C'est un jeu d'aventure en pointer-cliquer. Ecrans fixes, personnage visible qu'on fait se déplacer en cliquant sur la destination, objets à ramasser, "énigmes", dialogues.

C'est le scénario le point fort de Puritas Cordis. Et il va falloir que je définisse bien ce que j'entends par là. Je ne parle pas de la trame de fond, une secte qui veut prendre le contrôle du monde. Je suis encore en train d'y jouer et autant si cette trame, bel et bien créatrice d'enjeux pour les protagonistes, n'était pas là, ce serait un scandale parce qu'il en faut une sinon le jeu serait un jeu d'aventure abstrait, autant elle fait de la peine. Le grand méchant est un guignol, les personnages sont tout le temps détendus, le drame n'est pas bien sérieux - on n'a aucun doute sur le fait que les héros empêcheront le déluge de la prophétie.

On est entre le second et le premier degré ; pas assez premier pour que ce soit repoussant façon Tomb Raider, et pas assez second pour avoir l'impression qu'il n'y a pas d'histoire et que tout ceci n'existe pas. On a donc un plutôt bon équilibre sur le ton de l'histoire. Premier bon point. Le jeu a une trame nulle mais parvient à la fois à la faire vivre à chaque instant grâce à une réalisation très soignée (sauf la synchronisation labiale, parfois mystérieusement absente), des cinématiques, des personnages qui parlent beaucoup... Et en même temps désamorcer juste ce qu'il faut sa nullité pour que, tout en continuant de se sentir dans une histoire, on ne soit pas révolté. Ca passe par les dialogues où l'héroïne n'en finit pas de dire des bêtises et par le scénario du jeu.

Le scénario du jeu, c'est ce qui s'écrit quand on joue. Les énigmes. La façon dont Nina, l'héroïne, vient à bout des obstacles sur sa route. Comment elle transporte des mega tonnes d'objets sans sac à dos pour les ressortir comme si de rien n'était (genre la tige de bambou de deux mètres) à l'endroit où elle l'utilise. Comment, pour récupérer une pièce de dix centimes pour acheter un chewing-gum pour coincer la serrure de la porte d'une cellule pour être incarcérée dans celle d'à côté plus tard, elle va convaincre un Italien dépressif de jeter une pièce dans une fontaine à Paris (et comment elle le convainc, tout le cheminement est un récit en soit). C'est con, mais à un point que c'en devient drôle et sympathique. Le jeu fait de Nina, une héroïne d'apparence banale et un peu nunuche, une femme fantasque et folle à lier, qui va chercher systématiquement les façons les plus tordues possibles d'arriver à sa fin. Tout en gardant un aplomb et un humour désarmant. Même son ex, Max, qu'on incarne à certains moments, se rappelle de ses blagues en les déplorant - très bonne idée.

Les écrivains cherchent souvent à briser le 4ème mur où à faire des mises en abîme, genre Nina dit que si elle n'aide pas l'Italien à retrouver le moral (qu'il a perdu à cause d'elle) elle sera condamnée à jouer des rôles de méchantes dans les jeux vidéo. Ou encore, quand on la fait observer une poubelle dans un commissariat, elle répond qu'elle n'y touchera pas et que de toute façon y'a pas l'option ! D'habitude ce genre de moments m'horripile mais ici ça s'accorde avec le ton du jeu, et ça participe à l'humeur et l'humour qui s'en dégagent.

Le gros bon point aussi c'est le jeu en lui-même. C'est un challenge de tous les instants, très efficace car à chaque objet ramassé (et il y en a plein !) on sent qu'on progresse, ce qui rend le jeu addictif et pas de manière artificielle car chaque objet va nous servir. Il m'a fallu un temps pour ne plus m'agacer de mes "blocages" perpétuels et de la tendance "chasse au pixel", mais j'ai fini par l'accepter. C'est un jeu qu'il faut, de mon expérience, lâcher quand on est bloqué. Puis on apprend à bien passer le décor au rayon laser parce que de tout petits objets peuvent être à ramasser, pas mis en évidence. Il y a une aide mais c'est mieux de la désactiver. Je l'ai fait mais je l'ai réactivé à de nombreuses reprises au cours de ma partie. De moins en moins au fur et à mesure que j'acceptais le système.

C'est un jeu qui demande de la patience et qui peut apprendre à s'avouer vaincu, pour un moment au moins. L'aide consiste à cercler de rouge tous les éléments interactifs du décor (ce qui du coup défonce la partie observation peigne fin et chasse aux pixels) et des conseils pour les puzzles du jeu. Lors de ma dernière session, j'étais bloqué, et alors que je pensais que j'étais arrivé à un stade où non, je serais assez fort pour ne plus avoir recours à l'aide qui cercle les objets, j'ai craqué et je l'ai fait. Et... je n'avais rien raté. Je n'ai pas avancé depuis mais ça m'a rassuré de savoir que je n'en avais peut-être plus besoin.

Une expérience sympathique et prenante, mais attention aux crises de nerf ! Faut savoir s'arrêter pour reprendre plus tard et assimiler le principe de balayer des yeux le décor de fond en comble.