Il est de certains jeux qui dépassent le cadre de leur statut premier, celui du divertissement. De ces jeux qui restent, immuablement, et dont l'expérience qu'ils procurent fait encore parler d'eux nombre d'années après. Qu'on choisisse de les appeler des classiques ou des œuvres à part entière, Shadow of the Colossus en fait partie, indéniablement.
Un héros nommé Wanda
Shadow of the Colossus raconte l'histoire de Wanda, jeune homme fougueux avec pour seuls apparts un arc et une épée, qui va chercher à rendre la vie à sa dulcinée en prenant celle de seize colosses, placés aux quatre coins d'une plaine oubliée, jonchée de gouffres, de forêts, d'un désert, de grottes, aussi immense que dépourvu d'existence et poussant les capacités d'affichage de la PS2 malheureusement au-delà du réalisable. Comme pour mieux symboliser ce vide ambiant, seuls les lézards et les aigles s'y côtoient. Au milieu, Agro. Fidèle compagnon de Wanda, l'étalon devient vite un personnage à part entière de l'histoire, aussi attachant qu'indispensable à la traversée des lieux et au triomphe des différents colosses.
Des colosses qui sont autant d'êtres gigantesques, crevant l'écran. Souvent des niveaux à eux tous seuls, les gravir pour atteindre les points stratégiques en se faisant balloter de toute part provoquent des sensations tout à fait grisantes, à plus forte raison encore sur les oiseaux, offrant des joutes d'une remarquable intensité lorsque l'on passe outre une maniabilité qui peut manquer de précision. Tour à tour terrestres, aquatiques ou aériens, lents ou rapides, ils ont tous un point commun : le pincement au cœur qu'ils provoquent lorsqu' on les voit agoniser. Que nous avaient-ils fait, ces êtres ? Seize vies à arracher valent-elles une vie à restituer ? Si bien que le héros semble se noircir un peu plus à chaque meurtre perpétué, à chaque fois que l'une de ces créatures s'écroule dans un immense fracas. Pourtant il continue, inlassablement, jusqu'au seizième et titanesque colosse, à l'escalade ponctuée d'une musique qui en serait presque inoubliable. Le fer tranche, plante, la bête flanche. La révélation finale est faite, et une œuvre d'un calibre similaire, pas encore oubliée elle non plus, remonte à la surface pour installer définitivement une mythologie unique en son genre, celle de Fumito Ueda et de son équipe, la team Ico.