Entre les remakes HD, les suites et les Reboot, les reboot de séries sont de loin les plus risquées. Ici, le risque n’a clairement pas payé. DMC : Devil may cry, a été un terrible flop critique et un léger flop commercial. Et non, le titre qui ne veut rien dire n’y est pour rien. Cependant, force est de constater que le jeu a suscité des réactions intéressantes, des réactions qui le rendent de fait important. Ce n’est pas un jeu que je conseil, mais DMC est un jeu qui a définitivement fait parti de l’explosion vidéo ludique qu’a été l’année 2013.

Un design polémique…

Évacuons d’emblée le gros problème de ce Reboot : Le design de Dante, le personnage principal. Dans ce nouvel épisode, les designers du jeu ont décidé d’en finir avec les airs d’aristocrate distingué, mais aussi avec la couleur de cheveux surnaturelle du personnage initial. Le nouveau Dante fait désormais plus grundge et débraillé, à l’image du jeune Dante de DMC3. En repoussant plus loin le concept et en épousant ce côté provoquant et sans limites, Dante embrasse un côté plus actuel. Un côté actuel qui est surement plus en phase avec l’image commune qui circule sur la jeunesse telle qu’on tente de la dépeindre aujourd’hui. C’est donc à un Dante plus plausible, plus proche de nous auquel nous avons à faire ici, un Dante forcement moins envoûtant donc. 

Beaucoup de joueurs ont un certain respect pour le premier épisode. C’est mon cas également. En ayant conscience de son statut et de ce respect dont le jeu initial profite, il est plutôt facile de comprendre que le nouveau design de Dante a pu en faire grimacer certains. Si son allure générale est resté inchangée, son visage se distingue radicalement des versions précédentes du personnage. Outre son regard de poisson mort, c’est surtout sa tête de petit poupon qui semble rebuter. Ce nouveau Dante n’a pas les traits assez angulaires. Une particularité faciale qui tend à lui donner un air moins hostile, moins hautain et un air plus chaleureux que son homologue des précédents épisodes. Prenant ainsi ironiquement - et probablement involontairement - à contre pied le caractère outrancier de cette nouvelle version du personnage. A cet égard, le premier design présenté à l’E3 2010 semblait plus convaincant ; Un Nouveau design qui pour le coup faisait tout à fait ressortir le côté “mauvais garçon” que les designers ont voulu insuffler à ce nouveau Dante.

Beaucoup de joueurs fans de la License ont haussé le ton à la découverte du nouveau design du personnage. Si la grogne est compréhensible de la part des plus conservateurs, il faut tout de même la nuancer. Le design de Dante est resté sensiblement le même au cours des épisodes précédents, mais il ne faut pas oublier que la personnalité du personnage a changé ostensiblement d’un épisode à l’autre. Tout au long de la série, les changements de personnalité ont été constants. Il n’y a jamais eu un seul Dante, mais plusieurs versions du même personnage. Le trentenaire gothique et distingué du premier épisode était par exemple radicalement différent du - trop - silencieux/fade personnage déprimé du deuxième épisode. 

Si je reste relativement ouvert au changement, je condamne par contre très fermement l’apologie du tabac par le biais de produits culturels qui se veulent dans le mouvement. Déjà parce que même en 2014, c’est toujours aussi idiot et bête de fumer. Mais aussi parce qu’il me semble que dans ce nouvel opus, les designers n’ont pu trouver mieux qu’une coupe punk, un flow d’insultes gratuite et une addiction au tabac pour signifier du caractère outrancier du personnage. Une paresse intellectuelle et un manque clair de créativité responsable que je me sens obligé de souligner. D’autant que le concepteur initial du personnage a eu l’intelligence de déclarer que Dante était trop classe pour fumer. Effectivement, il s’est avéré avec le temps que l’homme avait crée un des personnages les plus appréciés de la culture vidéo ludique. Ici les développeurs de Ninja Theory ont prit à contre pied le concept initial du personnage. Comble de l’ironie, en avoir fait un fumeur ne l’a pas vraiment rendu plus classe et certainement pas plus populaire. 

