2001, sale année pour Sega. La sortie de la Playstation 2 quelques mois auparavant a balayé les espoirs de la Dreamcast, console pourtant prometteuse, et la marque au hérisson supersonique n'a d'autre choix que de dire adieu à la guerre des consoles. Avec pour seul atout restant quelques licences phares et des équipes de développement talentueuses, Sega doit se renflouer au plus vite, et si Nintendo et Sony auront droit à quelques grosses sorties (Sonic Adventure 2 Battle et Virtua Fighter 4, respectivement),  c'est sur la XBox que le studio tokyoïte va miser le plus gros.

 

Il faut savoir que Microsoft avait participé au développement de la Dreamcast avec une version adaptée de Windows, facilitant les adaptations de jeux PC. Bien sûr, personne ne peut dire si c'est la raison principale du choix de Sega ou pas, mais un grand nombre de titres phares, du catalogue interne comme celui d'éditeurs tiers, vont débouler dès la sortie du parpaing noir (4 kilos!) de Microsoft. On peut citer SegaGT, Project Gotham Racing (anciennement Metropolis Street Racer) ou encore Panzer Dragoon Orta (je citerais cette série dans chacun de mes articles, en bon fanboy que je suis!), mais c'est la suite de Jet Set Radio qui m'intéresse aujourd'hui.

 

 

Pour ceux d'entre vous qui seraient restés en hibernation pendant les 10 dernières années (ou si vous n'avez jamais vu tourner une Dreamcast, ce qui revient à peu près au même), Jet Set Radio prend place dans un Tokyo futuriste (renommé Tokyo-to pour l'occasion), dans une "guerre" entre groupes de tagueurs de rue prêts à en découdre pour la domination de la ville et des forces de police prêtes à envoyer l'armée pour vous stopper. Cet épisode Future est d'ailleurs la suite directe du premier, et il fait partie des jeux du lancement de la Xbox en Europe.

 

Faites l'amour, pas la guerre... sauf en rollers!

D'ailleurs, une chose est sure, les vétérans de l'épisode Dreamcast n'auront aucun mal à reprendre leurs marques, le principe de jeu n'ayant quasiment pas bougé : vous avez différents objectifs à remplir pour chaque quartier traversé, que ce soit de recouvrir les graffitis de vos rivaux ou de répondre à leur défis.

En revanche, cet opus vous permet d'explorer librement la petite vingtaine de zones proposée, et ce n'est pas un mal quand on se rend compte à quel point ils sont GI-GAN-TES-QUES. Pourtant, la qualité du level design fait que les trajets ne sont pas ennuyeux, même s'il faut compter plusieurs minutes pour découvrir les plus vastes d'entre eux. Le mérite revenant au système de Grind, qui permet de glisser automatiquement sur tout ou presque (rambardes, panneaux, lignes électriques) et de traverser les zones en accéléré, le plus souvent par la voie des airs.

 

(Les zones prennent vite une architecture "verticale", mais le réseau EDF local permet de se déplacer facilement.)

 

Le grind est d'ailleurs un des rares reproches pouvant être fait à ce jeu, de par son système "super glue", votre personnage ayant tendance à accrocher aux rambardes d'un peu trop loin. Les phases de plate-forme sont simplifiées de cette manière (pas besoin de calculer ses sauts façon Megaman pour progresser), mais il est parfois un peu difficile de s'arrêter où l'on veut. Idem pour les graffs, ces derniers sont maintenant réalisables d'une simple pression sur la gâchette droite, là où son ainé demandait des enchainements au stick pour les exécuter. Le revers de la médaille en voulant miser davantage sur l'exploration diront certains, la volonté de ne pas rallonger inutilement l'aventure penseront les autres. Le mieux est encore de se forger un avis manette en main.

Sortis de ces quelques menus griefs, le maniement de nos gangsters à roulettes se fait sans accroc, la physique du jeu (notamment pour les sauts) est très bien réglée et les commandes ne souffrent d'aucune latence à l'écran. Les équipes de Sega ne sont pas du genre à décevoir niveau gameplay, et ce Jet Set Radio fait honneur à leur réputation.

 

(Depuis Jet Set Radio Future, je trouve les panneaux de pub super utiles... évitez de faire ça chez vous, quand même.)

 

Montez les watts, mettez-vous sur votre 31 : Tokyo-to Style, Baby!

