le générique. Mais on
va dire que l'histoire de complot avec laquelle on nous aguiche
depuis le premier épisode est enfin traitée et conclue d'une
certaine manière (no spoil).

Si j'avais un reproche à faire à la
saga dans son ensemble, en dehors des reproches particuliers à
chaque épisode, c'est de ne pas avoir raconté une histoire
véritablement feuilletonesque entre les trois jeux. J'ai fait les
trois jeux, et je suis incapable de dire quels sont les conséquences
dans le troisième épisode de ce qui s'est passé dans les deux
premiers. J'ai pas l'impression qu'il y ait quoi que ce soit qui
s'est suivi entre les trois épisodes, à part cette conspiration
dont on ne voyait que des scènes nébuleuses dans les deux premiers
et qui arrive (tardivement) sur le devant de la scène dans Xeno III.
Je trouve ça bien dommage.