… Pour un jeu de toute façon voué à la polémique. 

Quoiqu’on en dise, la tentative était de toutes manières vouée à l’échec. Tenter de reprendre à zéro l’une des séries les plus populaires du monde du jeu vidéo, c’était extrêmement risqué. Surtout lorsque l’on sait que le premier épisode n’a presque pas prit la moindre ride dans le c½ur des joueurs.

En reprenant le jeu à ses origines, le jeu s’oppose naturellement au premier opus de la saga. Il s’oppose donc au jeu initial, celui qui est à l’origine de toute la série. Malheureusement pour cette tentative de Reboot, le premier épisode est le plus réussi et - toutes proportions gardées - le plus inspiré de tous. En plus d’être un des plus emblématiques des jeux d’action des deux dernières generations. Devil May Cry est un réel monument du jeu vidéo pour beaucoup de joueurs. En partant seulement de là, les chances de réussites, ou au moins les chances d’un accueil critique favorable étaient déjà très faibles.

Pour autant, la série en avait bien besoin de ce Reboot. Si la jouabilité et les graphisme du premier épisode semblent avoir correctement vieilli, le reste a pris un sacré coup. Entre les inégalités de la série, la trame de fond insipide, les cinématiques de très mauvais goût et le ton général qui s’est empiré à chaque nouvel épisode, l’annonce d’un Reboot de la série aurait du être le bienvenu. Malheureusement, ce ne fut pas du tout le cas.

Les sensations de jeu et le sentiment général qui se dégage de la jouabilité reste très proche de tout ce qui faisait la recette et la gloire de la série initiale. Ceux qui ont apprécié les phases de jeux du premier épisode retrouveront très certainement leurs marques avec ce jeu. Non, le problème est ailleurs.    

Un propos, un fond qui se veut controverse. 

Le jeu fait un lien entre l’affrontement anges/démons et les thèses conspirationnistes contemporaines les plus populaires. Des thèses conspirationnistes qui ne le sont plus vraiment d’ailleurs. Il est prouvé que le Coca nuit à votre santé, et il paraît évident que les industriels ont un réel intérêt financier à vous voir consommer ce genre de produit dont votre corps n’a pas besoin. La corruption est effectivement courante et de récentes révélations nous ont appris que les hautes instances nous surveillaient constamment. Le jeu arrive ainsi trop tard et traite de thèses conspirationnistes d’hier devenus des faits plutôt avérés aujourd’hui.  

Le jeu se veut polémique, dénonciateur et innovant, mais seulement pour un effet d’alerte mou et mal maîtrisé. Non seulement parce que l’effet a été vu et revu au travers d’autres médias du milieu des années 2000. Mais également parce que le jeu l’a joue extrêmement sécuritaire en prenant un cadre complètement surnaturel. Le tout débouchant donc forcement sur un prestige des plus fades. Evidemment, puisque quelque soit le caractère secouant et spectaculaire du message, vous savez dès les premières minutes que rien n’est plausible.  

A cela vient s’ajouter un manque de maîtrise technique flagrant à tous les niveaux. Les cinématiques sont par exemple extrêmement mal filmées. La camera tremble et saccade très souvent. Le cadrage aurait très probablement gagné à éviter de trop se rapprocher du visage des personnages. Leur modélisation est correct, mais pas au point de justifier que la caméra se rapproche autant. Il est aussi dommage de constater que le découpage en mission du scénario n’aide pas vraiment à l’immersion. Un choix incompréhensible compte tenu de l’effort des développeurs à donner une dimension cinématographique à leur travail. 