 Les quelques screens que j'ai distillé depuis le début de cette review auront déjà éventé ce qui est LE point fort du jeu, mais vu que je suis là pour ça je vais quand même en parler : son esthétisme et son ambiance. Il faut rappeler que les Jet Set Radio ont démocratisé l'usage du cel-shading, ce qui donne à la série une esthétique colorée à souhait et un certain cachet "manga". Même si Future a soufflé ses dix bougies l'année dernière, et que sa 3D parait ridicule de nos jours, son graphisme général est véritablement à l'épreuve du temps.

Un conseil, mettez un titre du même âge au design plus réaliste à côté de lui, vous comprendrez immédiatement  : les couleurs et lumières explosent de partout, les personnages jouables comme les simples passants ont un style bien à eux, et même la maréchaussée sensée vous arrêter détend l'atmosphère, entre les hordes de troufions idiots, les espions sapés façon 50's et les tueurs à gage en... costume de nounours (avec quelques chars d'assaut et autres hélicoptères de combat en renfort, ils ont peut-être quelque chose à compenser, qui sait...). Evidemment, l'animation tient le coup en toutes circonstances, même quand l'écran est chargé d'éléments.

(Petit échantillon du casting masculin du jeu, ce bon vieux Beat en tête.)

Mais je serais bien idiot de passer sous silence la partie musicale du jeu, vu qu'on a là une des bandes-son parmi les plus géniales jamais entendues dans un jeu vidéo. Le meilleur des compositions funky d'Hideki Naganuma (les Jet Set Radio sont d'ailleurs les seuls jeux importants sur lequel il a officié, étrangement...) est remixé avec un style plus électro, et accompagné de nouvelles productions pour l'occasion. Au total, on a droit à une trentaine de thèmes d'une excellente qualité, rythmés par les interventions de DJ Professor K, votre mentor tout au long de l'aventure, qui péte un plafond de charisme à chacune de ses interventions (et sa coupe de cheveux digne de DBZ n'est pas en cause dans les dégradations sus-citées).

En tout cas, difficile de créer une ambiance sonore autant en phase avec son cousin graphique, et Future comme son grand frère fait un carton dans un domaine comme dans l'autre. N'hésitez pas à dégotter les OST séparément d'ailleurs, même seules les musiques sont excellentes.

 

Understand the concept of Love (and Awesomeness, too)!

Plus que de passer pour un râleur en sortant un "c'était mieux avant!" complètement téléphoné, ça me désolé un peu de voir les Jet Set Radio comme des jeux de plate-forme "comme on en fait plus, ma bonne dame!". Des niveaux immenses et ouverts, un gameplay permettant toutes les folies, et surtout un style aussi inimitable que drôle, voilà ce que nous propose Tokyo-to et ses excentricités. Pour l'avoir refait tout récemment, le chapitre Future n'a rien perdu de son charme, et repartir à la chasse aux graffitis est toujours aussi plaisante.

D'ailleurs, si jamais vous accrochez au concept, comptez une bonne vingtaine d'heures de jeu bien denses. L'aventure principale est longue de base, mais le jeu fourmille de secrets : 5 défis bonus par niveau, 115 tags et une tripotée de personnages secrets à débloquer, bref, de quoi largement s'occuper. Et si jamais ça ne suffit pas, invitez quelques potes à la maison, car tous les défis du mode solo sont jouables à 4 en Multijoueur!

 

Au final, on a affaire à un classique injustement méconnu de la ludothèque XBox, passé sous silence pour être simplement sorti en même temps que les rouleaux-compresseurs que furent Halo ou Dead or Alive 3. Encore trouvable  facilement  pour une somme modique (moins de 15€ en Bundle avec SegaGT, la version originale commence déjà à monter en côte) et entièrement compatible avec la XBox 360, sorti de quelques ralentissements peu gênants (un mal généralisé chez les jeux Sega), vous auriez tort de vous priver. Et puis merde, quoi de mieux qu'un "JET SET RAAADIOOOOOOOO!!!" bien placé pour vous donner envie de jouer?

 

NOTE FINALE : 17/20 (mention spéciale pour l'ambiance!)

 

 

(PS : la vidéo est tirée d'un capture sur 360, et la version française est entièrement sous-titrée, les voix originales ont été conservées.)