Ceci n'est pas un test d'Alice : Retour au pays la folie. Si vous cherchez un test sur ce jeu, je vous renvoie aux écrits des membres de Gameblog qui ont déjà tout dit mieux que moi. Ceci n'est pas non plus un vrai test comparatif entre les titres, je succombe à la facilité des catégories numérotés pour écrire plus vite, mais il n'y aura pas de comptage de points et, par conséquent, pas de titre réellement supérieur à un autre. La partie scénario ne vous révélera pas la fin des titres ; enfin, comprenez que ça va quand même spoiler des choses sur les deux titres.

Qui est American Mcgee ? Question rhétorique. (voilà, ça c'est fait) Nous allons parler des ré-interprétations d'Alice de Lewis Caroll par ce développeur américain en cherchant les différences et les points communs de ces deux titres.
J'ai fini American Mcgee's Alice il y a quelques années sur PC et j'ai terminé Alice Madness Returns depuis quelques jours. Et pour rendre à César ce qui revient à César, je m'inspire du test de Lollipop Chainsaw de Joniwan, bien que je doute que ça vous fasse le même effet (on ne peut pas tous être César, hein).

Attente & Impacte

Commençons par le commencement. American Mcgee's Alice est sorti en octobre 2000 sur PC ; un TPS mettant en scène une Alice dans un monde malsain et violent. Un épisode fort, acclamé par la critique et les joueurs pour avoir transformé le Pays des Merveilles tout en jouant sur l'idée que l'héroïne était folle comme le suggérait Lewis Caroll autrefois. On peut admettre ce jeu est une belle une surprise qui a marqué les joueurs et aujourd'hui le considéré comme un classique, même si sa réédition sur console a sans doute cassé le mythe autour de lui.

Est-ce que ça veut dire qu'il a eu plus d'impact que son successeur ? Difficile à dire, parce que Alice Madness Returns n'est pas la suite décevante arrivée un an plus tard, non, son annonce fut en soit une surprise en 2009. Les fans sont heureux d'une suite, mais le jeu profite aussi d'une visibilité particulière grâce au film de Tim Burton. En effet, les nouveaux venus disaient souvent "C'est à ça qu'aurait dû ressembler l'Alice de Burton", ils cherchent amoindrir leur déception ou a contrario ils veulent couper net avec Alice. Je crois fermement qu'après tant d'année l'annonce d'une suite n'a été que plus impressionnante.

Après, tout n'est pas joyeux, le jeu a beau être torturé et violent beaucoup d'autres sont passés par là, par exemple Epic Mickey avec son style burtonesque ou les Silent Hil qui sont bien plus malsains.  Le jeu n'attire qu'un public restreint ; des amoureux de cette ambiance assez unique pas trop exigeant dans le gore et par la technique (les premières images du jeu ont rapidement dépités certains). À sa sortie, le jeu se tape de mauvaises notes et le succès est minime, le jeu a donc réussi à créer une attente à son annonce, mais n'a pas pu percer comme son illustre ancêtre.

Scénario

Les cinématiques de Alice Madness Returns sont pour le moins... originales.

Dans le premier jeu d'American Mcgee, Alice est actuellement à l'état de légume dans une maison de fou, elle s'est retrouvée dans cet état à cause du syndrome de la culpabilité du survivant suite à la mort de ses parents et sa soeur dans un incendie. À l'asile, Alice est rappelé dans le pays des merveilles par ses habitants pour arrêter la tyrannie de la Reine de Coeur.

Dans sa suite, Alice est sortie de l'asile et suit des cours de ré-éducation avec un psychologue. Elle essaie d'oublier définitivement la lutte du Pays des Merveilles et la mort de sa famille pour pouvoir vivre tranquillement. Malheureusement, elle se retrouve de nouveau dans son monde imaginaire, mais cette fois-ci pour arrêter un Train Démoniaque qui se met à anéantir le Pays.

