Critique publiée originellement sur mon blog en août 2012.

J'ai aimé Mass Effect 2. Plus que ça même, je l'ai beaucoup aimé. Note : j'ai joué avec Jane Shepard, une femme donc.

Contrairement à ce que j'imaginais Shepard n'est pas vraiment une coquille vide, dans la mesure où plus qu'un personnage sans personnalité, c'est un personnage dont on choisit la personnalité. C'est un peu comme choisir son histoire à la carte, mais au final on nous raconte toujours une histoire, il y a un retour après du jeu. Par exemple la réunion finale de l'équipe avant la mission suicide. On choisit à un moment de faire ou non un speech à l'équipe et la teneur de ce speech. Une fois notre choix effectué, non seulement Shepard va l'appliquer dans sa phrase suivante mais il va enchaîner dessus, construire tout un discours à partir de la première phrase / teneur que l'on a choisi. A côté de ça Shepard a quand même un fond de personnalité inaltérable du fait même qu'il accepte et accomplit les missions qu'on lui propose au fil du jeu. Résultat : je suis arrivé à accrocher, Alléluia. Grâce à tous ces moments où le jeu met en scène son personnage, que ce soit quand il dit une phrase sans qu'on lui ait dicté (même si l'on en a auparavant - souvent mais pas toujours - défini la teneur) ou dans des séquences d'action (je craque à chaque fois quand le héros que j'incarne se bat en cinématique avec la même ferveur et les mêmes enjeux que quand je le joue), j'ai pu croire suffisament à ma Shepard pour devenir sincèrement attaché à son aventure et éprouver de la tristesse à l'idée de la laisser tomber à la fin du jeu. J'ai repris le jeu avant-hier pour faire le DLC "l'arrivée" et me retrouver dans le vaisseau en sachant que ce sera ma dernière mission, et bien ça m'a mis le cafard.

Autre exemple du jeu qui raconte l'histoire qu'on a choisi : j'ai choisi de poursuivre l'histoire avec Liara que j'avais déjà choisi dans la BD interactive, et le jeu m'a montré une cinématique avant la mission suicide où Shepard, seule dans ses quartiers, regardait la photo de Liara sur son bureau. Ce que je veux dire c'est qu'on n'est pas constamment en train d'écrire l'histoire ; on choisit juste à plein de moments dans quel sens elle va partir. Shepard est un personnage dont on choisit la personnalité à plein de reprises, mais n'empêche qu'après cela il existe (elle dans mon cas), le jeu le met en scène.

J'écrivais dans un statut de seblecaribou sur Gameblog :

Je crois que si j'ai accroché à ME 2 c'est précisément grâce aux moments où Shepard était mis en scène, où j'avais l'impression que c'était un vrai personnage qui existait sans moi. Y'a des scènes comme ça. Les scènes où il (elle dans mon cas) parle sans nous ou alors arrive à enchaîner du discours sur un choix qu'on a fait (et là du coup je suis d'accord avec toi sur le fait qu'on puisse choisir son caractère, mais que temporairement malheureusement - je pense par exemple au discours pour motiver les troupes avant la mission suicide, on choisit une idée et après Shepard enchaîne pendant plusieurs tirades), ça m'a donné l'impression qu'il existait, tout comme les scènes qui le mettent en action (en train de courir, de tirer, de se battre ou de porter secours à un camarade). 

Je ressentais vraiment une jubilation dans les cinématiques qui mettaient en scène ma Shepard. C'est pas forcément fréquent que les jeux vidéo mettent à ce point en scène le personnage jouable dans les cinématiques. Si on prend comme exemple les MGS, on compte dans chaque épisode sur les doigts d'une main les films où le héros tire sur quelqu'un. Et c'est dommage parce que quand ça arrive il y a comme une continuation dans la cinématique de l'enjeu qu'on a eu joueur. Je me rappelle que ça a été très intense quand Raiden a tiré lui-même sur Fortune dans MGS2 après le combat de boss contre elle. Ce qu'on a fait et ce pourquoi on s'est battu joueur, c'est reconnu dans la cinématique. Et Mass Effect 2 n'est pas trop avare de ça. Je pense que ça m'a beaucoup plu.

