Si elle conserve un noyau solide de fans nostalgiques, la popularité concrète de Saint Seiya demeure incertaine auprès du jeune public. Cet équilibre entre licence morte et saga toujours vivace a eu pour qualité d’occasionner un grand nombre de spins off, suites et autres reboots de qualité aléatoire pour interpeller une nouvelle génération de fans, alimentant ainsi en permanence l'actualité de la série. Mais dés qu'il s'agit de s'attaquer à la saga originelle de Masami Kurumada sans la moderniser, les ambitions sont alors clairement plus limitées. Entre les catastrophiques OAV d'Elysion ou les séquences animées du Pachinko, il convient de se faire une raison, la série animée Saint Seiya ,telle que nous la connaissions, est désormais dans l'ombre et ne peut prétendre bénéficier d'une nouvelle exposition financière majeure.
Cette réalité de la franchise explique en grande partie le sentiment véhiculé par ce Saint Seiya Senki dont le manque explicite de budget entache la dimension épique et tragique de la série originelle. Une économie de moyens particulièrement désagréable dans le mode Histoire du jeu dont la seule ambition est de dépeindre le très (trop) populaire chapitre des chevaliers d'or en occultant les évènements antérieurs à ce dernier. Les cinématiques se contentent de reproduire à l'identique celles du premier jeu de combat PS2 et souffrent donc du même manque d'inventivité visuelle, ayant toutes les peines du monde à reproduire l'impact émotionnel de la série. Une lacune d'autant plus regrettable que la mise en scène de la série animée était l'une de ses principales forces, parvenant à compenser son animation minimaliste, en étant appuyé par la qualité du chara design et de sa bande sonore, deux éléments que ce jeu vidéo vient également dénaturer. En effet, le style visuel du jeu privilégie très clairement la ressemblance avec les Myth Cloth au prix exorbitant au détriment du trait de Shingo Araki tandis que les compositions musicales délaissent l'orchestre symphonique pour du synthé bas de gamme. La version Japonaise du jeu avait eu droit aux musiques originales (mais remixées) de la série, l'édition française ne conserve que Pegasus Fantasy en guise d'introduction et de combat final accompagnée de la survie inattendue de Blue Forever en version instrumentale.
Bref entre la médiocrité de la mise en scène, des personnages aux allures de figurines et une bouillie musicale dépeignant l'ensemble, il devient compliqué de s'immerger dans le récit voir de ne pas se moquer des économies du jeu comme sa fainéantise de ne pas montrer des environnements extérieurs au Sanctuaire, ce pauvre Hyoga pleurant dans le vide l’enlisement du bateau de sa mère. Le casting vocal assure heureusement son travail avec la présence salutaire de plusieurs seiyus légendaires des Gold Saints, survivants de la série originelle. Il faudra par contre s'habituer au changement des seiyus pour les chevaliers de bronze mis en place depuis les OAV Inferno et la voix particulièrement horripilante de Shun.
L'adaptation globale est donc très mitigée sur le plan de l'ambiance mais qu'en est t-il du gameplay? Le constat n'est guère fameux au début, encore plus si vous êtes un réfractaire du style Muso à affronter des centaines d'adversaires débiles dans des affrontements bourrins et répétitifs alors que de surcroît les combats de la série animée se prêtaient très peu à ce genre de transposition. Et pourtant une agréable surprise se dessine au bout de quelques heures et parvient concrètement à sauver le jeu du naufrage : la diversité de ses combattants. Saint Seiya Senki est le premier jeu vidéo de la série (et peut être toujours le seul à l'heure actuelle) à prendre réellement en compte les compétences martiales de chaque chevalier et à les retranscrire dans leur maniement, parvenant ainsi à obtenir une variété de héros dont le feeling est différent d'un personnage à l'autre tout comme dans la série animée où chaque chevalier possède ses techniques particulières.
Si cette diversité ne sert quasiment à rien dans les séquences de beat them all, elle est plus significative face aux affrontements de boss qui constituent de loin les séquences les plus réussies et qui, dans les modes de difficulté avancés, parviennent à donner la sensation grisante d'affronter véritablement les surhommes en armure d'or. Si tous les combats contre les chevaliers d'or exploitent la même mécanique de septième sens/esquive/contre attaque, un effort louable de variété a été effectué pour reproduire à nouveau l'originalité des combats dans la série animée. Enfin une autre qualité vient alléger ce bilan au départ mitigé mais il faudra être un fan hardcore de la série pour l'apprécier : l'écriture du jeu.
Cette dernière se contente bien sûr de reproduire au départ les répliques de la série en offrant parfois un mélange bienvenu avec plusieurs dialogues du manga absents de l'adaptation animée mais offre également de nombreux dialogues inédits entre les personnages durant les séquences de beat them all ou les scènes inédites comme tout le chapitre Aiolos. Cela peut paraître anodin mais à aucun moment ces dialogues supplémentaires ne paraissent superflus ou déplacés par rapport au récit originel et offrent ainsi un supplément narratif très appréciable pour le fan connaissant cette histoire par c½ur. Un fan service bien exploité qui aurait même pu faire pencher le chevalier de la balance en faveur du jeu s'il avait été accompagné d'une vraie générosité dans le contenu mais avec ces multiples DLC et bonus de précommande, le jeu de base se limite à refaire les mêmes niveaux avec les bronze five, deux chevaliers d'argent et les chevaliers d'or (sans Dohko ^^).
Au final le minimum syndical est accompli grâce à quelques qualités consistantes, qui se découvrent sur le long terme mais parviennent à compenser les nombreuses fainéantises de la conception du jeu. A plein tarif cela faisait tout de même sacrément cher l'opération fan service mais aujourd'hui le jeu est disponible à un prix plus raisonnable. Un peu comme si on avait vendu un tournoi sur les Chevaliers d'Or et qu'on obtenait les Galaxian Wars à l'arrivée. A vous de déterminer si c'est une honte ou si, étant donné la réalité de la franchise, c'est déjà ça de pris.