Il est intéressant de se pencher sur la structure des deux scénario qui se ressemblent beaucoup à première vue. Dans le premier titre, on suit une aventure à travers le Pays des merveilles sans temps mort pour trouver et anéantir la Reine, le contact avec la réalité ne se fait qu'au début et à la fin du jeu. L'histoire est surtout un voyage concluant sur une rédemption. Dans le second titre, en revanche, les retours à la réalité sont plus fréquents à chaque chapitre pour être exacte et les évènements poussent Alice à s'interroger sur la vérité autour de la mort de sa famille. On se retrouve dans une histoire d'enquête personnelle.

Une histoire de rédemption lancée dans un monde imaginaire hostile, le voyage. Une enquête personnelle découpée en acte, entre la réalité et la folie. Deux méthodes très différentes pour des pitch assez similaires qui évitent l'aspect de redite. J'ai une nette préférence pour la trame de Madness Returns et sa fin, aussi pour sa mise en scène particulière à base de drôle cinématique. (voir l'image au-dessus).

Direction artistique & Univers

Mine de rien, ça va être rapide parce que de toutes façons les deux jeux possèdent une direction artistique phénoménale.
Le monde de American Mcgee's a une forme plus compact  puisqu'il n'y a aucune coupure dans le jeu, les transitions se font normalement et une carte s'affiche souvent pendant les temps de chargement pour nous montrer où nous en sommes. Cette notion de continuité sans hachure donne aussi l'impression que l'environnement est beaucoup plus varié que son prédécesseur où le format en chapitre nous évoque "un thème, un lieu, un chapitre" donc uniquement 5 thèmes. D'accord, ce n'est pas tout à fait vrai, mais on n'en est pas loin.

Les décors de Madness laissent bien sûr plus de place à l'interprétation puisque les chapitres sont souvent liés à des thèmes et à la réalité de Londres, un argument face au premier Alice qui ne faisait que ré-interprétait l'oeuvre de Lewis Caroll (sauf si on déteste interpréter). Les environnements sont sinon très proches, si ce n'est que l'aspect plate-forme du titre actuelle affecte le level-design avec ses plate-formes aériennes et invisibles à tout va. American Mcgee's Alice, lui, était beaucoup plus terre-à-terre, si j'ose dire, vu qu'on mettait plus l'accent sur les combats. Pourtant, malgré cette différence fondamentale les décors restent tous les deux oppressants et grandioses.

Réalisation

Les jeux vidéo, ils vieillissent tellement bien qu'on peut s'amuser à comparer de grands classiques d'hier à des blockbusters d'aujourd'hui. Il n'y a rien d'absurde à comparer la réalisation de deux titres avec une dizaine d'année d'écart, voyons !
Non, ne vous attendez pas à une chute drôle où je vous explique la méthode de comparaison comme une évidence puisque c'est une évidence après tout.

Même si j'ai joué au premier opus sur PC il y a quelques années, ce fut tout de même bien après la sortie du jeu -comprenez en 2001, je faisais des choses plus innocentes que jouer à ce genre de titre - et même si je l'ai toujours trouvé jolie, un petit tour sur Gamekult et JV.com devrait nous renseigner sur l'avance (ou le retard) du titre à sa sortie : le résultat avait été très bon, on avait salué la qualité du titre qui a été réalisé avec le moteur de Quake III.

Le second épisode, lui, a été réalisé avec un moteur plus lambda ; l'Unreal Engine 3. Je ne critique pas les capacités de ce moteur, il a réussi des titres plutôt beaux comme Gears of War, Batman Arkham Asylum ou Bioshock, mais force de constater que les titres ont la fâcheuse tendance à se ressembler. Une difficulté supplémentaire pour se démarquer.  Pour remuer le couteau dans la plaie, la suite d'Alice est particulièrement à la ramasse : la plupart des textures sont horribles à voir de près. On ne parlera pas non plus des multiples bug sur les versions consoles, les temps de chargement en plein jeu et surtout l'absence de patch.

