Je me souviens du jour où j'ai eu ma Gameboy Color et Pokemon Rouge. C'était à Noël 1999. Cette année-là, la fameuse «Tempête 99» avait soufflé sur l'Est de la France. Alors que, faute d'électricité, la soirée avait tourné court, je m'éclatai à la lumière de la bougie avec ma console portable toute neuve. Dès lors pour moi, toute sortie d'un nouvel épisode de la série est un petit événement, et à plus forte raison quand il s'agit d'une nouvelle génération.

Pour ce passage à la nouvelle génération portable, nos petits monstres débarquent pour la première fois en 3D. Le résultat surpasse toutes mes espérances : la modélisation des pokémons est dans l'ensemble, impeccable. C'est rudement plus beau que le Pokémon Colosseum de la GameCube! Les animations ont elles aussi été complètement repensées pour coller au style graphique très anime. Gamefreak a redoublé d'ingéniosité pour offrir variété, inventivité et beauté graphique : il suffit de regarder Roussil et Goupelin pour s'en convaincre. A l'inverse, je ne suis vraiment pas fan du style SD des phases d'exploration. C'est de la 3D très paresseuse, preuve en est que moteur peut très bien afficher votre personnage en taille et niveau de détail réels, ce qui arrive en de trop rares occasions (les champions n'ont pas de modèle 3D). Idem pour les décors franchement pauvres, voire laids par endroits. Cela malgré un design général inspiré de la France et assez attrayant au final, chaque ville ayant sa personnalité propre. Par contre, gros carton rouge à la ville d'Illumis. Cette cité est le ratage suprême en matière de level design : même en laissant de côté le bug de sauvegarde, cette parodie de la capitale est grande, bordélique (il n'y a même pas de map) et les angles de caméra donnent envie de s'arracher les cheveux. Enfin, signalons que le jeu rame comme un galérien plus souvent qu'à son tour.

Mais le gros hic, c'est l'histoire, ou plutôt l'absence d'histoire. Le voyage initiatique, l'aventure, la tension et les rivalités disparaissent par l'enchantement d'une casualisation toujours plus grande menée pour favorise les plus jeunes. 80% de l'aventure est une balade entre potes avec un fort délire yuri, parfois interrompue par une menace abracadabrante sortie d'on ne sait où. On nage en plein délire, on nous annonce la destruction du monde, on ne sait pas pourquoi et on l'arrête on ne sait comment, on a droit toutes les 5 lignes à des envolées lyriques dignes de Beaudelaire... ce jeu m'a perdu en route. Mais me** put**! Dans le jeu que j'avais en 1999, c'est l'histoire d'un mec qui veut devenir Maître Pokémon, aux prises avec un rival sans pitié, une organisation criminelle pour qui la fin justifie les moyens, et des champions plus coriaces et retors les uns que les autres. Tout cela a disparu : votre rival est un saule pleureur, les champions sont des lopettes, les légendaires se laissent attrapper à la première Hyperball et la team Flare n'a pas le dixième du charisme de la team Rocket et du mythique Giovannni. Voilà... on se consolera comme on peut avec l'orientation résolument moe induite par la personnalisation des fringues et les vidéos dresseur, mais la rupture est bien là. Mais c'est bizarre... je n'entends pas ceux qui hier encore, fustigeaient FFX-2 pour avoir viré à la «simulation de bonnes copines». Une fois de plus en matière de journalisme, la vérité est ailleurs...

Au niveau du contenu, XY se défend encore une fois plutôt bien. Il m'a fallu un peu plus de 50 heures pour finir l'aventure solo, et il me reste encore un certain nombre de défis à relever. Avec 70 nouveaux pokémons, cette nouvelle génération apparaît cependant un peu moins riche que les anciennes, mais je ne doute pas que les fans y trouveront encore une fois leur compte. Ces derniers seront enchantés par l'arrivée des méga-évolutions aussi impressionnantes que puissantes. Dans le principe, certains pokémons ayant atteint leur stade final d'évolution peuvent évoluer une nouvelle fois, mais uniquement le temps d'un combat. En contrepartie, les capacités sont démultipliées. D'autres petits ajouts viennent agrémenter l'ensemble : le système de perfectionnement virtuel permet d'améliorer grandement les stats de vos poké et le nouveau multi exp rend le rattrapage de pokémon faibles beaucoup moins galère. Reste que le post-game est décevant : une Maison de Combat qui ressemble trait pour trait pour trait au Métro de Combat, et un Safari des Amis qui fait pâle figure comparé un Parc Safari originel.

Pour ce qui est des fonctionnalités réseau, XY dépoussière largement ce qui a été fait jusqu'alors avec une interface beaucoup plus confortable et conviviale. La disparition des codes ami par cartouche y est pour beaucoup, mais les améliorations ne s'arrêtent pas là car en plus d'accéder aux combats et aux échanges de manière beaucoup plus immédiate, vous et vos amis pourrez communiquez en permanence en envoyant des petits messages ainsi que des «O-Aura», des bonus souvent très utiles à utiliser sur la map ou en combat. Ce nouvel opus ajoute même un «échange miracle» qui voient s'échanger des pokémons parfaitement au hasard! Seul regret, les combats en ligne n'ont pas bougé depuis les opus DS, et les règles favorisent toujours allègrement les sweepers physiques et magiques. C'est un peu la loterie. Plus embêtant encore, le matchmaking est totalement random et ne favorise pas les rencontres de joueurs du même niveau. Bref, si vous n'avez pas d'amis dresseurs de votre niveau, cela risque de devenir vite fastidieux.

Pokémon XY présente tous les symptômes du jeu qui a été un peu rushé pour faire vendre un max de consoles en fin d'année. Au final, il apparaît comme la bonne réactualisation d'un excellent concept, ni plus, ni moins.