L'industrie du jeu vidéo japonais a beaucoup changé et leur rôle a de ce fait perdu de son importance. Preuve en est, le dévoilement de la PlayStation 4 organisé sur le sol américain alors que la terre d'élection des consoles Sony a toujours été représentée par le Japon. En se penchant de plus près sur l'architecture de la nouvelle console de Sony, on comprend pourquoi. Les composants proviennent, pour la plupart d'entre eux des Etats-Unis, abandonnant de facto l'échappée solitaire tristement incarnée par un Ken Kutaragi privé de discernement. La conception exotique du CELL hante encore toutes les mémoires.
L'orgueil national ne semble pas avoir trop souffert d'être dépossédé de ce privilège mais le changement est diversement apprécié. C'est en tout cas ce que laisse entendre Keiji Inafune, un développeur connu pour ses déclarations provocatrices sur l'état de santé du jeu vidéo au Japon : "je pense que Sony a eu entièrement raison d'inaugurer la PS4 aux USA. Il n'est pas gravé dans le marbre qu'un constructeur doit obligatoirement annoncer une nouvelle console au Japon". le sulfureux créatif y voit une justification purement économique "l'Amérique du Nord est devenu le premier marché au monde".
Yosuke Hayashi, responsable de la Team Ninja exprime une opinion plus nuancée. Blessé dans son amour-propre, il se dit "attristé" par le choix de Sony mais il promet de produire des jeux de grande qualité "afin que la future PlayStation 5" soit d'abord présentée sur le territoire nippon. Les éditeurs et studios de l'archipel semblent effectivement mettre les bouchées doubles pour rattraper leur retard technologique sur leurs homologues occidentaux. Proposer des moteurs 3D suffisamment flexibles pour les vendre à d'autres éditeurs ne s'inscrit pas dans leur culture d'entreprise. Ils ont donc laissé un boulevard aux CryEngine et Unreal Engine pour s'imposer comme standard technologique. Un marché très lucratif qui a façonné avec plus ou moins de bonheur, l'identité visuelle des jeux de génération HD.
Bien que sous-représentés pendant le sacre de la PlayStation, les éditeurs japonais mettaient en avant la puissance de leur technologie au même titre que les jeux tirant partis de leur moteur 3D. Panta Rhei, Luminous Studios avaient autant droit de citer qu'un Final Fantasy (Squenix) ou Deep Down (Capcom). Ce nouveau round rebat les cartes, les développeurs japonais sont bien décidés à relever la tête après un cycle dans lequel ils ont brillé par leur manque d'audace créative.
Kenji Inafune est pour le moment discret sur ses projets PlayStation 4, il se dit néanmoins "heureux" de prendre connaissance des potentialités techniques de la nouvelle console de Sony "c'est une chance, un nouveau défi" qui s'impose à lui, "à ma créativité" précise-t-il. Le responsable de la Team Ninja partage cet engouement avec toutefois l'impression "d'approcher la fin d'une époque où les spécifications techniques étaient mises en avant, maintenant nous entrons dans une ère de services enrichis". Ces deux exemples sont représentatifs du bouillonnement intact de la scène japonaise. D'après un recensement effectué par Sony, sur les 149 sociétés d'édition ayant contractualisé avec le constructeur, un tiers d'entre elles sont originaires de l'archipel.
Cependant, très peu de développeurs japonais ont fait des déclarations aux média. Il y a cette fameuse clause de confidentialité à laquelle ils sont soumis qui peut expliquer ce silence forcé. Toutefois le site japonais 4Gamer a recueilli des commentaires pas très tendres de créatifs anonymes se plaignant d'avoir été tardivement sensibilisés au design du DualShock 4. Un indice révélateur du basculement du pouvoir de décision au profit de l'état-major américain de Sony alors que la haute direction de la maison-mère est repassée sous influence japonaise après le départ d'Howard Stinger et l'intronisation de Kaz Hirai.
Les japonais doivent se résoudre à la mondialisation où l'influence nationale se heurte, se mêle à d'autres pour produire une somme supérieure à l'individualité régionale.
source PlayStationline.com