Je trouve également dommage de constater que beaucoup de scènes, et de choix paraissent réellement gratuits. Les insultes fusent, les scènes de nudités gratuites ne sont pas rares et la violence crue est souvent de mise. Des aspects absents du premier épisode qui ne l’avait pas empêcher de marquer profondément la génération Playstation 2. Tout cela témoigne d’un manque de retenue artistique et d’un manque de créativité que je trouve difficile à cautionner.

Des défauts techniques et de gros défauts tout court.

Si l’accueil passionné des joueurs ne représente pas la qualité globale du jeu, il ne faut pas tomber dans le travers inverse. Il serait malhonnête de réduire la gronde des joueurs à une simple aversion du changement ou à l’accueil du nouveau design de Dante. Le jeu a aussi de réels défauts, des défauts souvent très gênants.

Le jeu est artistiquement plutôt réussi, techniquement c’est une autre histoire. Sur console, on a réellement l’impression que le jeu est mal fini et mal optimisé. Il est d’ailleurs à noter que la réédition HD du premier opus de la série initiale est techniquement plus propre que les versions consoles de ce Reboot. Un comble assez embarrassant pour un jeu qui se veut si corrosif à l’égard de son “ancêtre”.

Concernant les phases de jeux, vous ne pouvez pas cibler vos ennemis (une première dans la série), ce qui tend à ajouter un réel manque de précision au titre. Pour finir sur les mauvais points, le Devil Trigger (déclenchement du démon, pour les chauvins) est moins intéressant et moins grisant que son utilisation dans la série initiale. Dans les trois premiers épisodes, le Devil Trigger vous transformez en monstre, vous rendez plus puissant, plus rapide et vous donnez accès à de nouvelles capacités. Ici, le déclenchement du démon ralenti simplement le temps et se contente de maintenir vos ennemis en l’air. A choisir… 

Faire une suite que les fans de la première heure considéreront, est plutôt simple. Vous prenez tout ce qui a fait la recette du premier épisode, vous l’améliorez en y évacuant les déchets. Si possible en plus grand, plus fort et plus beau. Les reboot complets eux, demandent plus de travail. Donc forcement plus de risques. Et à la vue de l’accueil souvent négatif (voir démesurément négatif) des joueurs/spectateurs, même lorsque ceux ci sont décents/très corrects - Le récent Tomb Raider, Castlevania : Lord of Shadow ou encore ce Devil May Cry - je me demande si ça vaut franchement le coup. 

Tenter de détrôner un monument du jeu vidéo était un pari risqué, un défi osé. Malheureusement, il aurait fallu quelque chose d’extraordinaire pour détrôner le jeu initial. A la place d’un jeu extraordinaire, les joueurs ont eu le droit à un simple Devil May Cry HD. Une simple version sur vitaminée, une faible exploitation d’un même concept. Un jeu qui se permet même d’être moins réussi, moins maîtrisé que son demi-homologue sorti 13 ans plus tôt. Cette tentative de “Putsch” vidéo ludique s’est transformée en mauvais buzz commercial. La déception fut d’ailleurs si grosse pour Ninja Theory qu’ils décideront de quitter le monde du jeu vidéo peu de temps après la sortie du jeu. Tant mieux ? Ils ont prit une gifle, c’est ce qu’on retiendra de cette histoire.  

Phases de jeux “intenses”, tentative d’approche scénaristique, mise en scène explosive, utilisation de thématiques d’actualité… Les créateurs ont surement eu l’impression de faire le meilleur jeu de tous les temps. Les pauvres. La surprise du flop et de l’accueil critique mitigé du jeu à du être terrible. 

DMC reste à mon sens bien en dessous du premier épisode de la série. Cependant l’accueil négatif des fans ne représente pas du tout la qualité globale des phases de jeux. Si vous avez aimé la série Devil May Cry pour son gameplay, et que vous êtes prêt à pardonner beaucoup de choses, vous serez probablement satisfait par le jeu. Enfin, à un certain degré.