On croyait le projet bel et bien enterré, le voici qui ressurgit de nulle part. La franchise TimeSplitters revient dans un épisode multijoueurs sous-titré Rewind sur PlayStation 4, nous apprend CinemaBlend.com. C'est une petite équipe composée de 35 développeurs qui travaillera - à temps partiel - à l'élaboration de ce pot-pourri labélisé Cry Engine 3, se payant même le luxe de snober les réseaux de financement participatif. Mais rien n'est encore fait. Il manque à ces impétueux développeurs la précieuse approbation de Crytek, propriétaire de la marque depuis le rachat (et dépeçage en règle) de Free Radical en 2009.
 
 
Ce studio anglais était une émanation du fleuron Rareware. Trois membres très influents de l'équipe GoldenEye (8 millions d'exemplaires sur N64) avaient claqué la porte de ce qui était la propriété de Nintendo avant d'être cédé à Microsoft pour la bagatelle de 375 millions de dollars en 2005. Free Radical était né du désir de s'affranchir des fortes pressions exercées par le fabricant japonais alors que la grande majorité du groupe était encore universitaire : "nous voulions prendre en charge notre destin" expliquait Steve Ellis à VG247.com. A l'aide des généreux bonus dorés gagnés grâce au succès international de GoldenEye, les trois membres dissidents de Rareware fondèrent Free Radical Design : "nos primes nous avaient permis de vivre quelques mois sans percevoir de revenus", assure Ellis.
 
Fort de cette séduisante carte de visite, les éditeurs étaient aux aguets (Activision, EA...). Le tapis rouge était dressé aux trois développeurs talentueux libres de toute obligation professionnelle. Eidos se montra le plus mordant. La signature d'un contrat fraîchement signé les engageait à travailler sur Second Sight en 1999. Toutefois, le glissement calendaire de la commercialisation de la PlayStation 2 allait bouleverser les priorités du jeune studio. Avec l'expérience acquise du fabuleux mode multijoueurs de GoldenEye, les développeurs présentèrent à l'éditeur anglais un prototype réalisé en marge de la réalisation de Second Sight : "nous avions rapidement programmé une maquette qui fut soumise à Eidos" détaille Ellis. Le géant de l'édition britannique déclina une première fois l'offre avant de céder à l'enthousiasme ardent de Free Radical. TimeSplitters gagna ainsi le statut privilégié de titre inaugural de la PS2, avec la promesse de plancher de nouveau sur Second Sight une fois le travail finit "nous avions promis d'y revenir dès 2002" confirme Ellis.
 
 
Le pari risqué de Free Radical s'avéra payant. TimeSplitters fut un succès critique par défaut, tant l'offre qui accompagna le lancement de la seconde console de Sony était dans l'ensemble médiocre. Le jeu décrocha en 2002 le statut envié du label Platinum, rite marketing réservé aux titres dépassant un seuil de vente élevé. Le succès impressionnant de TimeSplitters appela évidemment une suite, Eidos se laissa facilement convaincre de reporter une seconde fois Second Sight. Les ambitions affichées devenaient beaucoup plus grandes, techniquement et ludiquement ce second volet écrase son aîné. Free Radical pris conscience de prendre du recul par rapport à TS afin de ne pas se laisser griser par ce nouveau tour de force. Second Sight agissait donc comme un bol d'air salvateur : "afin de nous éloigner de TimeSplitters et parce que nous avions joué à Metal Gear Solid, nous optâmes pour une vue à la troisième personne", commente Steve Ellis.
 
Activision fit les yeux doux au studio qui restait ouvert aux offres présentées. Cependant, la prédation d'Electronic Arts était telle que Free Radical, dégagé de ses obligations contractuelles d'avec Eidos, céda : "il nous avait dit qu'ils seraient en mesure de prendre en charge de manière plus efficace qu'Eidos la distribution de TS3. Ils s'étaient montrés très convaincants [...] notre relation d'affaires s'était néanmoins compliquée par la suite". EA ne voulait pas d'une option multijoueurs et orientait donc le concept du jeu vers une expérience solo. Les accrochages répétés entre les deux parties avaient débordé sur la qualité de ce troisième épisode. Les objectifs de vente assignés par EA étaient de toute façon trop élevés pour le potentiel commercial du jeu. Si bien que l'éditeur américain ajourna brutalement sa relation tendue avec le studio.
 
 
À la faveur du lancement de la PlayStation 3, Free Radical décida de se relancer en développant une nouvelle franchise. Haze avait tous les atouts pour devenir une grande série, cependant les ambitions des développeurs se heurtèrent à la configuration exotique de la PS3. Le jeu est techniquement raté, Ubisoft chargé de l'édition et de la distribution se détourna du studio anglais. Après une longue traversée du désert, Steve Ellis et ses compagnons d'infortune décidèrent de relancer TimeSppliters. La banqueroute de Free Radical fin 2008 stoppa nette leur ardeur professionnelle : "TS4 était à ses premiers stades de développement [...] il a été présenté à quelques éditeurs sans susciter l'intérêt recherché", déclare Steve Ellis. Les acteurs de l'édition étaient en effet perplexes après le fiasco technico-commercial de Haze : "les éditeurs que nous avions démarchés nous interrogeaient sur Haze [...] cela les avait inquiétés", confirme Ellis.
 
Bien qu'avalé par Crytek, ce sentiment de défiance ne bougera pas d'un iota : "je serai ravi d'en faire un jeu, déclarait le PDG Cevat Yerli au magazine Gamestm. Mais la décision d'affaires est difficile à prendre". Tellement difficile que le projet sera rangé dans un tiroir avant qu'un chevalier blanc ne vole à son secours. Michael Hubicka est un vétéran du monde du jeu vidéo. C'est sous son initiative que TimeSplitters Rewind prend désormais forme sur PlayStation 4. La tradition d'accompagner chaque nouvelle console Sony est respectée. Il s'agit pour l'homme de reprendre les ressources des précédents épisodes (cartes, personnages, armes...) afin de rendre hommage aux 70 000 indéfectibles signataires d'une pétition qui ne sera pas laissée lettre morte (Cevat Yerli réclamait 300 000 signatures pour éveiller sa curiosité).
 
Hubicka est un vieux soldat de cette folle industrie, il sait que sans l'engagement ferme de Crytek, ce projet peut être suspendue à n'importe quelle phase de son développement : "qu'ils nous donnent leur accord ou pas, nous saurons quoi faire avec (la préversion)" souffle le chef de projet chez CinemaBlend.com. Un plan B est donc déjà dans les cartons.
 
Une version béta de TimeSplitters Rewind est prévue dans quelques mois.