A la manière du mésestimé Guerre des Mondes de Spielberg, Godzilla prend le parti aussi audacieux que casse gueule de délaisser le gigantisme de ses créatures pour adopter le point de vue plus intimiste des pauvres humains aux pieds de ses dieux vengeurs. Originalité déjà symptomatique dans Monsters, expérimentation intéressante mais tournant rapidement à vide, Gareth Edwards s'efforce à nouveau de montrer le plus souvent possible les ravages démesurés des monstres à travers le regard des humains spectateurs quitte à frustrer par moment les attentes du public en manque d'action. Une intention louable appuyée brillamment par une mise en scène redoublant d'inventivité mais dont la portée émotionnelle se retrouve hélas rapidement limitée par un récit devenant au fur et à mesure de sa progression proprement calamiteux. Dans son incapacité croissante à gérer la multitude de ses personnages, l'intrigue n'est en effet jamais capable de reproduire sur le plan narratif la tension apocalyptique que le cinéaste s'efforce de faire apparaître sur le plan visuel. Le cadre est pourtant déjà en place avec ces magnifiques ambiances bibliques mais rien n'y fait, l'écriture patine de plus en plus et fait basculer l'action vers un spectacle convenu et formaté là où la réalisation voudrait y apporter une nouvelle sensibilité.
Entre les militaires qui ô surprise vont faire des conneries et empirer la situation, des scientifiques à l'air toujours très concerné murmurant "My God Unbelievable" et la sempiternelle blonde en danger implorant son mari de rentrer au plus vite car "tu comprends chéri je suis pas assez forte pour prendre une voiture et m'enfuir avec mon gosse même quand trois monstres géants se dirigent vers la ville" aucun cliché n'est épargné au spectateur, le tout acheminant vers un final tellement grotesque qu'on le croirait sorti du navet de Roland Emmerich. Et en parallèle de tout cela où sont les victimes sauvagement tuées dans l'affrontement des monstres? Où sont les familles déchirées, tétanisées par leur impuissance devant les catastrophes naturelles? Où est le stupéfiant amoncellement de cadavres qui était mis en avant dés le premier trailer du film? Aucun de ces éléments n'est présent dans le produit final dont l'ambition initiale semble finalement n'être qu'une vaste supercherie au profit d'un résultat bien plus traditionnel. Un constat bien amer surtout en considérant que même le décevant Pacific Rim de Guillermo Del Toro, à l'ambition pourtant plus décomplexée, parvenait davantage à montrer le chaos terrifiant de ces Kaiju à travers une scène d'enfance traumatisante.
Paradoxalement, la meilleure partie du film se retrouve ainsi être la première, celle où le monstre donnant son titre à l’œuvre y est absent, car c'est le seul moment où le récit ne vulgarise pas son propos et reste focalisé sur sa dimension humaine, à travers la relation touchante entre un fils fuyant désespérément son passé et un père ne pouvant y renoncer, le tout mené par un Bryan Cranston à nouveau brillant. Pour le reste, l'ingéniosité de la mise en scène parvient à assurer une immersion suffisamment importante pour ne pas être totalement dégouté par le récit, parvenant même à véhiculer plusieurs moments de bravoure dans son final dont une scène de parachutage à faire bander tous les cinéphiles. Mais il est toujours frustrant de voir autant de talent cinématographique gâché au service d'un produit bien trop formaté pour rendre justice au potentiel de son cinéaste. Godzilla n'est finalement rien de plus qu'un bel exercice visuel mais dont l'absence d'émotion et de consistance narrative laisse le sentiment amer d'un pétard mouillé.