Avant de m'attaquer à la critique de ces mastodontes, j'aimerais revenir sur certains aspects qui m'ont profondément marqué dans ces jeux. J'invite évidemment tout le monde à donner son avis sur le sujet sans se gêner et je préviens d'office qu'il y aura des spoils sur les deux jeux (et peut-être d'autres) dans cet article. Deux petites remarques avant de commencer : Je n'ai pas joué à Demon's Soul ce qui influence forcément ma perception de Dark Souls contrairement aux personnes qui ont joué au précédent titre de From Software. Peut-être que Demon's Soul est plus abouti que Dark Souls, je l'ignore. Ensuite, même si je pense qu'on peut analyser The Phantom Pain et Dark Souls au travers de la philosophie de Nietzsche (comme Sensui l'a fait avec son article sur Shin Megami Tensei 3 ici, lisez-le il est bien!) je n'ai pas les connaissances requises pour une telle analyse. Le titre est juste un clin d'oeil donc.

Dark Souls est un jeu sorti en 2011 de Hidetaka Miyazaki développé par From Software. Metal Gear Solid V The Phantom Pain est sorti en 2015 et nous avons tous que c'est un titre de Hideo Kojima et de Kojima Productions. Les jeux n'ont pas beaucoup de points en commun de prime. Ce sont des jeux japonais à gros budgets, mais le premier est Action-RPG dans un univers de Dark Fantasy, alors que le second est un jeu de guerre et d'infiltration en monde ouvert. Le premier a bâti sa réputation sur sa difficulté légendaire à une époque où les jeux se facilitaient pour le grand public. Le second est le dernier épisode d'une longue série datant de 1987. Néanmoins, ils utilisent des procédés de mise en scène propre au jeu vidéo de la même façon et partagent des thèmes communs. C'est ce qui m'intéresse dans cet article.

 

 

La Douleur Fantôme du Joueur

 

L'un des évènements les plus forts et les plus impliquant qu'il m'ait été donné de jouer dans Dark Souls fut l'histoire liée à la Gardienne du Feu du Sanctuaire de Lige-Feu. Le Sanctuaire de Lige-Feu dans Dark Souls est une zone de paix où les rares personnages de l'univers viennent se reposer. On la découvre peu après le didacticiel. On y passe une grande de son temps à cause de nos échecs répétés et elle se situe au carrefour de la première partie du jeu, on peut accéder à de nombreuses zones par le biais de raccourcis. Le Sanctuaire de Lige-Feu possède un Feu de Camp qui fait office de point de sauvegarde et ce feu de camp est lié à une Gardienne du Feu. Une femme vêtue de haillon se situant en bas du Sanctuaire qui ne parle pas. Comme le nombre de personnage est très faible dans Dark Souls, elle suscite quand même notre attention et certains objets font référence à ce personnage.

 

Plus tard, dans le jeu, la Gardienne du Feu sera assassinée. Son corps a disparu et il ne reste que ses vêtements qu'on peut ramasser. Sur les lieux du crime, on trouve un objet censé nous permettre de retrouver le coupable plus tard dans le jeu. Un personnage qu'on avait libéré plusieurs heures auparavant et qui possédait un intérêt non-dissimulé pour la Gardienne. La Gardienne du Feu morte. Le Sanctuaire de Lige-Feu perd son Feu de Camp qui est à la son point de sauvegarde, son point de téléportation et de gain de niveau. (Si mes souvenirs sont bons même la musique du Sanctuaire s'arrête. Dans Dark Souls, les musiques sont exclusivement réservés aux Boss et aux cinématiques sinon)

 

Faisons un tour du côté de The Phantom Pain. Dans le titre de Kojima, on incarne Venom Snake en quête de vengeance contre Cipher. Dans son désir de vengeance, il créera les Diamond Dogs, sa nouvelle armée, et déjouera le plan de Skull Face. Dans The Phantom Pain, on peut être accompagné en mission par des alliés gérés par l'intelligence artificielle. Parmi eux se trouvent un cheval, un loup de combat, un robot-véhicule et une femme répondant au doux nom de Quiet. Quiet est une snipeuse dotée de capacités surhumaines dans la veine des boss de la saga Metal Gear Solid. Au combat, il s'agit d'une alliée surpuissante alignant à la perfection les headshots grâce à son fusil et se déplaçant à une vitesse surhumaine grâce à ses pouvoirs. Elle pourrait limite accomplir la mission sans nous. Cependant, lors d'une des dernières missions du jeu, elle se sépare de Venom Snake et s'en va vers son destin.

