Ayant toujours été un peu repoussé par les jeux PC pour leur aspect plus "logiciel/programme" que "jeu/oeuvre/expérience", en tous cas au niveau cosmétique, je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'en avoir un paquet sous la main. En effet, les genres typiquement PC tels que les STR, les jeux de gestion, les MMO et les RPG occidentaux nous inondent constamment de menus, de sous-menus, de statistiques et d'angles de caméra qui privilégient le pratique à l'esthétique, ce qui a clairement tendance à me désintéresser et à me sortir du trip. Ce fut également le cas pour les point'n'click, qui hormis l'excellent Gray Matter (quelle intrigue ! quelle ambiance !), n'ont pas su me passionner outre mesure, la faute à une immersion souvent laissée de côté par des énigmes débiles et incohérentes, qui n'ont comme seul but que de "faire avancer le jeu". Les Monkey Island, les Runaway, les Sam and Max, j'ai eu beau essayer, j'ai toujours trouvé ça chiant comme du jus de pruneau. Pourtant, mon point de vue à l'égard du genre Point'n'click a drastiquement évolué, quand j'ai découvert en 2010 le chef d'oeuvre des tchèques d'Amanita Design : Machinarium.
Déjà, rien que le menu "Press Start" du jeu pose méchamment l'ambiance. Une atmoshpère onirique, une nappe sonore qui interpelle, une étrange ville typée "Metropolis" qui nous est exposée, des détails du décor vivants et avec lesquels on peut interagir (des petits robots volants), et tout cela, visiblement dessiné à la main... De quoi être abasourdi, dès les premières secondes. On y découvre ensuite la patte graphique du jeu, méga-ultra-supra détaillée et d'un style unique, on a presque l'impression que chaque écran du jeu vient d'être dessiné à l'instant-même, et qu'il sent encore la mine de crayon. Visuellement parlant, Machinarium est un monstre de splendeur, presque dôté d'une âme. D'ailleurs, nos yeux en profitent pleinement, car contrairement aux classiques Point'n'click, ici pas de verbes d'action qui viennent pourrir l'écran. Toute interaction se fait directement, instinctivement rien qu'avec le curseur de la souris, et l'immersion n'est à aucun moment coupée.
Le premier plan, la décharge, nous permet de faire connaissance avec notre personnage : un robot un peu destroy qui s'avèrera être infiniment plus charismatique que ce que l'on pourrait croire au premier abord. A travers ses mimiques, ses animations et ses pensées qu'il nous fait partager par le biais de bulles de bande-dessinée, on le découvrira drôle, attendrissant, surprenant. Tellement sincère et bourré de personnages comme de situations tous plus loufoques les uns que les autres, Machinarium parvient à véhiculer beaucoup plus d'émotions que n'importe quel autre jeu du genre, pourtant sans faire intervenir la moindre parole. Il faut dire aussi que le son (bruitages comme musiques d'ambiance) y est pour beaucoup dans cet exploit. Composée par Tomas Dvorak, la bande-son est d'un génie pur, et n'est pas sans rappeler certains titre de Radiohead, que ce soit dans les albums "Kid A", "In Rainbows" ou même durant les interludes du film "Scotch Mist". Bref, c'est du lourd. Mention spéciale d'ailleurs à ce moment de jeu vidéo absolument unique, celui durant lequel on danse par-dessus la musique tout droit sortie de Nouvelle-Orleans jouée par des robots musiciens de rue. Sans doute le meilleur moment du jeu, qui m'aura en tous cas mis en transe !
Après être un peu resté sur ma faim avec les moyens Samorost des indépendants d'Amanita Design, j'ai donc été carrément conquis par ce Machinarium, qui en me racontant une histoire belle, drôle et modeste, ce en faisant toujours preuve de cohérence et de ludisme dans ses énigmes; s'est imposé comme le précurseur d'une ère plus immersive et plus ambitieuse pour le Point'n'click.