Respect de l'oeuvre de Lewis Caroll

En s'embarquant dans une histoire d'enquête, le second Alice pourrait à première vue s'éloigner de la ré-appropriation pure de l'oeuvre originale pour se concentrer sur son statut de suite, c'est le cas. Le premier était en soi un jeu fan-service avec ses nombreux personnages et les ressemblances avec le livre alors même si le second en propose presque autant, ils seraient plus difficiles de se faire une idée des péripéties et des relations du livre en comparant avec la trame principale du jeu. Certains points changent complètement pour éviter le redite avec le premier épisode : pas de course poursuite avec le Lapin Blanc, la Reine Rouge n'est plus l'ennemi numéro 1...

On pourrait croire que Madness Returns est plus proche de American Mcgee que Lewis Caroll. En faites, non, le titre garde un excellent équilibre entre les deux esprits tout simplement parce que le dialogue est privilégié avec les habitants du Pays des Merveilles. Je n'ai pas lu les deux livres originaux en entier, mais je me souviens que le malaise d'Alice apparaissait surtout dans les discussions avec les autochtones et c'est quelque chose qui revient dans le jeu. D'ailleurs, les répliques se veulent dans la même veine que ceux des livres avec des jeux de mots tordus, des répétitions, des confusions et des faux-proverbes qui apparaissent pour l'exercice. Sans oublier les services absurdes qu'on rend aux habitants (bon, ça c'est le côté jeux vidéo qui veut nous transformer en larbin).

La violence

Ne vous fiez pas à cette image. On nous a (un peu) menti.

Non, non, ceci n'est pas une catégorie ajoutée à la va-vite pour obtenir un dixième point (je vous donne un indice : il est en vérité à la fin).  Je pense que vous avez très bien saisi qu'il faut éloigner ces jeux des plus jeunes et des plus névrosés d'entre nous sans débattre. Seulement, à y regarder de plus près, ces deux titres ne possèdent pas exactement la même violence...
Le vieux titre profitait de la vague des FPS PC pour proposer des ennemis qui explosaient dans un bruit bien trash en laissant leurs organes à terre dans une marre de sang. Parait qu'en plus c'était très évocateur vu la qualité graphique des titres à l'époque... Enfin, s'il n'y avait que ça... On devait vivre nos game over en voyant notre chère Alice brûlée, noyée, découpée, hurlée en tombant dans le vide...

En 2011, hors de question de sortir un titre un tant soit peu sérieux avec la même violence, même quand MadWorld et The Darkness 2 sortent sur cette génération ! Du coup, Alice disparait dans une nuée de papillon à chaque mort, les ennemis se dissipent lentement comme des apparitions. (exactement comme Downpour) Oui, ça mérite un PEGI18, mais c'est nettement moins gore qu'à ce qu'on pouvait s'attendre. C'était sans compter sur toutes les allusions aux sexes du jeu : prostituées, enfant de putains, les insultes qu'Alice reçoit en marchant dans les rues, les statuettes de geisha dans un niveau... Mais bon sang, j'y pense folie et sexe, ce jeu est un hommage à Freud et ses disciples ! On reste quand même un peu subtil, il ne s'agit pas de banaliser le sexe comme on a autrefois banalisé la violence, non.

Philosophie & Gameplay

Ça va être long... On va être clair, la philosophie des gameplay des deux Alices sont très proches. Quelles conneries pseudo-scientifiques il nous sort ? vous vous demandez. Je veux dire que la réflexion pour les jeux sont très proches. Mais encore ? American Mcgee (ça ne peut être que lui puisque les équipes, elles, sont différentes) ne trouve que rarement de nouvelles idées de gameplay exceptionnelles et donc il recycle. Son premier jeu est un TPS avec une maniabilité old-school très proche des FPS, un peu comme les modes 3e personne de ces vieux titres. Son second titre, lui, combine Beat them all japonais, un sous bayonetta comme dirait certains, et des mécaniques de TPS avec une caméra d'épaule est des armes classiques.

J'aime beaucoup le gameplay de American Mcgee's Alice, on a une dizaine d'arme pour s'amuser et il est difficile de faire la comparaison avec d'autres armes classiques de jeux vidéo. Des cartes tranchantes, des osselets mortels, des dés invocateurs de monstre, une montre qui stoppe le temps et j'en passe ; avec tous ces jouets on s'amuse à chercher laquelle est la plus efficace selon la situation. Dans Madness Returns, le résultat est plus mitigé ; on a beaucoup moins d'armes, elles ressemblent à des armes de BTA  et de TPS avec un autre skin, leur système d'upgrade est mauvais ; quant aux ennemis, ils sont moins exigeant à abattre certains demandent une technique précise, d'autres non et on fait vite le tour. Même difficulté pour les deux jeux aussi sauf le premier si vous le faites sur console.