 

La mort de la Gardienne du Feu et la disparition de Quiet partagent comme similitude le fait que leurs disparitions au sein de l'histoire s'accompagnent d'une lourde pénalité pour le joueur dans le système de jeu. Dans Dark Souls, on perd un lieu de quiétude et de sauvegarde. Dans The Phantom Pain, on perd une alliée importante qui facilite le jeu et qui ne peut pas être remplacé par une autre personne ou buddies. (à moins de télécharger les derniers patchs) Quiet est lié à un son, la chanson qu'elle chantonne constamment et qu'on entend au travers de notre oreillette, alors que la Gardienne du Feu est lié au thème musical du Sanctuaire. Leur absence dans ces deux jeux deviennent réellement « physiques. » Le joueur ressent donc un manque réel à l'absence de ces personnages, la narration et le jeu s'allie pour faire ressentir quelque chose de fort au joueur. Néanmoins, il faut signaler que le manque que nous ressentons n'est pas forcément la douleur que ressent le personnage en jeu. En d'autres mots ; le joueur peut-être contrarié parce qu'il y a un manque dans le système de jeu et non parce qu'on lui communique la tristesse de son personnage. Ce décalage est atténué par le fait que les personnages dans Dark Souls et The Phantom Pain sont des coquilles vides, des avatars du joueur. On n'essaie pas de transmettre les émotions de notre personnage comme dans un autre média, on part du principe que ce qui touche le joueur touche l'avatar qui sont au même plan.

 

Je trouve ça réellement intelligent que sur le long terme on exprime les émotions d'un personnage (même une coquille) à travers le gameplay. En supprimant, des éléments d'interactions qui affectent le système de jeu et qui produit un manque réel. Cela demande un investissement important au joueur avant de lui priver d'un élément, mais ça en vaut la peine. Dans Dark Souls, cependant la mort de la Gardienne du Feu est temporaire. Oui ! En affrontant son meurtrier, on peut récupérer son âme et la ramener à la vie et la surprise ! Elle se met à parler ! Quelques mots pour nous remercier d'abord. Puis quelques phrases abscons. Des remerciements. Puis elle nous demande une faveur. Alors qu'on approche de la fin du jeu, qu'on se met à rassembler des âmes sans trop savoir pourquoi (je m'en fichais un peu) la Gardienne nous demande d'une voix tendre de lui libérer de sa malédiction en accomplissant le plan prévu par un autre personnage. En gros, de perpétuer l'âge du feu en renouvelant la Première Flamme. Je vais être honnête. J'ai fini l'histoire de Dark Souls pour ce personnage avec qui je me suis lié d'empathie. Je voulais qu'elle cesse de souffrir dans ce monde désolant alors j'ai accompli la prophétie sans protester. C'est normal, dans un jeu de suivre la quête principale et de sauver le monde, non ? Cependant, alors que le dernier ennemi est vaincu et que j'embrasse ma destinée la cinématique de fin me laisse de marbre. Une conclusion de moins d'une minute où on sous-entends que rien n'a été résolu et qu'un nouveau cycle infernal s'est enclenché. Je ne comprends rien. Ce même sentiment survient quand je termine la mission 46 de The Phantom Pain où je rejoue le prologue avec quelques minutes de différence.