J'ai un vrai plaisir à voir le personnage que j'incarne en jeu, celui qui tire sur des ennemis, qui se bat contre eux, qui court pour survivre, qui remballe les gens à coups de réponses pragmatiques (exclu Mass Effect), mis en scène dans des cinématiques tout en restant le même. C'est tellement rare les jeux vidéo qui assument à ce point la nature des actions des joueurs dans leur scénarisation / leurs cinématiques. J'étais donc ravi de ça dans Mass Effect 2 - faut voir comment se jette Shepard sur l'Asari dans courtier de l'ombre.

Ce qu'il y a aussi dans ce jeu c'est que tout est bien fait. Les personnages sont bien campés, bien joués (même si la voix française de Garrus m'énerve), bien modélisés aussi malgré un petit sentiment d'Uncanny Valley pour Jacob au début de l'aventure. Les voyages en vaisseau, même eux ont été soignés. On déplace notre vaisseau sur une carte en 3d mais sur un seul plan, avec un thème musical qui me met tout de suite dans le bain de l'exploration spatiale et des bruitages bien futuristes. Mieux, quand on déplace le vaisseau au sein d'un système (pas sûr du nom mais là où ça consomme du carburant) on sent l'inertie du vaisseau qui cherche à s'arracher à la gravité d'un endroit et ça consomme proportionnellement du carburant et ça fait vibrer (proportionnellement aussi sans doute, mais pas sûr) la manette. C'est très soigné.

L'univers a ceci d'être extrêmement travaillé. J'ai quasiment pas lu le Codex (je m'en fichais mais complet) mais pas besoin pour apprécier le travail fourni de définition de tout ce qui compose le monde de Mass Effect. C'est comme pour un roman : l'auteur noircit des pages et des pages de background pour ses personnages, et sans qu'il les intègre à son texte on peut sentir leur complexité et ainsi leur vraisemblance. Mass Effect 2 m'a donné la même impression. J'ai cru à son univers, à ses villes, à ses peuples (même si c'est vrai que les extra-terrestres ont moins de caractères individuels que les humains, ça ne m'a pas gêné, ça doit être un raccourci auquel je suis habitué. Genre les copains d'E-T j'imagine qu'ils ont tous la même tête). Et ça rend service à l'histoire qui dans ces conditions à toutes les chances d'être crédible.

J'ai terminé le jeu à fond (pas les trophées - même si j'en ai 89%) dans le sens où j'ai fait absolument toutes les missions annexes. En les faisant je n'ai pas eu l'impression de sortir de l'histoire. Je pense que c'est déjà parce que j'en avais besoin pour devenir plus fort, dans le sens acquérir de l'expérience et des améliorations diverses, d'armes, de pouvoirs, de santé, de boucliers... Il y a beaucoup de façons dans ce jeu de devenir plus fort et les annexes en recèlent littéralement. J'ai scanné chaque planète de l'univers à la recherche de missions annexes, et version PS3 aidant j'ai pu faire aussi tous les DLC (genre suprématie, kasumi, courtier de l'ombre). Cette nécessité de devenir plus fort, que je n'ai pas nécessairement dans un Yakuza par exemple (et qui rend du coup la complétion des annexes moins justifiée en terme de narration), aussi voire plus riche en annexe, elle est dûe au fait, sans doute, que je jouais en mode démentiel. Et là, je dois dire que j'ai été comblé.

Les combats ont été assez passionnants. Je jouais une Adepte et à mi-parcours j'ai choisi l'arme fusil à pompe, et, je veux dire, je me suis jamais fait chier en combattant. Ça a toujours été exigeant, tactique, j'ai beaucoup dû utiliser mes pouvoirs, choisir mes armes avec attention, ainsi que mes équipiers... Le jeu a été tout simplement intéressant à battre. Les combats de Mass Effect 2, dans mon expérience, c'est genre l'opposé intégral de Gears of War. Même là dans le DLC l'arrivée, je trouve toujours les affrontements intéressants. Et le jeu est bien plus long en jouant en démentiel : je lisais dans les tests 30h pour le terminer, mais moi ça m'a pris 70h. Y'a des combats qui se sont révélés bien retors et qui m'ont vraiment demandé de me dépasser en terme de tactique, et aussi d'action (changer de couverture au bon moment, bien viser, être mobile contre les zombies, etc).

