L'art du level design, qu'est-ce que c'est, au moins pour moi ? La conception de situations retorses, originales et stimulantes à résoudre pour le joueur. Je peux ajouter comme adjectifs intéressantes, gratifiantes, qui respectent le temps du joueur et lui demandent de mettre en oeuvre des compétences liées à la maîtrise, l'intelligence et la créativité. Farmer par exemple, c'est non. Je compléterai aussi en mettant l'accent sur le mot situations et non pas environnements. Il ne faut pas confondre level design et architecture ou habillage des décors. Pour prendre un exemple grossier, le level design d'un jeu sera le même si on enlève toutes les textures et qu'on se retrouve avec des formes géométriques 3D en nuances de gris. Dans "level" il y a niveau, mais il faut plus le comprendre comme une référence à un "morceau", un "chapitre" du jeu (niveau 1, 2...) qu'à un environnement.

Bien. Maintenant je voudrais préciser une autre notion pour laquelle je n'ai pas de nom... Il s'agit de bien différencier les épreuves qu'oppose un jeu dans son déroulement pour aller jusqu'au générique de fin, dans son "scénario", aux épreuves qu'il oppose au joueur qui se superposent à l'aventure, qui se plaquent à celle-ci, qui l'utilisent comme un support. Par exemple, si on prend un niveau de boss de Tomb Raider Legend, il y a l'enjeu de simplement battre le boss, et celui de réussir le défi associé à un trophée, à savoir survivre pendant 5 minutes au boss, sans le vaincre. Le combat contre le boss à proprement parler, réussir à le battre sans se faire zigouiller, pour moi ça relève du level design de l'affrontement. Et le défi du trophée, et bien... Il faut réaliser que si on se décide à gagner ce défi, ça bouleverse le challenge du niveau mais on ne peut pas dire que cela change le level design...

Comme je serai amené à faire la distinction entre les deux dans ma critique, je parlerai pour le challenge du déroulé de l'histoire de Level Design et pour le challenge des défis qui prennent l'histoire comme support des Défis Annexes, avec des majuscules pour que ce soit bien compréhensible.

Avec cette intro je me demande si la critique sera aussi longue... Enfin, Resident Evil Revelations 2 est à mes yeux un jeu pas terrible, un énième jeu bof qui s'ajoute à ma longue liste de daubes. Je suis cruel quand je dis daube, c'est pas totalement mérité, mais au sortir de ce jeu c'est mon ressenti. Je ne pense pas que je garderai grand chose de RER 2. Pourtant de loin le jeu semble amusant. Les personnages sont bien modélisés, tout comme les décors malgré un filtre granuleux un peu irritant. Et Claire au visage un peu moche d'Angelina Jolie passée au bistouri. L'histoire commence pas génial mais pourquoi pas : Claire et la jeune Moira sont kidnappés et enfermées dans un asile de fous tout rouillé façon Saw ou Silent Hill, avec des créatures mutantes pas jolies qui les attaquent. Ca vole pas haut déjà mais pourquoi pas : à la manette c'est agréable. Les combats demandent de viser à l'arme à feu des ennemis assez mobiles. Quand ils sont étourdis, on fonce sur eux pour leur donner un coup qui les met à terre, façon RE4. Les munitions sont limitées, on ne s'auto régénère pas (en mode difficile) donc il faut gérer ses stocks, dans un inventaire à l'espace limité qui plus est. On peut faire de jolies esquives avec la touche rond, qui avec le bon tempo sont assez gratifiantes pour éviter les attaques ennemies. Bref c'est PAS MAL. Ca commence plutôt bien, c'est pas déplaisant à jouer.

Mais avec le temps le jeu dévoile un manque hurlant d'ambition en terme de level design. Les situations sont simplistes, basiques, sans difficulté. En gros c'est tout le jeu ou presque un couloir avec des monstres. Parfois les monstres nous ont pas vu et nous tournent le dos, donc là on peut leur faire une prise qui les tue en un coup en s'approchant accroupi. Simplissime. On manque pas vraiment de munitions, on avance sans passion, sans transpirer. On se fait un peu chier, pardon mais voilà. Le scénario est complètement raccord en ce qu'il fait preuve lui aussi d'un manque patent de générosité, de surprises, de tension. Dans un jeu le level design et le scénario sont en dialogue permanent, l'un et l'autre se nourrissent mutuellement. Une base qui s'auto-détruit, élément d'écriture, engendre une séquence de fuite chronométrée pour le joueur. Dans RER 2, il ne se passe rien. L'histoire avance mollement, engourdie qu'elle est dans un level design générique fait de décors à la fois impersonnels et vides de propositions ludiques. En fait je me souviens seulement de trois moments dans le jeu : deux boss et une séquence. Les deux boss ont nécessité une compréhension de leurs vulnérabilités ainsi que du skill général dans la maîtrise de mon personnage ; la séquence en question voyait Barry et Natalia enfermés dans une grande salle verrouillée avec des monstres qui débarquent sans cesse... C'était un défi de survie où j'ai dû gérer mes munitions, varier mes tactiques car plein de monstres différents, faire preuve d'endurance dans mes efforts et utiliser l'architecture de la pièce à mon avantage pour éviter les monstres. C'était relativement intéressant et c'est comme je le disais un des seuls moments où le jeu faisait de vrais efforts pour me résister. De vrais efforts, un vrai soin dans le LD, une envie travaillée de me donner du fil à retordre.