 

 

L'âme sombre des créateurs

 

 

Super Mario Bros., Bioshock, Portal, Metroid Fusion, la manipulation est au cœur des histoires de jeu vidéo. À travers un personnage omnipotent, un protagoniste qui se révèle être un traître ou tout simplement le développeur par le biais du game design. Le Game Design est une histoire de manipulation, il est normal que les histoires de jeu vidéo privilégie ce thème et avec lui le libre-arbitre. Ce que font Dark Souls et The Phantom Pain n'ont rien de très original, mais ils partagent un propos commun. Il nous faut prendre de la distance vis à vis des légendes, des histoires et des informations en général. La légende de Big Boss tout d'abord, véhiculé par le background de la série dans les épisodes précédents, celle du mercenaire ultime qui s'est retourné contre le monde entier, dont les histoires sont faites d'exagérations et surtout de manipulation. Venom Snake en témoigne puisqu'il est individu « ordinaire » qui dans un contexte précis et grâce à des schèmes informationnels est devenu un héros. Le bouc-émissaire du véritable Big Boss. Il a fondé sa propre armée pour se venger d'un individu et le monde s'est retourné contre lui, car on ne le voyait que comme terrorisme. Ce qui est logique puisqu'une armée sans nation obéissant à la volonté d'un seul homme et lui vouant un culte ne mérite pas d'autre nom. Les légendes de Dark Souls ensuite présentaient à travers les descriptions fantastiques de nos armes, à travers les propos de notre protagoniste ou la cinématique d'introduction. Dans Dark Souls, à moins d'étudier les éléments qui se présente à nous avec minutie, on servira uniquement de marionnettes pour les dieux d'Anor Londo. On alimentera le Feu en étant persuadé d'être le héros d'une prophétie, alors qu'on est en réalité une chaire à sacrifice. Même si on peut inverser le cours des choses et choisir une autre fin si on réunit suffisamment d'éléments à notre disposition.

 

Il est question de guerre invisible dans ces deux titres où le contrôle de l'information est capital. Venom Snake est un fantôme face à un Skull Face tout aussi fantomatique, mais ils ne sont que des pions de Big Boss et de Cipher qui se livre une lutte vieille de plusieurs années. Dans le contexte même de la Guerre Froide. Dans Dark Souls, le Pigmé attend que les Dieux s'éteignent et il place sa marque soigneusement sur certains humains pour prendre sa revanche. Nos combats aussi épiques soient-ils, ne sont que des gamineries face à cette lutte millénaire entre deux entités. Les légendes (Dark Souls) et les informations (The Phantom Pain) ne sont que des instruments de pouvoir qui servent les puissants dans leur guerre. Les Dieux ayant déserté Anor Londo ou le réseau d'information de Zero qui se nomme Cipher. L'endoctrinement, les évènements historiques, les commémorations, ce serait partir loin que de faire des échos avec notre monde contemporain. Surtout que ces jeux semblent parler des légendes et des histoires en général de par le contexte de leurs histoires, mais il fallait que je dise pourquoi je trouvais ces titres très proches et très intelligents. On est face à un véritable pessimiste dans ces jeux je trouve sur la figure héroïque, sur la culture et son influence qu'elle a sur nous. D'où le choix du titre « Crépuscule des Idoles » parce que Dark Souls & The Phantom Pain parlent d'une sorte de fin pour les légendes. On ne peut plus y croire. On est même face à une sorte de mépris pour le culte des héros et des légendes sauf que cette fois en voyant le problème de l'intérieur, en plaçant le joueur dans une doctrine dont il n'a pas relevé les mensonges et les fausses promesses.

 

Dark Souls présente le combat d'un zombie, une « Carcasse » qui cherche à rompre une malédiction en affrontant des créatures aussi puissant que des dieux. The Phantom Pain est le théâtre d'une vengance absurde ne menant à rien jouer par un héros victime d'un quiproquo géant qui improvise sans cesse avant de se souvenir qu'il n'était pas l'acteur de cette pièce. Pourtant, on nous l'avait dit en 2013, tout ceci n'est que « A Phantom Battle Waged by the Vanished. »