Le jeu vidéo se targue souvent d’être devenu mature. C’est par ce genre de phrase cliché d’un journalisme vidéo ludique devenu bien trop condescendent que la critique de Firewatch pourrait commencer. C’est d’ailleurs avec des considérations de la sorte que certains professionnels conclus leurs tests.

Oui le jeu vidéo est devenu mature, il y a de cela quelques années déjà. Firewatch fait partie d’un genre qui devient monnaie courante sur la génération actuelle de console. Il n’est donc pas un cas à part que l’on traite comme une œuvre expérimentale. Firewatch est un walking simulator comme on les appels aujourd’hui. Pour être clair, il s’agit d’un jeu d’aventure à la première personne qui pour l’instant s’adresse à une tranche d’âge (physique ou mentale) qui ne recherche plus forcément la performance du scoring et la violence à outrance dans son média. De nombreux titres s’y essai œuvres personnelles ou fictionnelles avec des réussites certaines et des catastrophe d’un vide absolu. Firewatch est donc l’un d’entre eux, mais dans quelle catégorie le classer ?

Pour résumer nous avons donc un jeu d’aventure narratif et contemplatif qui nous conte une tranche de vie pas très rose d’un quarantenaire et sans vouloir faire de généralisation, qui parlera à un public qui a un peu de vécu émotionnel. Mais reprenons depuis le début.

Tout démarre par ce qui ressemble fort à un passage de livre dont vous êtes les héros. Cette petite phase de lecture et questions avec réponses imposées ne sert pas seulement de départ scénaristique, elle sert aussi de caractérisation du personnage que nous allons incarner.

Ici, pas de choix manichéens, pas de réponses qui autorisent au joueur d’être le parangon d’une droiture morale sans faille. Henry, puis ce que c’est son nom, a une personnalité qui ne vous ressemble pas forcement. Le choix des réponses proposés est donc en ligne avec ce qu’il peut penser et non ce que vous voulez lui faire penser. Vous allez incarner un personnage qui à son bon vouloir, que cela vous plaise ou non.

Une approche intéressante qui en dit long sur l’écriture magistrale du soft. Une écriture qui transpire le talent à tous les niveaux, venant du même auteur que la première saison du Walking Dead de Taletales. What else ? Comme dirait George Clonney.

Une fois le corps du jeu lancé, on découvre ce que les différentes présentations nous avaient montrées. Tout d’abord, un environnement naturel de toute beauté avec un terrain de jeu qui se situe dans Yellow stones. Henry part prendre ses quartiers d’été comme guetteur pour les feux de forêts. Poussé par sa situation de couple difficile et une tendance à la boisson plutôt prononcée, il va se mettre au vert le temps d’une saison. Tout ceci est expliqué dès le début, c’est ce que l’on appelle la situation initiale.

Une fois sur place, il fait connaissance par radio interposé avec Delilah qui est à la fois sa chef mais aussi son seul lien vers le monde extérieur. Se noue alors une intrigue au fil des missions de régulation de son coin du parc. On s’arrête là pour l’histoire qui est beaucoup trop courte pour être gâchée.

On peut quand même autopsier tout cela pour comprendre la force du jeu.

Solitude, alcoolisme, maladie mentale, estime de soi, angoisse mais aussi recul, prise de conscience, émerveillement, romance… la liste des thématiques qu’abordent le jeu est longue, très longue, aussi longue que ce qu’un humain peut embarquer dans son bagage émotionnel. Delilah comme Henry sont humains, profondément. L’écriture fine et juste nous le fait croire en tout cas du début à la fin sans jamais venir casser le quatrième mur directement. Pas un faux pas dans cette narration maitrisée qui pourrait nous laisser penser que ces deux personnes ne sont pas réelles. La phase d’introduction donne le ton général de l’aventure. Ces personnes ont leurs propres personnalités qu’elles correspondent à la vôtre ou pas. Le jeu se fiche bien de ce que vous pouvez en penser et c’est ce qui en fait sa force.

Exit le super héros et la femme virginale. Vous êtes un semi-citadin paumé et votre contrepartie féminine est une femme mure qui a vécu sa vie. Ils ont tous les deux des forces et faiblesse, un comportement plus réel que fantasmé. Ils mentent, ils jouent, ils rient, se contredisent et se renferment.

Basé entièrement sur ce va et vient de dialogues, le reste du jeu ne s’embarrasse pas de grand-chose. Un espace naturel assez restreint mais magnifique. Quelques interactions de ci de là, rien de plus. L’ambiance monte petit à petit jusqu’au paroxysme d’une fin qui reste en ligne droite avec le reste de l’aventure.

La force du titre est de nous faire chercher. Mais pas de nous faire chercher la clef qui va dans la serrure ou le cristal qui ouvrira la porte. Il nous fait chercher des raisons, des explications, il nous pousse à combler les blancs volontaires de cette radio qui nous parle et les réactions de notre personnage, il nous pousse à expliquer en nous même les pourquoi et les comment.

Il en va de même pour l’intrigue. Tout peut être envisager par votre imagination jusqu’à la fin. Une fin qui se montre à la hauteur de ce qu’on ne peut imaginer. On ne parle pas du dénouement de l’intrigue, on parle bien de la fin du jeu, celle du dialogue entre Henry et Delilah.

On comprend aisément que l’intrigue n’est qu’un prétexte et les non dis prennent le pas. En clair la force de l’écriture encore et toujours. La force de la mise en scène aussi, minimaliste dans son intervention mais toujours présente néanmoins. Un juste équilibre donc. La durée de vie n’a pas lieu d’être critiqué, elle correspond parfaitement à l’histoire que l’on voulait nous raconter.

Tout est juste donc, pas de fausse note dans le jeu.

 

Une ballade au grand air qui en dit long sur le pouvoir narratif d’une expérience que l’on dirige car, acteurs autant que spectateurs nous sommes. Le soft en dit aussi long sur les protagonistes que sur nous-même et notre pouvoir à l’empathie et l’imagination. Il rattache son expérience au joueur avec une subtilité rarement atteinte (on pense à Silent Hill 2). Pas de grosses séquences calibrées pour faire pleurer le chaland, ici tout se passe en douceur et tout se déroule en nous aussi naturellement que lorsqu’on laisse son esprit vagabonder lors d’une promenade dans la nature.