Plébiscité par la presse comme par les joueurs nourris aux bols de corn-flakes à 5 euros, Gone Home repose tout entier sur la bonne volonté de son équipe de développement et sur la sincérité de leur petite entreprise.
Le choix du sujet, à contre-courant, est aussi louable que touchant – pour ne pas dire militant, dans un domaine créatif qui pêche encore trop souvent par manque de maturité (côté créatifs comme côté joueurs).
Hélas, c'est tout ce qu'on pourra sauver de ce walking simulator poussif et laborieux, mal écrit, mal conçu, mal mené et pas très beau, tant il enchaîne les (grosses) erreurs narratives, les clichés et les incohérences structurelles.
Pensé comme une nouvelle, jamais le récit ne sait s'adapter au média jeu vidéo : plutôt que d'entretenir l’ambiguïté propre à ce genre de productions, il est si explicite d'emblée qu'il dévoile son pot au rose dans ses dix premières minutes, piétinant allègrement les quelques fausses pistes (maladroites) qu'il s'efforce d'entretenir jusqu'à terme. En conséquence, sitôt qu'on a compris de quoi il retourne, chaque nouvelle découverte ne fait que confirmer ce que l'on sait déjà, sans rien apporter au fond ou à la forme, poussant la narration à se répéter encore et encore, si bien qu'on se traîne placidement de non-surprise en non-surprise jusqu'à la non-surprise finale, déjà anticipée une heure et demi auparavant. Dans un titre vidéoludique dont l'intérêt repose soi-disant sur le storytelling, c'est ce qu'on appelle un Epic Fail.
Manque de chance, le naufrage ne s'arrête pas là. Empêtré dans des mécaniques horripilantes (vouloir immerger le joueur/lecteur dans un récit, une ambiance, et l'obliger à ouvrir tous les tiroirs, soulever tous les coussins, allumer toutes les lampes, ça tient de la contradiction dans les termes – Layers of Fear en sait quelque chose), combinées avec une absence de logique formelle confinant au grotesque (les morceaux de texte à réunir – ou pas - sont éparpillés n'importe comment, partout, sans le moindre souci de cohérence. Non parce que oui, bien sûr, le courrier de l'éditeur dans la serre, évidemment, c'est complètement logique ! Tout comme les papiers froissés dans la poubelle qui datent des années wesh, et tellement d'autres encore ! Je suis d'ailleurs passé à côté de quelques-uns : je me suis refusé à fouiller le frigo, question de principe).
Une fois arrivé au bout du voyage, on a juste fait exploser la facture d'électricité parentale, foutu le dawa dans toutes les pièces (ça va être sympa à ranger), mis à jour certains secrets de familles honteux ou dramatiques (vu qu'on a absolument retourné TOUTE la maison – pourquoi ? On l'ignore encore... -, sans compter que ses résidents sont aussi doués pour planquer leurs petites affaires que pour agencer leur fichue baraque), et découvert ce qu'on savait déjà (bonjour l'impact émotionnel).
Mention spéciale au pourquoi du comment [Spoilers], parce qu'il est évident que quand on est appelé au milieu de la nuit par la personne qu'on aime, laquelle nous demande de la rejoindre de toute urgence, on va tout planter là dans la seconde, MAIS SEULEMENT APRES AVOIR MIS EN PLACE UN PUTAIN DE JEU DE PISTES DE DEUX HEURES IMPLIQUANT L'UTILISATION DE PASSAGES SECRETS, ET APRES AVOIR REDIGE L'INTERGALITE DE NOTRE BIOGRAPHIE SANS OUBLIER UNE ANECDOTE NI DE DIGRESSER SUR LA SUPER-NINTENDO [/Spoilers]. Ha non, ça me met hors de moi, une indigence pareille.
Quand je pense qu'il y en a qui ont payé ça 20 balles et qui ont adoré, je reste perplexe. Parce que 5 euros, déjà, j'ai trouvé ça cher payé – et rappelons que je suis un GRAND amateur de ces jeux qui n'en sont pas vraiment. Sans doute, alors, que celui qui découvrira le genre par le biais de ce titre pourra être emballé, ému, séduit (ou dégoûté à vie, c'est selon). Mais dès lors qu'on possède quelques points de comparaison, on ne peut que ranger Gone Home dans le bas du panier, sur tous les plans. A contre-coeur. Mais l'intention ne fait pas tout.
Sévère, mais juste.