Pour connaître le destin de sa sœur, un jeune garçon pénètre dans le monde de LIMBO.

Voilà tout ce que je connaissais de l'histoire en achetant ce jeu. "Playdead" : drôle de nom pour un studio de jeux vidéos. Sans doute est-ce un signe de ce que je trouverai dans cette oeuvre.

 

Nouvelle Partie

Une forêt déserte, silencieuse, comme figée. Pas un mouvement, pas un bruit. Quelques rais de lumières transpercent un décor désolé, comme si la vie avait du mal à trouver un chemin dans ce dédale de branches aux allures agressives. Lumières éteintes, seul au fond de mon canapé, j'attends que quelque chose bouge. Dérangé par l'ambiance, j'agite le joystick. Il faut que quelque chose bouge. De petites formes blanches s'animent. Ses yeux s'ouvrent. Il était sous mon nez depuis le début, inanimé, et voilà que je lui donne vie. Le petit garçon s'éveille, se lève et par la même me rend le sourire. Mes mains se décrispent. Crispé ? Je ne m'en étais pas aperçu.

Après quelques pas, le premier obstacle se présente : sauter pour éviter un trou. Profitant de mes années d'expériences dans le domaine du jeu de plateforme, je lance mon personnage dans un saut majestueux et plein d'assurance. A l'atterrissage, quelques mètres plus bas, je distingue mieux les pics cachés dans la fosse. Le premier saut du jeu était plus millimétré que prévu et la chute plus dangereuse. Prévenu, je reste sur mes gardes. Viennent ensuite quelques mètres classiques pour ce genre de jeu : des caisses à pousser, des trous à sauter, des cordes à grimper. Soudain un bruit sec, puis plus rien. La tête du garçon s'envole, rebondit sur le sol et finit derrière un arbre. Fondu au noir. Rien vu, rien compris. Dépité, je lâche la manette et attends la suite.

Mon personnage renaît. Averti, j'avance à pas léger et tombe sur ce qui causa ma perte. Au milieu des herbes hautes, deux pièges à loup attendent une proie... moi. Presque détachés du décor, ils sont là, visibles, provocateurs, à peine cachés. Il faudrait être idiot pour les rater ou au moins trop confiant. J'étais trop confiant.

Je poursuis ma route jusqu'à rencontrer mon premier autochtone. Assis au bord d'un pont il semble dormir. Je traverse. Le bois craque et finit par céder. Nous tombons tous deux, mais j'atteins seul le sol. L'indigène avait une corde autour du cou...

Concentres-toi. Avances. Oublies ce que tu viens de voir. Il était mort, pas endormi, c'est tout. Difficile à croire, non ?

Déboussolé, je déambule entre les arbres, cherchant à mettre le plus de distance possible avec... cet incident. Tiré de mes pensées par le mouvement d'une gigantesque forme au coin de l'écran, je reste figé. Vision d'horreur. Mes cauchemars les plus sombres me reviennent en mémoire, alors que le corps du monstre, noir comme la nuit, descend d'un arbre pour me barrer la route. Elle se met doucement en place et m'invite à la rejoindre. Chacun de mes mouvements est suivi par 3 interminables pattes velues. Tendues dans ma direction, elles n'attendent qu'une chose... 

Pointé du doigt par la mort en personne, apeuré, je cours en sens inverse pour tomber sur le lac que je venais de traverser en barque. Tu aurais dû l'attacher. Fuir m'est impossible. Espérant qu'elle sera partie, je reviens prudemment sur mes pas, tentant d'échafauder un plan. Rien ne vient. Elle est là, patiente, attentive, immobile.

Allez, on y va. Prenant mon courage à deux mains, je tente de me faufiler. Stoppé par un coup de patte, propulsé au sol, je vois l'araignée se redresser, tendre les pattes. Une goutte longe mon épine dorsale. Les mains moites, je fais tout mon possible pour bouger...en vain. Transpercé de part en part, puis jeté violemment au sol, le garçon ferme doucement les yeux. Je revois en miroir la scène d'introduction où s'éveillant, le garçon m'avait tiré un sourire.

Il renaît au niveau du lac. Je suis tétanisé. L'aventure est à peine commencée. Déjà deux morts. Combien y en aura-t'il ?

Ressaisis-toi. Fais lui payer. Animé d'une colère nouvelle, la solution m'apparaît, évidente. Saisissant un piège, je le glisse devant le monstre, qui tentant de m'attraper, y coince une patte. CLAC. L'idée est bonne, le timing aussi. Un membre en moins. Deux. Allez, meurs... Bien plus rapide qu'à l'origine, l'araignée m'attaque et il s'en faut de peu... pfiuuu... Finalement, je la fait fuir. Trois pattes blessées. Elle bat en retraite par son point d'arrivée.