Les musiques du jeu jouent énormément pour lui. Comment ne pas craquer, comment ne pas frissonner pour mes personnages lors de la mission suicide mise en musique par Jack Wall et son équipe ? Le jeu se termine en feu d'artifice, cette mission suicide c'est de la bombe bébé. Bon par contre j'ai échoué à plusieurs reprises à sauver tout le monde et comme je ne voulais pas voir ça (en plus Kasumi quoi, ma préférée presque) je suis allé sur un Wiki de Mass Effect 2 qui expliquait bien comment ne perdre personne. J'ai déjà lu des retours comme quoi les choix sont faciles pour sauver tout le monde (upselo sur Gameblog), mais moi je n'ai pas du tout trouvé. D'autant plus que mon mauvais choix (qui amenait à la mort de Kasumi) était suivi par la complète approbation de Miranda. Donc bon, je me suis un peu senti piégé sur le coup, et j'avais aucune envie d'assumer ce qui pour moi était un coup de pute du jeu. J'avais pas le sentiment d'avoir toutes les cartes en main de manière à faire les bons choix pour que tout le monde survive. Et comme je tenais à ma happy end... A l'inverse, les améliorations nécessaires de vaisseau, comme je m'étais préparé à fond, je les ai eu naturellement.

Bioware m'a fait plaisir sur un truc : la caméra juste dans le dos de mon personnage dans les phases non-armées. J'ai juste envie de leur dire merci. Ces caméras à l'épaule pour n'importe quelle expérience de jeu me sortent par les yeux. Ils ont fait le choix d'une caméra à l'épaule pour les combats, soit, mais pour les phases d'exploration, relax, sur le vaisseau, dans les villes, ils m'ont rendu une bonne vieille caméra bien lisible et qui te met bien en phase avec la perspective du personnage : je suis heureux. Quel plaisir c'était de contrôler Shepard dans ces phases, bien au milieu de l'écran ! Un plaisir simple que me refuse presque systématiquement cette génération de consoles. A croire qu'ils ont jusqu'à oublié qu'un jour on jouait à des TPS sans caméra à l'épaule et que c'était parfaitement jouable. Pourquoi donc une telle uniformisation ?

Je reproche aux combats une chose c'est qu'ils ne soient pas plus réalistes. On est dans de l'action-RPG mais le mélange action temps réel et systèmes RPG a un peu de mal à passer avec une représentation TPS / réaliste / documentaire de guerre. C'est pas un gros reproche, mais disons qu'avec tout en temps réel, des mouvements de jeu d'action, le système de plusieurs barres de vie à faire descendre avec différentes armes / pouvoirs, ça descend l'action en terme de crédibilité d'un cran par rapport à un vrai TPS comme Quantum Theory (oui, c'est ma référence et j'assume).

Qu'est-ce que je peux dire d'autre sur Mass Effect 2 à part que j'ai grave kiffé et que c'est mon jeu de l'année ? Vivement le 3 ? Je sais pas. Là je cherche ce que je peux lui reprocher, l'objectivité (envers moi-même) va dans les deux sens. Déjà l'aspect technique un peu à la ramasse. C'est pas que le jeu est moche, loin de là, mais il souffre de bugs d'affichage (des personnages clignotent voire sont retournés pendant les dialogues, nous tournant le dos) et d'un frame-rate pas stable : même le générique lague (!). Je pourrais bien dire que l'histoire n'est pas non plus incroyable, pas toujours d'une intensité folle (à la Forbidden Siren premier du nom) et c'est probablement ce qui me ferait lui mettre quatre étoiles plutôt que cinq. Mais bon sang, je tiens là mon jeu de l'année quoi. J'ai accroché à fond à cette aventure, j'étais immergé comme jamais dans l'espace avec Shepard, le Normandy, les agents de Cerberus et les alliés recrutés. C'était une expérience forte, sans doute modeste au niveau du récit (tout le jeu n'a bien sûr pas l'intensité de la mission suicide) mais qui m'a vraiment convaincu.

J'en rajoute : j'ai été à fond dans le jeu pendant une quinzaine de jours, je pouvais plus le lâcher. Encore : Bioware a rendu accessible le mode démentiel dès la première partie, alors que les Yakuza m'obligent à jouer d'abord leur mode difficile trop facile pour lâcher l'extra-hard que je n'ai jamais la motive de faire parce que j'ai déjà passé 80h sur ma première partie.

Appréciation : tout a fonctionné