Mais RER 2 est malheureusement un jeu paresseux. Les développeurs ont substitué une myriade de Défis Annexes à un vrai travail de Level Design. Ainsi pour chaque niveau du jeu on aura des médailles à décrocher, en remplissant des conditions ou objectifs particuliers. Les médailles bronzes sont des défis génériques du style "tue tant d'ennemis à l'explosif", les médailles d'or aussi mais proposent des défis plus personnalisés selon le chapitre (exemple : "tue le boss final sans prendre de dégâts"). A côté des médailles nous avons les... Roulements de tambour... Paf ! Les objets à collectionner ! Qui en veut j'en ai plein. Pour Claire et Moira ce sera des "dessins de Kafka" à trouver sur les murs en les éclairant avec la torche et des boites militaires à déverouiller. Pour Barry et Natalia ce seront des "larves d'insectes" à détruire en lançant une brique dessus (mitraillette, grenades, magnum, oubliez : une brique lancée sinon rien) et des boites à jouet. Pour les deux duos enfin, on a toujours des médaillons cachés à exploser, les mêmes que dans RE5. Mais attendez, ce n'est pas fini ! Les développeurs ont ajouté des habiletés à débloquer avec de l'argent qu'on trouve dans les niveaux et en remplissant des... Défis ! Visibles dans le menu en appuyant sur START, on les compte par dizaines. Il y a aussi un mode de jeu "chrono" où on doit refaire les niveaux avec un timer et un mode "invisible" où les ennemis sont... invisibles.

Voilà. Pour moi tout cela ce n'est pas du "gros contenu" ou de la générosité de la part des développeurs ; c'est de la paresse et du cynisme. Créer des niveaux aussi basiques et remplir le Blu-Ray à craquer de tâches médiocres comme trouver des dessins qui vont oliger les joueurs à scruter chaque paroi du jeu... Non. Il y a une éthique à avoir en tant que développeur, un respect et une estime du joueur dont les gens responsables de ce bazar ne font pas preuve.

J'ai un problème aussi avec les niveaux de difficulté et les habiletés... Déjà il y a des énormités dans les habiletés, du genre il faut déverrouiller une habileté pour que Claire et Barry en IA puissent utiliser leur arme à feu sur les ennemis... Sinon ils font rien ou tapent au couteau... Non mais à l'eau qu'oie. Puis il y a ce système de persistence des habiletés qui fausse le choix du niveau de difficulté. Ainsi, j'imagine qui se si on se fait les modes facile et normal et qu'on débloque toutes les habiletés, on aura plus de chances de rouler sur le mode survie. Les habiletés s'acquérant à coup de temps de jeu brut et de soumissions à des défis à la con, j'en conclus que Capcom désavantage les joueurs qui n'ont pas que ça à fiche et attaquent direct le mode survie. C'est une façon de faire que je trouve assez pourrie et nauséabonde.

Et puis il y a le mode Commando ou comment perdre un peu plus de temps de sa vie. L'objectif est de se taper une bonne cinquantaine de missions dans trois modes de difficultés différents, missions qui sont tout aussi nulles et random les unes que les autres, à savoir "tue tous les ennemis le long de ce couloir". Au bout de dix on en a déjà assez... Personnellement je trouve que le seul intérêt de ce mode est de pouvoir explorer sans contrainte narrative (par intérêt, entraînement ou curiosité) le système de jeu : les esquives, le maniement des armes, le contrôle du personnage... Mais une fois satisfait inutile d'y revenir.

RER 2 est un jeu malheureusement cynique et pauvre, à l'éthique douteuse, sauvé de la complète nullité par ses graphismes, son histoire et ses persos pourtant pas terribles, ainsi que par le noyau solide, fonctionnel de son système de jeu. Lequel aurait dû être exploité mille fois mieux.