Je reste devant l'arbre quelques temps. La boule au ventre, je le dépasse et cours le plus vite possible. Que ces foulées semblent courtes quand la tension vous tient. Le chemin est dégagé et je commence doucement à reprendre mon souffle. L'espace d'un temps, j'ai totalement occulté sa petite soeur pour ne penser qu'à la survie de mon personnage. Je trouvais la forêt oppressante, mais elle me paraît maintenant calme, presque belle. J'ai bien plus à craindre que cette ambiance un peu malsaine.

Un craquement dans mon dos, puis un bruit sourd. Le corps d'un enfant rebondit une deuxième fois et finit à quelques pas de moi. Elle m'a vu. Elle me suivait tout ce temps. Les crochets de la mort battent le sol et accélèrent la cadence. Courir. Fuir. Cette fois, rien pour la piéger. Juste les petites jambes du garçon... courtes. Vraiment courtes. Profitant de branches flottantes, j'avance sur le lac tandis qu'elle ralentit un peu. La traversée finie, un tronc penché devrait me permettre d'atteindre une plateforme en hauteur. J'avance, m'apprête à sauter. Sous mon poids, le support se balance. Raté. Impossible de remonter. Rien pour se cacher. J'attends. L'araignée passe au dessus du traître tronc, continue son chemin... Elle m'a manqué... s'arrête. Deux pattes coupent la lumière pour se saisir de moi. Plus une cage qu'une cachette en fait. Elle m'empale à nouveau et me jette comme si je ne l'avais jamais réellement intéressée. Que ne donnerais-je pour revenir en arrière. Bien sûr, le jeu le propose. Mais je suis marqué d'une blessure qui ne s'effacera pas. Quand mon personnage renaît, j'ai perdu toute envie de jouer, de bouger... de poursuivre en fait. Je reste immobile, tandis que l'araignée s'approche, me pousse, me tue. Mon sang ruisselle sûrement sur la patte du monstre, mais les ombres chinoises cachent tout. Comme si l'horreur venait du sang. Faire courir un enfant devant un rouleau compresseur sombre et toujours plus pressant... 

Paralysé. Passif. Les pattes de l'araignée frétillent à l'idée de m'embrocher.

Mais qu'est-ce que tu fais ? Bouge-toi enfin ! Mû par une soudaine colère, je pousse le garçon plus en avant. Le monstre me rate de peu et ne renonce pas. Mettant sous silence ma peur, j'attends la mort incarnée, la provoque. S'avançant sur le tronc penché, elle s'apprête à faire ce qu'elle fait le mieux. Mais je suis déjà loin. Pas cette fois non. Elle franchit le trou, accélère le pas. Son corps bats le sol, remuant la poussière, grondant au rythme des battements de mon coeur. Nous glissons sur une pente. En bas, un trou. Oh non pas cette fois. Je saute... elle glisse. Forêt silencieuse. Je monte une petite côte qui m'amène à une immense pierre... ronde mais coincée. Des enfants accourent, la pousse. Tous ces pièges... c'étaient eux... les enfants des limbes. Plus tard tout ça. La pierre roule, fait trembler le sol. Revenir sur ses pas. Chercher un abri. M'approchant du trou, plus tôt salvateur, j'entends des craquements organiques, terrifiants. Je les connais. Ils me serrent le coeur. L'araignée s'extirpe des entrailles de la terre et se précipite dans ma direction. Écrasé ou transpercé. Mon garçon, il est l'heure pour nous de choisir notre mort. Et si je choisissais SA mort. Au dernier instant, je me plaque contre un mur. La pierre me dépasse et par la même me sauve. Le poids brise des membres dans un craquement à peine étouffé par le cri strident de la bête à l'agonie. Pas cette fois, non ...

 

Fondu au noir. Écran d'accueil

J'ai par la suite déambulé dans les limbes pendant quelques heures, pour me rappeler enfin les raisons de ma venue. Le petit garçon cherche sa soeur. Il l'a trouve. Morte ? Vivante ? Rien n'est expliqué. C'est ainsi depuis le début. Mon but était d'avancer, de survivre. Tant de morts. Tant de cruauté. C'est insensé, immoral. Je ne peux blâmer les créateurs. Le bourreau... c'était moi, et j'ai drôlement bien rempli ma tâche.

Je reprends la manette qui m'avait glissé des mains dans un geste de relâchement. Allons chercher à nouveau ta soeur, bonhomme, mais cette fois-ci, je ferai de mon mieux.

J'espère. Tu me dois bien ça !