Nouvelle génération à base de trophées et de récompenses oblige : Madness Returns possède beaucoup plus d'à côté que son ancêtre. Message audio à chercher, monnaie pour améliorer ses armes, salle de défis ; ces options-là sont plutôt justifiés par l'histoire et sont bien des quêtes annexes pour augmenter la durée de vie. On a aussi des changements radicaux de gameplay comme des phases de shoot ou des énigmes d'échec voire même des jeux de rythmes... Je suis plutôt contre ces ajouts, dans le premier jeu aussi on avait des phases de jeu différentes, mais sans chambouler tout le gameplay. On remarque aussi que ces phases se renouvellent difficilement, sont usées jusqu'à la moelle et peuvent parfois être sautée (éludée) alors qu'elles sont au beau milieu de l'histoire. "Casual..." murmurai-je en voyant ces pétards mouillées.

L'introspection et la Folie

Pas de suspens,  la victoire revient à Alice Madness Returns. Je ne ferai pas de rédite avec la partie scénario ou la direction artistique qui explique cette victoire ; je vais juste parler d'un point de gameplay qui me semble géniale : les messages audio. Des messages audio à trouver à travers les niveaux comme les Missiles de Samus dans Metroid. Aucune originalité dites-vous voire complètement idiots comme d'habitude, je suis aussi de cet avis d'habitude. Sauf que ces messages audio sont des fragments de souvenir. Des souvenirs éparpillés dans ce monde de fou. Alice essaies bien d'oublier les horreurs tout en préservant les meilleurs moments de son ancienne et les créateurs illustrent très bien.

La Bande-Son

Alors, pour la bande-son de American Mcgee's Alice on peut remercier Chris Vrenna, il a aussi travaillé sur le deuxième épisode avec en plus Marshall Crutcher. Je préfère les thèmes de Chris Vrenna, bien plus délirant même si ceux de Marshall ont un côté tragique nécessaire à l'histoire. La technique de Marshall est quand même plus classique, tout comme sa mise en scène de la musique. Dans AMA, les thèmes sont présents pendant tout le long d'un niveau sans s'arrêter, tandis que dans AMR il s'adapte à la situation comme l'apparition des ennemis dans une arène. Encore une fois, à titre personnel, la première mise en scène gagne ma sympathie en dépit de la deuxième.

Deux extraits. (le deuxième est une extension, j'ai pas trouvé la version courte)

Le Chat de Cheshire

Bon, voilà le point inutile qui est là pour compléter, une comparaison qui illustre le scriptage des jeux actuelles. (comment ça je suis vieux jeux et mesquin ?)

American Mcgee's Alice : Tu appuie sur un bouton quand tu veux, le chat apparait et il te sort une phrase philosophique macabre. Good
Alice Madness Returns : A des endroits et moments précis, un signal s'affiche, tu appuies sur le bouton adéquat et si ça bug pas la caméra se centre sur notre minou et il sort une belle phrase scriptée. Bad.

Évidement, si vous trouvez la seconde idée plus judicieuse, c'est que vous êtes prêts à condamner le jeux vidéo au QTE et au cinéma interactif...

 

L'objectif de ce comparatif était à la base de voir lequel des titres étaient meilleurs que l'autre. Puis, à la création des 10 catégories, je me suis rendue compte que la suite d'Alice est non seulement une bonne suite mais en soit une sorte de reboot.  L'idée de la comparaison n'était que de mettre en évidence cette impression (j'espère avoir au moins réussi ça). Je pense qu'au final ce fût la meilleur chose à faire pour éviter le redite et préserver un peu le mythe du premier épisode... Quoique... Un remake d'Alice avec un gameplay à la Max Payne 3 sur cette gen...?