Jusqu'où iriez-vous pour sauver quelqu'un que vous aimez ?
Quel risque êtes-vous prêt à prendre ? Quel sacrifice êtes-vous enclin à
faire ? Ces questions peuvent paraître anodines à première vue et pourtant
tout joueur qui souhaitera vivre l'expérience Heavy Rain y sera confronté. Et
de ses choix dépendra le déroulement de l'histoire. C'est le pari audacieux qu'à
tenter Quantic Dream pour son dernier né, faire vivre une aventure interactive.
Si sur le papier les promesses ont de quoi faire rêver, qu'en est-il manette en
main ?

 

Quatre ans auront été nécessaires pour achever Heavy Rain.
Depuis la démonstration technique de The Casting jusqu'à la commercialisation
du projet final, l'équipe de David Cage aura dû faire preuve de patience. Et
quand on voit la masse de travail effectué sur le projet, la patience n'a pas
été leur seule qualité. David Cage a voulu voir grand pour son jeu et cela se
ressent. Ici, pas d'environnement ouvert de type bac à sable mais des zones de
progression pour chacun des chapitres qui composent l'aventure. Le joueur n'est
pas libre d'aller où bon lui semble dans la ville, les endroits visités sont
imposés par le déroulement de l'histoire tel un film. Ce choix permet au joueur
de se concentrer sur les actions qui lui seront possibles et sur l'intrigue. De
cette manière, les temps forts et temps faibles sont maîtrisés tout au long du
jeu pour guider le joueur et lui faire ressentir plus intensément les
évènements auxquels il sera confronté.

Justement, intéressons-nous à l'histoire d'Heavy Rain. L'intrigue
se place autour d'une série de meurtres d'enfants. Tous sont retrouvés morts,
une orchidée sur la poitrine et un origami dans la main. Le jeu propose de
suivre quatre personnages, joués à tour de rôle, en quête du tueur aux
origamis. Chacun aura sa propre motivation dans l'histoire, autant le père de
famille qui tente de retrouver son fils disparu, que l'agent du FBI dépêché
pour résoudre l'affaire. L'intensité dramatique monte crescendo durant l'aventure
jusqu'au dénouement final. Et c'est là le principal intérêt d'Heavy Rain, ce
dénouement n'est pas figé. Les différents choix ou réussites lors de certaines
phases de QTE donneront des orientations différentes à la trame principale,
découlant parfois sur la mort des protagonistes sans que l'histoire ne soit
interrompue pour autant. Et les différentes fins possibles sont loin d'être idylliques
suivant les embranchements scénaristiques.

Ces embranchements sont matérialisés par deux types d'action.
Tout d'abord, il y a les choix que le joueur devra faire. Ils reposent sur des
décisions faisant appel à la moralité du joueur, à son éthique ou le plaçant
devant un dilemme dont les différentes propositions entrainent un sacrifice. C'est
alors au joueur de peser le pour et le contre et de savoir ce qui lui importe
le plus, parfois à contre cœur. Cet aspect qui fait clairement la force du
titre, tout est fait pour que le possesseur de la manette se sente impliqué
dans le déroulement de l'intrigue. Et le résultat est des plus convaincants.

 

La vérité à portée de main

Les phases de QTE débouchent également sur des variations de
l'intrigue. Cette fois, c'est sur la réussite ou l'échec que repose le
mécanisme. Les actions sont à effectuer dans un temps imparti et même si l'échec
durant une manœuvre sur un QTE n'est pas pénalisant immédiatement, une
répétition d'erreurs débouchera sur une conclusion peu glorieuse pour le
personnage. L'orientation vers une gestion généraliste sous forme de QTE est un
autre pari que David Cage a fait avec ce titre. Ce choix se justifie très bien
pour Heavy Rain, ces actions variant suivant les situations proposées. Ainsi
des actions simples seront matérialisées par une touche voire deux, des actions
plus complexes par une multitude de boutons à enfoncer. Ce procédé rendra la manœuvre
plus difficile à exécuter pour le joueur, à l'image de son personnage.

Les déplacements des protagonistes sont un peu différents de
ce que l'on a l'habitude de croiser sur les productions actuelles. Ici, les
mouvements s'effectuent avec la touche R2 et le stick gauche sert à orienter le
regard. Les autres touches ne seront mises à contributions que lors des phases
de QTE. Petit bémol sur la maniabilité qui montre une certaine rigidité dans
les déplacements et quelques ratés dans les plans changeant l'angle de caméra.
Rien de dramatique, mais un peu plus de souplesse n'aurait pas été mal pour
rendre le tout un peu plus souple et fluide. Toujours au sujet de la
maniabilité, les déplacements dans la foule sont très lents, en raison de
collisions gérées parfois de manière étrange. Là encore, il s'agit d'un détail
mais ils nous rappellent qu'il s'agit d'un jeu vidéo et font retomber l'immersion.

La modélisation des personnages est assez bonne dans l'ensemble.
Les personnages principaux sont très réussis, les gros plans sur les visages
durant les chargements permettent de s'en rendre compte. En revanche les
personnages secondaires sont un cran en dessous, tout comme le regard des
personnages féminins qui semble un peu vide, inexpressif. Ce point reste
sensible, les émotions étant difficiles à retranscrire, et ne passent pas
toujours de la même façon chez tout un chacun.

Voilà de quoi se faire une idée de ce que propose Heavy Rain
durant la dizaine d'heures pour connaître le dénouement de l'histoire. Cette
durée pourra être un tantinet plus longue pour des néophytes, notamment lors de
la première partie, pour arriver à la fin du jeu ou plutôt à l'une des fins. Car
sa durée de vie ne s'arrête pas là. Une seule partie n'est pas suffisante pour
profiter pleinement du jeu, pour comprendre les mécanismes derrière l'intrigue
et voire les répercussions de certains choix sur le scénario. Heavy Rain se
savoure sur le long terme, là où d'autres titres ne font que proposer un
challenge plus relevé dans les parties suivantes. Quantic Dream a d'ailleurs eu
la bonne idée de masquer les noms des trophées PSN ce qui rend plus difficile de
prédire les points cruciaux de l'histoire. Et cette dernière a de quoi tenir en
haleine tout fan de polar. Le travail colossal sur l'écrire du script n'y
est pas étranger. Et même si la trame est plus sage dans les faits qu'elle
relate, elle ne déçoit pas comme avait pu le faire Fahrenheit à son époque.
Certains aspects iront jusqu'à toucher la sensibilité chez une frange de
joueurs.

 

David Cage a appris de ses erreurs passées et nous livre un
jeu abouti, souffrant de défauts mais arrivant à franchir
le fossé qui sépare le jeu vidéo des films cinématographiques. Le pari est donc
gagné pour Quantic Dream. Malgré cela, leur dernier protégé ne pourra faire l'unanimité
auprès des joueurs, notamment ceux adeptes d'aventure rythmé ou à grands
spectacles. Heavy Rain se veut plus intimiste, plus à même à jouer avec les
émotions du joueur. Et il y arrive à merveille.